12. Mermaze

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Ils étaient encore en train de regarder des vidéos lorsque Kahu revint avec le petit déjeuner promis. En l'entendant, Malaki releva la tête et peina à le quitter des yeux. S'il avait trouvé son apparence de sirène admirable en regardant le spectacle, il y avait quelque chose dans son apparence humaine qui le rendait captivant. Sa peau cuivrée disparaissait à moitié sous un t-shirt bleu marine portant le logo du parc Odysseis tendu sur les muscles de son torse, et un short cargo gris qui laissait nues ses jambes couvertes de tatouages reprenant le motif de ses écailles. Il portait une paire de vieilles tongs qui claquaient un peu sur le sol, annonçant son arrivée, et il avait rapidement attaché ses longs cheveux noirs en un chignon retenu par une tige d'où pendaient des coquillages et des perles vertes.

— Qu'est-ce que tu es en train de lui montrer ? demanda-t-il en riant à Mele qui se redressait.

— Trois fois rien, vraiment, répliqua-t-elle sur le même ton. Seulement les backstages de ton dernier spectacle.

Il s'agissait de petites vidéos très courtes, que Malaki avait trouvées extrêmement drôles, dans lesquelles Kahu faisait l'idiot et jouait avec les poissons de l'aquarium dans lequel il réalisait son spectacle. Il avait pu constater que le sauveteur était toujours très prévenant, même pour de tout petits poissons qui se prenaient dans son costume, et cela n'avait fait qu'augmenter l'admiration qu'il avait pour lui.

— Ce qui ne fait que prouver une fois de plus à quel point tu es douée pour me montrer sous mon meilleur jour, se plaignit théâtralement Kahu. C'est exactement pour ça que je ne veux plus sortir avec toi le soir, tu brises toute mon image de sauveteur héroïque en montrant aux garçons l'idiot que je peux être.

— Ne t'en fais pas pour ça, ton charme fait tout le reste. Tu n'as besoin que d'un sourire pour qu'ils te tombent dans les bras.

Amusé, Malaki observa leur échange qui trahissait une amitié solide et complice. De son point de vue, voir Kahu faire l'idiot était loin de briser l'image qu'il avait de lui depuis le début. Celle d'un homme qui n'avait pas hésité à se mettre en danger pour lui sauver la vie, qui l'avait rassuré, soigné et ramené en sécurité alors qu'il avait cru mourir là, dans le noir et la douleur. Quelqu'un qui avait fait preuve de patience et de douceur, en dépit de la fatigue, et qui ne l'avait pas quitté d'un pouce pour s'assurer qu'il s'en sortirait, quitte à passer la nuit à son chevet plutôt que de rentrer chez lui. Non, mieux que ça, Kahu l'avait tenu dans ses bras toute la nuit, sans se plaindre, sans paraître le moins du monde ennuyé. C'était  un sauveteur compétant et bon dans son métier, qui savait s'adapter à son entourage pour être efficace et probablement trop gentil pour son bien. Malaki était plutôt d'accord avec Mele pour dire que son charme était justement sa capacité à faire l'idiot de temps en temps pour dédramatiser. Et ses éblouissants sourires.

— J'ai apporté le petit déjeuner, reprit Kahu après s'être assis au bord du bassin. Et comme je suis magnanime, je peux te laisser de la salade de fruit, Mele.

Le plateau qu'il avait déposé sur le sol humide était recouvert de choses colorées et parfumées, que Malaki aurait été bien en peine de nommer, mais qui paraissaient tout à fait appétissantes. Il n'avait pas la moindre idée de ce dont il s'agissait ou de comment ça se consommait parce que ses connaissances du monde de la surface ne s'étendaient pas à la nourriture, toutefois Kahu ne lui laissa pas le temps de s'en embarrasser.

— Il y a du café si vous en voulez, expliqua-t-il en désignant une tasse bien remplie. Ou du jus de fruits. Et je suis allé chercher des muffins en plus de la salade de fruits, parce que frôler la mort est une raison suffisante de se faire plaisir avec des pâtisseries au petit dej.

Avec naturel, il présenta chaque chose à Malaki, lui épargnant d'avoir à poser la question. Même Mele se prêta au jeu et lui raconta une ou deux anecdotes sur ce qu'il goûtait, lui permettant de mieux comprendre ce dont il s'agissait. Il avait presque oublié combien la nourriture de la terre ferme était sucrée mais c'était délicieux de sentir les différents fruits se mélanger sur sa langue. Et les muffins lui plurent aussi beaucoup, autant pour les couleurs qui les recouvraient que pour leur texture et leur saveur si exotique.

Mais plus encore, il appréciait la compagnie, les incessantes chamailleries amicales entre Mele et Kahu, la prévenance chaleureuse de ce dernier, et la façon dont ses yeux verts semblaient chercher les siens pour s'assurer en permanence que tout allait bien, sans jamais poser la question à voix haute. Le charmant sauveteur était aussi éblouissant et envoûtant que les rayons du soleil à travers la surface d'un lagon, et Malaki se demandait s'il ne risquait pas de perdre un bout de son cœur au passage, accroché par un sourire solaire et doux.

Kahu semblait n'avoir rien de plus intéressant à faire que de prendre le petit déjeuner en sa compagnie et plaisantait avec lui aussi facilement qu'avec Mele, lui donnant l'impression d'être au parc depuis bien plus longtemps que quelques heures.

— Tant que votre état de santé reste préoccupant, vous allez rester dans le bassin hôpital, expliqua-t-il tranquillement entre deux bouchées de muffin. Ce sera plus simple de faire les changements de pansements et de vérifier l'avancée de la cicatrisation avec tout le matériel à portée de main. Ensuite nous verrons où vous installer pour que vous puissiez passer votre convalescence dans les meilleures conditions possibles.

Malaki apprécia qu'il lui en parle et qu'il soit transparent avec lui. C'était rassurant de savoir ce qui l'attendait et de connaître les plans de l'équipe de soigneurs qui allait s'occuper de veiller sur lui. Et Kahu, avec ses sourires adorables et ses clins d'œil complices ne lui donna pas une seule fois l'impression qu'il comptait le laisser seul. Même lorsque Mele partit, il resta au bord du bassin avec son carnet.

— Je suis en quelque sorte en congé, précisa-t-il lorsque Malaki l'interrogea. J'ai une ou deux tâches à faire dans la journée, mais le reste du temps je serai ici avec vous. Même si le bassin hôpital est charmant, vous risquez de vite vous ennuyer si vous y restez seul et je crois que j'ai bien besoin de quelques heures de calme pour souffler un peu. La compagnie est un plus.

Son sourire en coin charmeur le fit sourire en retour, amusé et touché par sa camaraderie bienveillante. Ses blessures commençaient à se réveiller et il était vraiment heureux d'avoir une distraction pour penser à autre chose jusqu'à ce que la douleur se calme un peu.

Odysseis (1&2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant