Chapitre 21 - Partie 2 - Apothéose

36 13 21
                                    

Les lèvres rosées d'Elioth dessinèrent un sourire parfait et il répliqua avec amusement :

« Un peu cher tout de même, mais qu'importe : je ferai tout pour te retrouver. »

Pouvais-je être plus heureuse qu'à cet instant ? J'en doutais sincèrement...

***

J'avais choisi de mettre la robe verte que j'avais achetée quelques jours plus tôt avec Alysea – celle que j'avais choisie et qui était toute simple – et, lorsque je sortis de la salle de bain, Elioth ne manqua pas de me souffler :

« Tu es toujours aussi belle... et écarlate, » rajouta Elioth en m'adressant un sourire malicieux.

Le visage encore plus brûlant, je lui rendis malgré tout son sourire et nous quittâmes ses appartements pour nous rendre au réfectoire.

« Que dis-tu de commander notre petit-déjeuner et d'aller le prendre à Horizon Park ? » s'enquit le jeune homme en se dirigeant vers le buffet pour y prendre deux thermos de thé glacé.

J'approuvai son idée et après avoir sélectionné notre petit-déjeuner, nous rendîmes au paisible jardin, et commençâmes à manger au pied du cerisier – c'était définitivement l'endroit où nous voyions le mieux le cerisier –. Au bout de quelques minutes, Elioth déclara :

« Evyna, il faut que je te dise quelque chose. »

Le ton solennel d'Elioth me surprit et j'eus presque un mauvais pressentiment que je refoulai instantanément. J'avais confiance en lui... ou du moins, je voulais désespérément lui faire confiance...

« Tu te rappelles ce que je t'avais expliqué il y a trois jours sur mon enfance et celle d'Alysea ? »

J'approuvai d'un signe de tête et il poursuivit, après avoir pris une grande inspiration :

« Je ne t'ai pas tout dit. »

Guère surprenant : en seulement quelques minutes, il n'avait pas pu tout me dire.

« Alysea est ma sœur jumelle. »

Je clignai des yeux trois fois de suite, persuadée que j'avais mal entendu, et je soufflai :

« Tu viens... de dire que...

— Oui, Alysea est ma sœur jumelle, répéta Elioth sans sourciller.

— Ce n'est pas du tout mentionné dans vos biographies, répliquai-je alors, me rappelant parfaitement des deux pages Wikipédia que j'avais lues sur eux.

— C'est normal : nos parents n'ont jamais reconnu officiellement l'existence de l'autre enfant. Et nous n'avons rien fait pour, Alysea et moi.

— Je... ne comprends pas... comment c'est possible... Désolée... »

Elioth se releva, j'en fis de même, et il s'assit sur le banc avant de prendre une gorgée de thé glacé puis il déclara d'une traite :

« Nos parents étaient tout à fait incompatibles et se méprisaient au plus haut point, malgré leur liaison. Notre père, particulièrement misogyne, voulait simplement un héritier mâle à qui léguer sa fortune, tandis que notre mère voulait devenir riche. Il n'a jamais accepté de l'épouser, à son grand dam bien entendu, et lorsqu'elle nous a donnés naissance, à Alysea et moi, il s'est contenté de partir avec moi, laissant notre mère seule avec Alysea. Il était un très grand acteur, il a feint une peine immense face à la perte de ma mère, si bien que personne n'a vraiment décidé d'enquêter dessus. Quant au père d'Alysea, Esther Rowann a officiellement déclaré qu'il était parti, l'abandonnant seule avec sa fille. Aucun des deux n'a donc révélé l'identité de l'autre. Tandis que mon père m'a élevé sans mentionner une seule fois ma mère et ma sœur jumelle, Esther en a fait bien autrement pour Alysea : elle n'a cessé de nous dépeindre, mon père et moi, comme des bons à rien misogynes à qui la fortune avait souri. Bref, quand j'ai rencontré Alysea pour la première fois après la mort de mon père, elle n'était guère heureuse de me voir et je ne comprenais absolument pas pourquoi : je lui proposais de l'argent pour lancer sa carrière et, en retour, elle me voyait comme le diable en personne. Heureux hasard ou non, Esther est arrivée alors que nous étions en plein milieu de notre altercation, elle m'a insulté avec une véhémence que je n'avais encore jamais vue chez quelqu'un, avant de faire une crise cardiaque. Et là, Alysea a totalement changé de caractère : elle m'a supplié de venir en aide, financièrement parlant, à sa mère, ce que j'ai fini par faire. J'ai offert un toit à Alysea le temps de la convalescence d'Esther et lorsqu'elle a été enfin rétablie, Alysea m'a obligé à aller la voir pour lui parler. Rétrospectivement, elle voulait sans aucun doute que j'apprenne la vérité quant à notre parenté. Mais, je n'ai récolté de la part d'Esther que de nombreuses insultes, qui m'apparaissaient tout à fait injustifiées, à la fois dirigées contre mon père et contre moi. Cependant, dans sa fureur presque démentielle, elle a révélé deux choses qui ont changé le cours de ma vie à jamais. La première, la raison du décès de mon père : empoisonnement, par elle, pour se venger. La seconde en même temps quasiment, notre parenté. J'avais donc une sœur jumelle et ma mère avait tué mon père. Je suis parti immédiatement, laissant cette folle à l'hôpital, regrettant amèrement d'avoir sauvé sa misérable vie, et j'ai rejoint Alysea : je l'ai interrogée pendant toute la journée, je l'ai poussée à bout jusqu'à finalement conclure qu'elle n'était pas au courant pour l'assassinat de mon père. D'un autre côté, elle n'avait que treize ans et elle était trop gentille pour faire du mal à une mouche. Trop naïve aussi, mais bon, un peu d'innocence n'était pas de refus à cette époque. Alysea a accepté avec joie de commencer sa carrière d'idole, malgré tous les arguments qu'elle avait opposés quelques jours plus tôt, et je lui ai légué la moitié de l'héritage de mon père. Esther est morte le lendemain, suicidée. Alysea s'en est longuement voulu, car elle était convaincue que c'était parce qu'elle avait accepté de me rejoindre qu'Esther s'était donné la mort, jusqu'à ce que je lui dise la vérité sur nos parents. Et là, sa perception a changé pour devenir la même que la mienne : le mépris inconditionné pour les deux êtres qui nous avaient donné la vie. »

Pour deux semaines et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant