COVER PLAY : Tome 6 : Ne me quitte plus du tout

197 Jinn

Jour 308

The Sound Factory, est le nom de l'enseigne que je lis sur la devanture du bâtiment, avant de passer le pas de la porte.

C'est aujourd'hui que je débute mon tout premier jour dans ce studio sur Paris. Et c'est aussi le lieu avec lequel je vais devoir le plus me familiariser puisque, visiblement, je ne pourrais pas profiter à ma guise de mon luxueux appartement.

La veille, c'est à peine si j'ai eu le temps de m'y installer et, après avoir passé un long moment téléphonique avec Mira, en soirée, je n'ai pas pris le temps de défaire mes affaires, ni même jeter un coup d'œil à l'ameublement.

Sans compter que je n'ai quasiment pas fermé l'œil de la nuit... Tourmenté par l'absence de mon bébé... Je n'ai fait qu'inhaler son foulard parfumé, comme un putain de drogué !

La désintox va être compliquée...

Pourtant, je vais devoir trouver le moyen de canaliser mes pensées et me surmener, afin d'être en mesure de pouvoir faire mes preuves. Surtout que c'est maintenant que tout se joue, je n'ai pas le droit à l'erreur.

-Bienvenue à toi. Johan, je présume ? M'accueille un homme de la cinquantaine d'année, très bien apprêté et parfaitement rasé, lorsque je rejoins les bureaux.

-Jinn, je le reprends immédiatement, avant de serrer la main qu'il me tend.

-Jinn ? Tu n'es pas Johan Oliveria ?

-Si c'est lui ! Lui affirme la meuf qui s'était occupée de mon recrutement. Mais il préfère qu'on l'appelle comme ça ! Lui apprend-elle, tout en nous saluant à son tour. Je suis contente de te retrouver parmi nous, continue-t-elle en s'adressant discrètement à moi, d'un large sourire suivi d'un clin d'œil.

-Jinn... C'est quoi ? Ton nom d'artiste ? M'interroge alors le pingouin.

Pas tout à fait, mais... Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de rentrer dans les détails...

-Nous dirons ça, oui.

-Ok, très bien... Ce sera donc Jinn. Je me présente, je suis Léo Tryniski...

-C'est le directeur de l'agence, me murmure au même moment Rivery, au cas où je ne l'aurais pas compris...

Ce que lui-même m'apprend, avant de m'annoncer en quoi consistera mon boulot au sein de leur groupe.

-... Composer... gérer le son... faire signer des contrats... Ici, tu seras en compagnie des plus grands du show-biz !

Je suis vaguement ce que me déblatère Tryniski en me concentrant sur les grandes lignes. Il ne fait que répéter et confirmer ce que Rivery m'a déjà annoncée lors du Festival, mais j'acquiesce pour lui donner de l'importance et le ressenti qu'il n'est pas actuellement en train de perdre son temps.

Je m'avance ensuite dans ses pas pour visiter les lieux soit, des bureaux derrière de larges fenêtres lumineuses, puis le fameux studio d'enregistrement.

Mes iris mettent quelques secondes afin de s'acclimater à ce nouveau lieu (multimédia). Teinté de lumières bleutées et de touches violacées se reflétant sur les meubles marbrés noir ou canapé et sièges en cuir et mettant en avant les cadres de certains artistes, instruments ou disques de platine, affichés comme des trophées sur les murs.

-Si tu en profitais pour me montrer un peu ce que tu sais faire ? Finit-il par m'annoncer, en s'installant sur le siège, derrière les baies vitrées.

-Oh oui ! Fais-lui le morceau que tu as joué lors du festival ! Ta compo ! Ajoute Rivery. Elle était super ! Vous allez voir, adresse-t-elle ses derniers mots à son supérieur.

Il croise les bras dans l'attente de ma réponse.

Je vois que, dès mon arrivée, on me demande de faire mes preuves...

Pourtant, je ne suis pas là pour prouver ma valeur en tant qu'interprète-compositeur mais, soit... S'il faut commencer par là...

-Très bien, j'approuve en tâchant de ne pas froncer les sourcils.

Et c'est donc derrière les vitres, dans la salle insonorisée et musicale que je me rends, en récupérant au passage une gratte.

Ceci n'est pas ma place, mais j'imagine qu'avant de pouvoir poser mon cul là où se trouve Tryniski, je vais devoir leur montrer ce que je sais faire.

Je m'installe sur l'un des tabourets, face à eux, et dépose mes doigts sur la gratte.

La composition que j'avais faite lors du festival était uniquement réservée à Mira et aurait dû rester privée, c'est donc une improvisation que je me permets de leur partager. Et lorsque je me mets à faire résonner les cordes de l'instrument, j'observe leurs regards me jugeant.

Je n'ai pas l'habitude quant au fait de m'interroger quant à mes performances mais, face à ce genre de professionnels, qui travaillent avec les plus grands, j'en arrive tout de même à avoir une certaine appréhension. Surtout que je ne me suis pas vraiment préparé, j'ai manqué de temps pour ça, je leur aurais, dans le cas contraire, prévu un morceau adapté...

Lorsque j'achève mon son et dépose la gratte là où je l'avais prise pour les rejoindre de l'autre côté de ces murs, je les interroge à mon tour.

-Alors ?

Satisfait ou non ?!

Le directeur me sonde sévèrement, puis sourit. À quoi est-ce qu'il pense, putain ?!

-À déterminer, mais c'est prometteur.

-Je vous l'avais bien dit, renchérit la recruteuse.

Tryniski relève son cul du siège avant de s'adresser une nouvelle fois à moi.

-Encore une fois, bienvenue parmi nous « Jinn ».

Puis il quitte les lieux, tandis que Rivery s'avance à son tour dans ma direction.

-Je savais qu'il allait t'adorer ! Ça ne se voit peut-être pas, mais tu lui as fait une très bonne impression ! Encore félicitations !

Ce n'était pas l'évidence même, non. Mais...

-Tant mieux.

-Allez, suis-moi ! Je vais te présenter l'équipe et te montrer un peu notre façon de procéder !

Sans surprise, je me fais chaleureusement accueillir par les meufs, tandis que les mecs me lancent des regards réprobateurs et des salutations forcées. Qu'ils se détendent, je ne compte pas toucher à leurs potentielles proies !

Puis, comme convenu, Rivery me décrit le déroulement des projets à venir, ainsi que « leurs façons de faire » je cite. Façon pas toujours des plus appropriées, mais je saurais m'adapter.

Elle me tend ensuite mon contrat que je prends le temps de lire, avant de le signer.

Les journées vont être extrêmement chargées, mais je suis prêt pour ça. Tout comme je suis prêt à proposer certains de mes titres et prendre sous mon aile quelques brins de futures stars.

-Allez, je te laisse te familiariser avec le studio parce que, dès demain, tu auras de grosses journées ! Achève-t-elle finalement, avant de rejoindre son bureau.

Je m'installe quant à moi là où était précédemment assis le directeur, dans la salle tamisée bleue et violacée.

Nous y voilà... Et, du bout des doigts, je touche mon rêve, en posant ceux-ci sur les quelques touches du régisseur.