Étant donné la taille et l'état de la sirène blessée, il était impossible de la faire monter à bord de la Nausicaa sans risquer d'aggraver sa situation. Kahu devait commencer par soigner le plus gros de ses blessures sous l'eau avant de demander de l'aide afin de la remonter avec précaution et l'installer dans le bassin intérieur.
— Kahu ! appela Mele par-dessus bord. Est-ce que tout va bien ?
— Ça va, mais c'était moins une. Caden avait vu juste, c'était bien une sirène qui était coincée là-dessous. Je l'ai dégagée mais elle est mal en point, je vais avoir besoin d'aide. Il faut panser ses plaies avant de pouvoir la remonter à bord, et préparer le bassin.
— Davy et Martha sont sur le coup, je t'envoie Caden. De toute façon, il ne tient pas en place.
Le temps que son ami descende le rejoindre, Kahu s'approcha de la sirène blessée pour mieux inspecter son état. Le sang qui s'écoulait de ses blessures troublait l'eau, rendant encore plus difficile le fait d'y voir clair mais trahissant la gravité des plaies. Et Kahu voyait bien qu'elle était sur le point de perdre conscience, complètement à bout de force. Ses yeux étaient vitreux et son teint semblait blafard dans l'obscurité, sans parler des tremblements incoercibles qui commençaient à l'agiter.
— Comment vous sentez-vous ? demanda-t-il doucement en prenant sa main. Où avez-vous le plus mal ?
— Patraque, bredouilla la pieuvre. Je ne sens plus mon quatrième tentacule, et beaucoup trop le sixième. Et je ne vous vois plus très bien. J'ai froid...
— Essayez de tenir le coup, mon collègue va venir nous rejoindre. C'est un humain mais il est plus que compétent et m'a déjà soigné plus d'une fois, il va m'aider à endiguer l'hémorragie pour qu'on puisse vous remonter. D'ici peu, vous serez en sécurité dans le bassin médical et vous pourrez vous reposer pendant qu'on s'occupe de vos blessure. Tout ira bien, c'est promis.
Pour donner plus de poids à ses paroles, il prit ses mains dans les siennes pour les serrer gentiment et il sourit en sentant que sa poigne lui était rendue. Il savait que cela pouvait être terrifiant de devoir s'en remettre à des humains et plus encore lorsque l'on était aussi mal en point, mais la pieuvre avait l'air franchement brave, ou bien trop blessée pour que la peur des humains surpasse celle de mourir. De toute façon, Kahu ne comptait pas la laisser là dans cet état, quitte à profiter de son inconscience pour la remonter malgré tout sur le bateau où il pourrait la soigner correctement et s'assurer qu'elle voie le soleil se lever une nouvelle fois.
— J'aime votre voix, murmura la sirène. Elle est rassurante...
— Il paraît que c'est l'expérience. Je m'appelle Kahurangi, au fait. Je suis sauveteur. Vous pouvez m'appeler Kahu si vous préférez, c'est plus court.
Il était prêt à raconter sa vie à la pieuvre, si cela pouvait l'aider à rester consciente et à lutter pour tenir jusqu'à ce que Caden arrive avec les kits de soins. À son grand soulagement, l'étreinte des mains sur les siennes ne faiblit pas et la sirène lui répondit.
— C'est un beau nom... Le mien est Malaki, je suis chasseur d'épaves... même si cette fois... c'est l'épave qui m'a eu...
Sa tentative de plaisanterie tira un rire à Kahu alors que Malaki lui offrait un pâle sourire. Il était définitivement très courageux et paraissait être de ceux qui ne paniquent qu'en tout dernier recours. Son calme était admirable, même s'il était probablement dû au peu d'énergie qui lui restait, mais Kahu était bien content de ne pas avoir à lutter contre lui parce que Malaki avait l'avantage non négligeable de huit bras supplémentaires. Le sauveteur avait beau avoir l'habitude de s'occuper de créatures parfois bien plus imposantes que lui, la pieuvre pouvait représenter une sacrée difficulté en lui opposant une résistance, même involontaire. Déjà, rien qu'à lutter pour rester conscient, Malaki l'entraînait un peu vers le fond et Kahu devait compenser avec sa nageoire pour les garder auprès de la surface.
Et puis enfin, l'océan soit loué, Caden descendit à leurs côtés dans un envol de bulles, tirant avec lui le kit de soins et deux nouvelles lampes accrochées à son équipement pour y voir plus clair. Sous l'eau, il ne pouvait pas parler mais ils avaient travaillé ensemble suffisamment de fois, Kahu et lui, pour être capables de travailler en parfaite symbiose l'un avec l'autre. Tandis que Caden plaçait des pansements et des strips sur les plaies les plus larges, Kahu s'assurait de distraire le blessé de sa douleur tout en surveillant les alentours. La dernière chose dont ils avaient besoin était d'attirer un banc de requins jusqu'à eux.
— J'ai l'impression d'être entouré de rémoras ou de labres, plaisanta faiblement Malaki. Mais plus délicats...
Ces poissons étaient employés par les sirènes pour des soins des écailles, sans pour autant être réputés pour leur finesse. Amusé de la comparaison, Kahu en rajouta un peu, soulagé et impressionné que Malaki ait encore la force de plaisanter sans s'effrayer du soigneur humain qui s'occupait de lui. Il semblait plutôt à l'aise avec ça, sans doute parce qu'il devait côtoyer régulièrement des humains avec son métier. Kahu ne connaissait pas personnellement de chasseur d'épaves mais il savait que c'était une occupation qui menait parfois à commercer avec le monde de la surface ou simplement à ramener des naufragés sur la terre ferme. Dans tous les cas, Malaki se laissa complaisamment manipuler, sans marquer d'inquiétude particulière, accroché à Kahu qui soutenait la majorité de son poids. Il commençait un peu à peiner mais il tint vaillamment le coup sans se plaindre, jusqu'à ce que Caden lui fasse enfin signe qu'il était prêt à remonter. Tout le kit de secours fut soigneusement rangé dans sa mallette pour ne pas polluer l'endroit où ils étaient, et le plongeur fut le premier à regagner la surface pour signaler aux autres à bord du bateau qu'ils pouvaient s'apprêter à remonter les deux sirènes.
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Odysseis (1&2)
ParanormalKahurangi est une sirène, mais pas que. Depuis quelques années, il travaille comme soigneur animalier au parc Odysseis qui recueille et protège des animaux marins blessés ou en danger. Il adore son travail, apprécie sincèrement ses collègues, et n'h...