Pour deux semaines et un jour

Chapitre 10 - Partie 2 - Compréhension

« Réponds, et dis-lui d'arrêter de m'appeler. J'en ai assez d'elle. »

Je faillis lui répondre que je n'étais pas son esclave mais en voyant le nom d'inscrit sur le téléphone de Bella, je m'en abstins... "Tube de glu pourri-gâté"... À la simple vue de ces quelques mots abjects, je me sentis transportée trois ans plus tôt...

Une petite fille aux longs cheveux blonds attrapait sa mère par la main et la suppliait de lui faire un câlin... Et la seule réponse qu'elle avait récoltée était ce discours haineux : "Mais laisse-moi tranquille, sale petite peste ! Tu n'es... qu'un tube de glu pourri-gâté ! J'en ai marre de te voir, fiche-moi la paix !". La petite fille avait les larmes aux yeux, mais la mère s'en contrefichait... elle dégageait sa main et s'enfuyait... elle partait à jamais... J'étais là, impuissante face à cette séparation, m'en réjouissant malgré tout, car je savais que la situation n'était plus viable... Il fallait que cette odieuse femme parte loin d'ici... Mais comment le faire comprendre à une petite fille d'à peine quatre ans ? Même maintenant, elle n'avait pas oublié sa mère, qui pourtant n'était jamais revenue...

***

Je jetai un regard chargé de haine à Bella, avant de saisir son téléphone et de le porter à mon oreille.

« Oui... ? soufflai-je, la voix déjà chargée d'émotions alors que je n'avais même pas encore commencé la discussion.

— Maman ?! retentit la voix fluette si aisément reconnaissable.

— Non, Anissa, c'est Evyna.

— Tati Evy ? »

La déception était perceptible dans la voix de la petite fille et je murmurai avec sympathie :

« Anissa, s'il-te-plaît, n'appelle plus ce numéro : Papa te l'a déjà dit plein de fois...

— Mais Maman m'a promis de m'offrir un cadeau pour mon anniversaire ! Et Papa m'a promis de la rappeler !

— Anissa... »

Comment faire comprendre à un enfant que sa mère ne l'aimait pas sans lui briser le cœur ?

« Bella est partie, elle vit ailleurs...

— Mais pourquoi ?! Moi, je veux que Maman vive chez nous...

— Anissa, c'est elle qui a choisi de partir...

— Elle m'aime pas ? »

Pourquoi était-ce à moi de répondre à ces questions ?! D'un autre côté, il valait mieux que ce ne fût pas Bella...

« Anissa, tu sais, les gens changent avec les années : et parfois, on veut changer de vie, tout quitter pour en recommencer une autre.

— Il y a mieux que d'avoir une famille ?

— Certaines personnes pensent que oui.

— C'est à cause de moi... ? Elle m'aime pas assez pour rester ?

— Non, Anissa, tu n'y es pour rien du tout, répliquai-je immédiatement d'un ton implacable qui, je l'espérais, suffirait à convaincre la petite fille. Tu avais quatre ans quand Bella est partie, tu ne pouvais rien avoir fait de mal. C'est elle, le problème. »

Je vis Bella se crisper en face de moi, mais je n'en tins pas compte. Après tout, elle voulait que je convainque Anissa d'arrêter de l'appeler, et c'était également dans mon intérêt.

« Maman reviendra jamais donc... ?

— Non, Anissa, tu dois arrêter de l'appeler. Et ce n'est aucunement ta faute, retire-toi cette pensée de l'esprit.