Chapitre 40

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La première journée de guerre était finie. Chaque royaume y perdit bon nombre d'hommes. Des corps jonchaient le champs de bataille, alors que le soleil montrait ses derniers rayons. Quand l'astre diurne fit place aux étoiles et à la lune, les silhouettes devinrent plus effrayantes. Les cadavres tordus dans tous les sens faisaient des ombres partout. Leurs yeux ouverts et vide de toute âme donnaient l'impression qu'ils allaient se relever à n'importe quel moment.

Non loin de là campaient les derniers soldats vivants. De nombreuses tentes étaient montées et des torches éclairaient le campement. Quelques unes de ces tentes étaient plus grandes que les autres. Telles que celle du capitaine, du médecin et des cuisiniers. Un silence de mort régnait dans cet endroit, seulement brisé par les grognements des soldats qui se faisaient soignés pas le médecin. 

Quand à Harold, il avait quitté la table bien avant les autres. Tout ce qui s'était passé lui avait coupé l'appétit. Pendant toute cette journée, il n'entendit que des hurlements de souffrance et les épées qui s'entrechoquaient. La seule odeur qui chatouillait ses narines depuis l'aube jusqu'au crépuscule, ce fut l'odeur du sang, mêlée à celle de la transpiration. Le shérif ne supportait pas tout cela. Il s'en alla pour s'asseoir dans sa tente.

Quand il posa sa tête contre son oreiller, son esprit était enfin libre de quitter cette réalité pour rejoindre Mérida. Que faisait-elle à cet instant? Allait-elle bien? Pensait-elle aussi à lui? La seule chose qui donnait envie au shérif de revenir vivant était sa belle rousse. Sans elle, il se serait déjà fait tué.

-Shérif?

Le brun réouvrit ses yeux et tourna la tête vers l'entrée de sa tente. Le capitaine se tenait debout hors de la tente et Harold s'empressa de se relever.

-Capitaine. Le salua-t-il.

-Comment allez-vous?

-Bien. Mais je ne pourrai pas en dire autant pour ma conscience.

-C'est ce que ressentent tous les soldats qui tuent un ennemi pour la première fois. Ne vous en faites pas, vous allez surmonter ce traumatisme.

-Faire cela a l'air tellement normal pour vous, capitaine. Comment?

-J'ai déjà participé à de nombreuses confrontations dans ce genre, Harold.

-Et vous ne ressentez même pas la moindre culpabilité d'avoir mis fin aux jours d'un homme?

-Quand on exerce un travail comme le nôtre, la culpabilité est un sentiment qu'il faut bannir à tout jamais.

Harold baissa les yeux vers le sol tout en pensant à ce que venait de lui dire le capitaine. Être un soldat était vraiment un travail très dur. Et les sentiments n'étaient pas la bienvenue dans cette profession. Il fallait être un vrai cœur de pierre pour ne pas ressentir de la culpabilité après avoir tuer quelqu'un.

-Mais je dois vous avouer quelque chose. Reprit le capitaine.

Le shérif leva la tête pour regarder son supérieur. Ce dernier avait le regard perdu vers les flammes du feu de camp où se réchauffaient certains soldats.

-Je suis quand même triste pour ces morts. Ils avaient une famille. Des amis. Des rêves et objectifs. Je trouve que le métier de soldat est le plus cruel qui soit.

-Et vous, capitaine? Vous avez une famille?

Le capitaine soupira bruyamment. C'était déjà un homme d'un âge assez avancé. Ses cheveux gris et sa barbe en disaient long sur ses expériences. Ce n'était pas étonnant qu'il ne ressente plus la moindre culpabilité. Le capitaine George avait travaillé au service de la couronne depuis son adolescence. Il avait connu bien des choses pour en arriver là. Et sa vie de soldat fidèle à la royauté n'avait pas été facile.

-J'en avais une, à une époque. Répondit-il, nostalgique.

-Et que s'est-il passé?

-La peste.

Harold regrettait de suite sa question. À Nottingham, il y a eut une période où la peste avait ravagé tout le royaume. Cette épidémie décimait les plus faibles et les enfants. À cette époque, le cimetière avait été élargi. Beaucoup de gens ont succombés.

-Ma femme... Elle était fragile. Très fragile. Elle tombait facilement malade et quand elle est tombée enceinte, le médecin nous a dit de faire très attention. C'était une grossesse à risque.

-Votre enfant est finalement né?

-Oui. C'était un beau garçon. Répondit-il, de la tristesse dans la voix.

Le capitaine esquissa un sourire, ne détachant pas ses yeux des flammes dansantes. Il inspira profondément avant de reprendre son récit.

-Peu de temps après, ma femme est morte de la peste. Et même pas trois mois plus tard, notre enfant aussi.

Le shérif ne su pas quoi dire. Il ne pouvait même pas réconforter le capitaine en lui disant qu'il comprenait sa douleur, car il n'avait jamais connu la mort d'un être cher. En pensant à cela, Harold pensa aussi à Mérida. Si il advenait qu'un jour, elle meurt, il n'en survivrait pas. Le capitaine lâcha un rire avant de reprendre la parole.

-Et vous, shérif. Comment va votre femme? J'ai cru comprendre que vous vous êtes récemment marié.

Harold ne comprenait pas comment pouvait-il rire après s'être remémorer un souvenir aussi douloureux. C'était sûrement à cause de ses années dans la garde royale. Au fil du temps, les cicatrices se ferment. Et quand on travaille dans la garde, il valait mieux que les cicatrices se ferment très vite.

-Elle va bien.

-Alors, comment ça se passe entre vous?

-Plutôt... Compliqué je dirais.

-Ça ne doit sûrement pas être facile tous les jours. Surtout après un mariage forcé.

Harold ne su pas quoi répondre. Et il ne voulait pas répondre. Cette histoire était entre lui et Mérida. Le capitaine reprit après une courte pause.

-Je vous ai observé depuis votre arrivée au palais. Et jamais je n'aurais pensé que vous étiez ce genre d'homme. Ricana-t-il.

-Non, je ne suis pas ce que vous pensez que je suis.

-Vraiment? Donc, quel était le but de votre mariage si ce n'était pour garder cette femme à vos côtés?

-Comme je vous l'ai dit, c'est compliqué. Je vous ferai peut-être part de cela un jour. Ou pas.

Le capitaine tourna son regard vers Harold et lui sourit. C'était agréable d'avoir une discussion avec quelqu'un après un carnage sanglant. Harold répondit à son sourire et le plus vieux reprit.

-Vous avez hâte de la retrouver? Demanda-t-il.

-Oui. Très hâte.

-Il semblerait que tout se soit arrangé finalement. Ce n'est plus si compliqué que vous le dites si vous avez hâte de rentrer.

-Oui. Enfin, peut-être.

L'histoire d'amour du shérif était très complexe, en effet. Même si il avait découvert que Mérida ressentait la même chose que lui, cela n'empêchait pas le fait qu'elle était Robin des bois et qu'il ne voulait pas qu'elle le soit. Le capitaine George donna un coup sur l'épaule d'Harold, ce qui le fit sortir de ses pensées.

-Allez, vous devez dormir. Demain ne sera pas une journée facile.

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