Odysseis (1&2)

21. Peace

En se réveillant, Kahu mit un petit instant à se rappeler comment il s'était retrouvé dans l'abri du bassin et non dans sa chambre. Il se sentait franchement bien, compte tenu de sa mésaventure avec la pieuvre aux anneaux bleus, et il sourit parce que Malaki dormait encore près de lui, un bras passé en travers de sa taille comme une ancre. Tout doucement, pour ne pas le déranger dans son sommeil, Kahu se retourna sans briser son étreinte, de sorte à pouvoir le regarder.

Les traits doux de son visage s'étaient apaisés depuis qu'il était arrivé à Odysseis, enfin dénués de l'inquiétude et de la douleur qui les avaient marqués la nuit où Kahu l'avait sauvé de l'épave. Profondément endormi à ses côtés, Malaki était serein, ce qui ressemblait à une véritable victoire pour Kahu. Il n'en revenait toujours pas de s'être fait mordre par la petite pieuvre à anneaux bleus qu'il n'avait vraiment pas vue, et il était impressionné par la vitesse à laquelle Malaki avait réagi. En dépit de ses blessures et de ses jambes mal assurées, il avait couru à son secours là où aucun de ses collègues n'aurait pu le faire. Cela faisait très, très longtemps que Kahu n'avait pas été sauvé, et il en était tout à fait charmé.

Incapable de s'en empêcher, il leva la main pour effleurer du bout des doigts le visage de Malaki, suivant la ligne de son nez un peu retroussé et la courbe de ses lèvres auxquelles il ne se lasserait sans doute jamais de goûter. Si sa convalescence se passait correctement, il serait bientôt guéri et pourrait s'en retourner chez lui, ce à quoi Kahu ne voulait pas songer. Et comme il était très doué pour ne pas s'inquiéter du futur quand le présent était si doux, il repoussa son inquiétude en effleurant la joue de Malaki, fasciné par le contraste entre leurs peaux.

Le contact finit par réveiller la pieuvre dont les yeux violets s'ouvrirent lentement, peinant un peu à se focaliser avant de croiser les siens. Un sourire doux et naturel fleurit sur ses lèvres, si beau que Kahu se pencha pour l'embrasser, comme s'il avait pu le conserver.

— Comment tu te sens ? demanda Malaki lorsqu'il eut reculé.

— En pleine forme ! J'ai récupéré la sensibilité de tout mon corps, j'ai envie de bouger !

— Il vaudrait mieux que tu restes un peu calme au moins pour aujourd'hui, tempéra Malaki. La toxine doit avoir pratiquement disparu, mais il faut laisser le temps à ton corps de récupérer.

Bien sûr, Kahu le savait parce qu'il avait répété la même chose à plusieurs de ses patients, ou fait en sorte qu'ils n'aient pas d'autre choix que de se reposer après une telle mésaventure. Cependant, ça ne changeait rien au fait qu'il se sentait plein d'énergie et qu'il mourrait d'envie de la dépenser. Rester immobile au même endroit ne lui avait jamais convenu et il ne se sentait pas vraiment capable de passer une journée entière à ne rien faire, juste parce qu'il s'était fait mordre la veille.

— Davy m'a demandé de te garder à l'œil, contra Malaki. Tu as veillé sur moi quand j'étais blessé, maintenant c'est mon tour et je ne te laisserai pas aggraver ta situation juste parce que tu as du plancton dans la nageoire ! Il doit sûrement y avoir des choses que tu peux faire sans bouger du bassin et sans t'agiter dans tous les sens.

Son air faussement menaçant, le pli sérieux de son front et la manière dont il avait enroulé deux tentacules autour de la nageoire de Kahu pour l'empêcher de trop bouger, touchèrent le sauveteur en plein cœur. C'était tellement rare qu'il soit le blessé dont on prenait soin, et il avait bien remarqué comment Malaki le tenait pour éviter d'appuyer sur sa morsure, tout comme sa détermination à le garder au calme dans le bassin. C'était adorable, comme Malaki l'était souvent, alors Kahu céda à l'envie qu'il avait de revenir l'embrasser. Leur baiser se fit cette fois un peu plus profond et son énergie changea subitement d'objectif.