Chapitre 3 - Partie 2 - Éclair

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« Veronica Aswin. Son premier tube, Faille, abat tous les records en ce moment... Je me demande si elle va l'interpréter ce soir... » souffla Sophy.

La réponse à sa question ne tarda pas à se faire savoir. La chanteuse brandit devant elle sa boule pailletée et elle clama :

« Douze !

— C'EST MOI ! »

***

Folle de joie, Sophy bondit de son fauteuil et se précipita sur la scène. La lumière s'éteignit et je sentis l'appréhension monter en moi. « Non, Evy, me sermonna mon esprit. Il est légitime de stresser pour toi, mais pas pour Sophy, qui a toujours rêvé de se produire sur scène ! » Je ne parvins cependant pas à me défaire de cette impression et ce ne fut que lorsque les projecteurs se rallumèrent que mon angoisse se dissipa. Mlle Aswin commença à chanter le refrain suivi du premier couplet de Faille de sa voix fluette que beaucoup adoraient :

« Une évasion, une faille, c'est tout ce que je veux,
Un nouvel horizon afin d'éclore,
Y exprimer ma joie, toute ma gratitude encore,
Et réaliser, réaliser, tous mes vœux !

Je vagabondais seule dans le calme éternel,
Puis est apparue une étincelle... une étincelle...
Elle m'a guidée ici, elle m'a montré ce miroir
Depuis trop longtemps oublié dans le noir.

J'y ai aperçu
Un futur brillant,
Chatoyant.
Ne plus être déçue,
Ainsi sera ma voie.
Les étoiles que je vois
M'éclaireront,
Rayonneront,
Scintilleront ! »

Et au moment où le refrain recommença, l'idole plaça le micro entre Sophy et elle, et les deux jeunes femmes se mirent à chanter en chœur. J'avais l'impression de découvrir la voix de Sophy pour la première fois... elle était comme celle des idoles... Les mélodies des deux chanteuses semblaient n'en faire qu'une seule...

Lorsque commença le prochain couplet, Mlle Aswin reprit le micro et je remarquai à quel point le visage de Sophy était rayonnant de bonheur, ce qui me fit sourire malgré moi. Le refrain revint à nouveau et toutes deux s'associèrent comme précédemment, peut-être même avec encore plus d'entrain chez Sophy. Je ne vis même pas le reste de la chanson se dérouler, tant j'étais impressionnée par la performance de ma meilleure amie, et lorsque les projecteurs s'éteignirent, je fus la première à applaudir.

Sophy finit par revenir et elle me chuchota d'une voix tremblante qui témoignait de sa joie exacerbée :

« C'était tellement génial... ! Je suis trop contente que Veronica soit ma guide ! Je l'adore !

— Vous avez été incroyables toutes les deux, avouai-je alors.

— Merci, Evy ! Tu n'imagines pas à quel point je suis heureuse ! »

Je me surpris à sourire malgré moi face à la joie de ma meilleure amie et le reste de la soirée s'écoula plus rapidement que je ne l'aurais pensé. Les performances des stagiaires étaient toutes merveilleuses, ne faisant en aucun cas préjudice à leur idole, et je ne pouvais m'empêcher de me sentir coupable d'avoir gâché par mon incompétence celle de M. Adelson.

Il était presque deux heures du matin lorsque l'intégralité des spectacles s'acheva et Mlle Rowann reprit brièvement la parole pour conclure la cérémonie d'inauguration :

« J'espère que cette toute première soirée vous a plu : elle ne constitue que le commencement des deux semaines inoubliables que vous allez vivre à nos côtés ! Pour guider votre apprentissage et vos découvertes, nous avons choisi d'organiser le treizième jour de votre stage au soir une succession de spectacles comme ceux-ci, à l'exception près que ce sera vous les stars sur scène ! Bien entendu, vos mentors pourront être présents avec vous, mais ce sera votre petit projet ! »

"Petit projet"... Bien sûr, un spectacle sur scène, devant un grand public, ce n'était rien ! Et nous avions beaucoup de temps pour nous préparer de toute évidence : deux semaines à peine, c'était amplement suffisant. L'amertume me gagna immédiatement et je savais déjà que je ne participerais pas à ce petit projet. Puisque j'étais au courant, je trouverais un moyen de le contourner. Être ridicule une fois, c'était déjà difficile. Deux fois, c'était inutile.

« Sur ces belles paroles, ne paniquez pas, vos mentors seront là pour vous guider dans votre projet et je suis sûre que vous ferez des merveilles ! Et quant à vous, cher public, j'espère que vous serez présent pour ces présentations, vous retrouverez tous les détails de l'inscription sur le site d'Horizon & Paradise. Je vous souhaite à tous une très bonne soirée ! Chers stagiaires, vous pouvez regagner l'agence et profiter de cette petite pause bien méritée ! »

Je ne me le fis pas redire deux fois tant j'étais épuisée par cette première journée, mais Sophy préféra d'abord aller parler avec son idole. Tout comme la plupart des stagiaires. Aucun sentiment de culpabilité ne m'envahit cependant : j'étais trop fatiguée pour tenir une conversation rationnelle et, honnêtement, je doutais que M. Adelson pût être enchanté de me parler. Je rentrai alors toute seule à l'agence et je me rendis au second étage en empruntant les escaliers – je n'avais jamais aimé les ascenseurs.

Au moment où je refermais la porte de ma chambre et enlevais mes bottes, je remarquai un porte-clés Rubik's Cube – défait – attaché à la poignée de ma porte et je fronçai les sourcils, alors que je le saisissais pour le refaire en quelques secondes : il n'était pas là ce matin, j'en étais convaincue. Quelqu'un avait donc le double des clés de ma chambre : guère surprenant, mais cette pensée ne me réjouissait aucunement. Un doute s'empara de moi, je relâchai le Rubik's Cube refait et je me précipitai rapidement vers le sac de mon ordinateur. Il était toujours à la même place, intact. Je poussai un soupir : j'étais peut-être un peu trop paranoïaque – Evynesque, comme le dirait Sophy... Un cadenas empêchait déjà l'ouverture de mon sac et de toute façon, personne ici n'avait intérêt à me prendre mon ordinateur portable. Certes, le contenu qu'il renfermait était très précieux à mes yeux, mais je doutais qu'il pût l'être pour des idoles. Non, c'était surtout la perspective que quelqu'un puisse entrer impunément dans ma chambre qui me préoccupait : j'aimais avoir mon espace privé qui m'était réservé...

« Allons, Evy, fais un effort, pour deux semaines seulement... Après, tu vas retourner dans ton petit chez-toi pour ne plus jamais le quitter... » m'encouragea mon esprit.

Je poussai un soupir, avant d'étouffer un bâillement. Ce n'était pas ce soir encore que j'allais déballer mes valises, il était trop tard pour cela et j'étais bien trop fatiguée... Je sortis tout de même mon téléphone pour régler le réveil à 8h10 – heure parfaitement calculée pour que j'effectue quatre cycles de sommeil complets à partir de 2h14, horaire qu'il serait dans cinq minutes, le temps de m'endormir – et je le posai sur la table de nuit située à droite du lit à baldaquin. Après m'être rapidement changée, je m'affalai sur le matelas – en ayant au préalable repoussé au pied du lit la couverture pailletée, ce qui la rendait particulièrement inconfortable – et je sentis le matelas remuer dans mon dos, alors qu'un désagréable bruit de liquide se faisait entendre... Un matelas à eau... non, ce n'était pas possible... Ne pouvais-je pas avoir un matelas normal qui ne risquerait pas de fuir au milieu de la nuit ? Je me relevai alors – un nouveau bruit d'eau se fit entendre – et je pris mon sac d'ordinateur et ma valise pour les mettre à l'autre bout de la chambre, le sac sur la valise pour éviter tout risque pour mon portable. Je m'arrêtai devant mon lit à baldaquin et je dus me faire violence pour m'y allonger ; je n'aimais pas ce changement radical d'habitudes, auquel je ne m'étais définitivement pas préparée... Ravalant mon angoisse, j'installai les draps en dentelle vert pomme sur moi – là encore, je regrettais ma couette bien chaude et rembourrée – et, tant il était tard, le sommeil me gagna immédiatement...

Pour deux semaines et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant