12. Compagnon

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L'après-midi touchait à sa fin lorsqu'ils retournèrent à la nursery. Eliakim s'y était rendu une heure plus tôt, après avoir fini ses tâches auprès de Martha, et il était à nouveau assis au bord du bassin, discutant avec Oshady. Ce dernier faisait toujours grise mine, mais il était évident que deux nuits passées à réellement dormir et trois repas dans la journée lui avaient déjà fait le plus grand bien.

— Quelles sont les nouvelles ? demanda Kahu à Mele qui les accueillit à la porte.

— Plutôt bonnes, sourit-elle. Les lésions les moins graves ont déjà commencé à se résorber et il reprend des forces. Nous avons traité la zone nécrosée une fois ce matin et une seconde fois il y a deux heures, je dirais que cela pourrait guérir avant la fin de la semaine s'il continue à manger et à dormir. Pour le reste eh bien... il a avant tout besoin d'être en sécurité pour se reposer, se rassurer et reprendre des forces.

— À partir de quand est-ce qu'on pourra le transférer dans le bassin hôpital ? interrogea Malaki. La mention des dauphins l'a fait sourire et je crois qu'il sera heureux de pouvoir se dégourdir les nageoires.

— Ça va dépendre de l'évolution de sa nécrose, mais ce n'est qu'une question de jours. Trois, peut-être quatre.

— Alors on va faire en sorte de lui changer les idées d'ici là, décida Kahu. Je vais voir avec Martha pour modifier nos emplois du temps et celui d'Eliakim, Oshady a besoin de compagnie.

Surtout s'il avait grandi dans un banc, songea Malaki. C'était d'ailleurs pour ça qu'Eliakim était la personne idéale pour veiller à son chevet, parce qu'il venait lui-aussi d'un banc et non d'une colonie comme Kahu et lui. Mele leur donna encore quelques informations puis les laissa entrer pour de bon dans la nursery où ils furent salués par toute l'équipe de l'après-midi qui s'apprêtait à plier bagage. Oshady était assis dans la partie la moins profonde du bassin, de sorte que sa tête et ses épaules dépassaient de l'eau, et il discutait avec Eliakim d'une voix basse marquée de l'accent chantant du Pacifique.

— Voilà qui fait plaisir à voir, sourit Kahu en venant lui aussi s'asseoir sur le bord.

Pour sa part, Malaki se contenta de s'arrêter à côté de lui, sans vraiment le toucher mais assez près pour sentir la chaleur de sa peau au travers de son t-shirt bleu.

— Comment tu te sens ? demanda-t-il doucement.

— Un peu plus vivant, avoua Oshady avec un faible sourire. Manger m'a fait du bien et... pouvoir dormir profondément. C'est agréable aussi d'avoir de la vraie compagnie, des gens qui sont là pour m'aider et qui sont gentils. Eliakim m'expliquait le principe du parc et je suis... vraiment heureux d'être arrivé ici.

Une ombre un peu incertaine passa sur son visage et Malaki devina exactement ce à quoi il pensait.

— Est-ce que tu te souviens de comment tu es venu jusqu'au parc ? interrogea-t-il toujours aussi doucement.

— Un... un peu. Je me rappelle que je n'allais pas bien du tout... je crois que je commençais à comprendre que j'allais mourir... Et puis il y a eu... quelqu'un. Je crois qu'il a tué l'homme à qui... j'appartenais. Il m'a parlé au travers de la vitre, j'ai l'impression qu'il essayait de... me rassurer ? Ensuite c'est un peu flou mais il est resté près de moi jusqu'à ce qu'un autre homme arrive. Le premier a plongé dans... l'aquarium et m'a remonté pour me mettre dans un petit bac, et ils m'ont emmené. Je me rappelle du bruit des moteurs, puis je me suis réveillé ici, avec vous.

— Ce sont eux qui nous ont appelé pour qu'on puisse t'accueillir ici, expliqua gentiment Kahu. L'homme qui t'a trouvé aimerait venir te rendre visite, est-ce que tu te sens de le recevoir ? Si tu es trop fatigué, il comprendra et il attendra que tu sois prêt.

— Je veux bien le voir, acquiesça Oshady. C'est lui qui m'a sauvé le premier, je dois au moins le remercier.

Avec un petit hochement de tête, Kahu se leva et quitta la nursery tandis que Malaki s'asseyait à sa place au bord du bassin.

— J'imagine que l'on t'a déjà dit que tu allais rester ici encore quelques jours, le temps que tes blessures les plus graves soient stabilisées. Ensuite, tu pourras déménager avec les dauphins et tu auras tout plein d'espace pour nager. Et quand tu seras guéri, nous te ramènerons chez toi.

— Ça risque de prendre du temps, soupira Oshady. Je veux retrouver mes parents et mon banc...

— Ne désespère pas, l'interrompit Malaki. Ce n'est qu'une question de semaines et tu seras bientôt de retour auprès des tiens. En plus, nous allons essayer de retrouver ton banc pour prévenir ta famille, je suis sûr qu'ils seront très soulagés d'avoir de tes nouvelles. Tu sais, je suis déjà passé par là moi aussi et c'est comme ça que je suis arrivé à Odysseis.

— Vraiment ?

Face aux grands yeux trop pâles et pleins d'espoir qui le regardaient, Malaki sourit et échangea un bref sourire avec Eliakim qui connaissait déjà l'histoire.

— En fait, j'étais chasseur d'épave avant de devenir soigneur ici. Et puis un jour, il y a pas loin de six mois, j'ai été pris au piège dans les restes d'un petit bateau emporté par une tempête. J'ai été grièvement blessé et j'ai failli perdre l'un de mes tentacules. De toute façon, je serais mort si une patrouille d'Odysseis ne m'avait pas trouvé. C'est Caden qui a plongé le premier à mon secours, et ils ont appelé Kahu en renfort. Il m'a tiré de là et ils m'ont ramené ici pour me soigner.

— Ça a pris longtemps ?

— Deux semaines, le temps que les plaies les plus graves se referment. J'ai dormi un moment dans le bassin hôpital avant que Kahu ne m'accueille chez lui. Tout le monde a été adorable avec moi, ils sont venus me tenir compagnie pour que je ne m'ennuie pas, on m'a même donné un peu de travail pour m'occuper et le temps a filé super vite jusqu'à ce que je sois complètement guéri ! En plus de ça, ils connaissaient quelqu'un qui habite dans la même colonie que ma sœur, alors ils ont pu la prévenir et la rassurer.

— Et c'est comme ça que tu es tombé amoureux de Kahu ? releva Oshady avec un émerveillement visible.

— Exactement, rit Malaki avec tendresse. Quand j'ai été guéri, il m'a offert de rester avec lui et je n'ai plus jamais eu envie de partir. Nous sommes allés rendre visite à ma sœur et d'ici le mois de juillet nous allons rejoindre sa famille, mais ce qui est sûr c'est que, sans Odysseis je ne serais pas là pour te raconter ça. Et même si on a envie de guérir tout de suite, il faut être patient. Ton corps a besoin de reprendre des forces.

Oshady acquiesça sérieusement et Malaki sourit sans montrer son soulagement à voir qu'il avait surtout des séquelles physiques et pas trop psychologiques, parce que ce genre de blessures n'était absolument pas de leur ressort. Mais peut-être que le compagnon de Monsieur Gim pourrait l'aider sur ce plan, s'il avait vécu un traumatisme similaire.

Odysseis (1&2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant