À présent qu'il commençait à connaître Kahu, Malaki s'était attendu à quelque chose d'assez moderne pour son logement. Peut-être avec une vue sur l'océan, ou sur l'un des bassins du parc. Curieux et en même temps honoré d'avoir été invité à passer le reste de sa convalescence chez Kahu comme un ami plutôt que dans le bassin hôpital, il suivit le sauveteur dans les couloirs du parc en l'écoutant parler gaiement de tout ce qu'ils voyaient. Mais au lieu de s'éloigner des aquariums, ils s'avançaient vers la partie du parc la plus proche de l'océan.
— Ça fait super longtemps que je n'ai pas reçu quelqu'un à dormir, prévint Kahu en s'arrêtant devant une porte. J'ai rangé vite fait hier en prévision de ton arrivée, mais c'est peut-être encore un peu le bazar. Sois indulgent, je finirais de tout ranger demain, là je me suis surtout concentré sur la chambre où tu vas dormir.
La porte, faite en bois flotté comme presque toutes les autres portes du parc, se trouvait au bout de l'un des sentiers du public mais portait la mention « PRIVE » en gros au milieu. Kahu la déverrouilla avec son pass et laissa Malaki passer devant lui pour entrer l'un des couloirs réservés uniquement au personnel du parc.
— Je ne t'en tiendrai pas rigueur, assura-t-il une fois la porte refermée, c'est déjà très gentil à toi d'avoir rangé pour m'accueillir dans ta maison. Chez moi c'est toujours le bazar parce que je ne reste jamais assez longtemps pour réellement ranger et en plus j'ai souvent des trouvailles en cours de réparation ou en attente de transfert qui traînent ici et là, remplissant la table et les étagères jusqu'à ce que je me force à tout trier...
— Ahah, je connais ça, rit Kahu. Au moins tu ne seras pas dépaysé ! Viens, c'est par là.
Le couloir contournait le grand bassin des raies, avec les accès pour les soigneurs, et s'arrêtait tout au bout devant une dernière porte, elle-aussi en bois, décorée d'un motif tribal représentant une sirène qui entourait son nom. Avec un grand geste théâtral, Kahu ouvrit la porte pour inviter Malaki à entrer.
— Bienvenue dans mon humble demeure...
Un peu intimidé mais surtout vraiment curieux et peut-être aussi un peu impatient de pouvoir s'asseoir un instant, Malaki franchit la porte et resta immobile sur le seuil, frappé par l'ambiance chaleureuse et confortable de l'endroit. Les murs en bois contrastaient joliment avec le bleu du bassin que l'on pouvait voir derrière l'immense baie vitrée face à la porte, de l'autre côté d'un canapé beige, formant une alliance harmonieuse entre l'eau et la terre.
— Ça te plaît ? s'amusa Kahu.
— J'aime beaucoup. Ça a l'air... tellement confortable.
— Et tu n'as encore presque rien vu. Viens !
Visiblement ravi de lui faire la visite, il l'entraîna à l'intérieur de l'appartement, dévoilant un écran contre un mur avec une remarquable quantité de consoles de jeux vidéos, dont certaines que Malaki connaissait pour les avoir repêchées et revendues contre pas mal d'argent. Il n'avait jamais joué — l'électricité et l'eau ne faisaient vraiment pas bon ménage — mais il avait su poser les bonnes questions pour être capable de les différencier et d'en connaître le principe de base. Et puis il y avait un grand hamac suspendu devant la baie vitrée, et une petite cuisine avec une table juste à côté.
— Ça c'est la pièce à vivre, les chambres sont à l'étage du dessous. Et au-dessus de nous, il y a une terrasse qui donne sur le bassin des raies que tu peux voir là. Généralement c'est là qu'on se pose le soir pour boire une bière et souffler un peu. Je te montrerai tout à l'heure. Tu te sens de descendre l'échelle avec tes jambes, ou tu préfères te poser un peu ?
— Pour l'instant, ça devrait le faire, les muscles sont chauds et mes blessures ne m'empêchent pas de plier les genoux.
Malgré tout, il était quand même bien content de pouvoir compter sur ses bras pour se tenir aux échelons en descendant précautionneusement. Au moins, il n'y avait pas beaucoup à descendre avant d'arriver dans un autre couloir, plus petit, baigné de la lumière bleue et apaisante de l'océan. Deux portes se trouvaient sur la droite et Kahu ouvrit la seconde.
— Et voilà !
La chambre était encore plus incroyable que Malaki l'avait imaginée, ce qui n'était pas peu dire compte tenu de l'appartement qu'il venait de découvrir. Il s'était attendu à quelque chose d'un peu neutre, puisque c'était une chambre seulement destinée à recevoir des amis de passage, mais maintenant il se demandait à quoi ressemblait la chambre où Kahu dormait. En tout cas, celle-ci était une pièce humaine, avec un large lit posé sur de grandes planches de bois qui quadrillaient une vitre donnant sur le bassin. Et dans le coin, une trappe semblait donner accès à l'eau en-dessous.
— Cette chambre est faite pour recevoir des amis humains autant que des amis sirènes, expliqua Kahu. La trappe ici mène à un sas qui permet de descendre dans le bassin. Il y a une seconde chambre en-dessous, complètement immergée celle-ci. Comme l'abri de l'hôpital mais en... plus personnel quoi. Tu peux dormir où tu veux, ici ou en bas, ça ne change rien pour moi. J'alterne aussi régulièrement, même si je dors plus souvent en haut où l'on peut me trouver lorsqu'il y a urgence.
— Je n'ai jamais dormi dans un lit humain, avoua Malaki en touchant la couette du bout des doigts. Ça a l'air confortable.
Le tissu était doux et aérien, bien évidemment sec, mais avec un contact frais presque liquide. Il ne s'y connaissait pas du tout et se fichait un peu du nom de cette matière, du moment qu'il y dormait bien, ce dont il ne doutait pas.
— Je te promets que ça l'est ! Tu peux essayer de dormir ici et si jamais ça va pas, tu n'auras qu'à ouvrir la trappe pour descendre dans l'eau. Elle est volontairement proche du lit pour être accessible tout de suite en cas de crise de l'air libre.
C'était quelque chose qui pouvait arriver à une sirène qui n'avait pas trop l'habitude de rester aussi longtemps hors de l'eau et cela ressemblait à ce que les humains appelaient une crise d'asthme. Avec des démangeaisons en prime. À vrai dire, passer une nuit entière sous forme humaine, dans un lit d'humain, c'était un peu effrayant à imaginer et en même temps très tentant. À plusieurs reprises, il avait déjà passé plus d'une journée sur la terre ferme, et cela faisait déjà quelque heures qu'il marchait auprès de Kahu sans se sentir desséché. Il était plutôt confiant dans sa capacité à tenir toute la nuit, voire même le lendemain, sans avoir besoin de reprendre sa forme naturelle. Et de toute manière, l'eau était à proximité, Kahu aussi, il ne risquait rien. D'autant que jamais Kahu ne lui aurait proposé quelque chose qui risque de le mettre en danger, il en était certain.
— Je veux bien essayer, décida-t-il. Autant vivre l'expérience jusqu'au bout, pas vrai ?
— Excellent choix ! Je vais te préparer le nécessaire pour la nuit. En attendant, je t'emmène voir la terrasse ?

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Odysseis (1&2)
ParanormalKahurangi est une sirène, mais pas que. Depuis quelques années, il travaille comme soigneur animalier au parc Odysseis qui recueille et protège des animaux marins blessés ou en danger. Il adore son travail, apprécie sincèrement ses collègues, et n'h...