26. Bijou

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La dizaine de jours précédant le début de la saison estivale passa à toute vitesse, remplie des derniers préparatifs et réglages pour le spectacle d'Eliakim. À vrai dire, comme il n'avait qu'un rôle très secondaire dans l'histoire, Malaki ne s'en préoccupa que de loin, davantage concentré sur le programme de soin d'Oshady. La petite sirène s'en sortait très bien et se pliait courageusement à tous les exercices destinés à restaurer ses muscles. Il fallait dire que la perspective de jouer un rôle dans le spectacle était une excellente force de motivation, et les figures qu'Eliakim avait imaginées pour lui se basaient sur les exercices préparés par Malaki.

Ce matin-là, l'excitation était à son comble parce que c'était le grand jour et que la première représentation officielle du spectacle aurait lieu à 11h. Loin d'être intimidé, Oshady ne tenait pas en place, ce qui n'aidait absolument pas Rahiri qui essayait de le coiffer. À côté d'eux, Eliakim était tout l'inverse, repassant tous les détails pour s'assurer de ne rien avoir oublié.

— Arrête de te faire du souci, l'interrompit gentiment Unutea. Ton spectacle va être parfait. Mele a validé tes costumes, Kahu a validé ton histoire, et Malaki a validé tes figures. Toutes les répétitions se sont bien passées, ça va être un vrai succès !

Malgré tout, Malaki savait que leur stagiaire allait continuer à angoisser jusqu'à ce que la première représentation soit terminée et qu'il ait constaté de ses propres yeux que tout était parfait. C'était une réaction normale et saine, qui traduisait combien il accordait de l'importance à son travail.

— Il va y avoir tellement de monde !

— Et ils vont tous adorer, sourit Malaki. Allez, respire profondément et essaye de te détendre. Tout ira bien, Kahu et moi on assure tes arrières.

Courageusement, Eliakim parvint plus ou moins à se calmer suffisamment pour laisser Unutea le coiffer comme Rahiri le faisait avec Oshady. Les deux sirènes piochaient des bijoux en perle et en nacre dans un petit sac qui flottait entre elles et Malaki savait qu'Eliakim et Oshady ressembleraient bientôt à de véritables princes des océans.

Elles étaient en train de fixer les dernières attaches lorsque Kahu les rejoignit, accompagné de Monsieur Gim et Aizen qui marchait dans son ombre, comme toujours. Les deux étaient habillés avec bien plus de décontraction que la dernière fois, mais il était évident que l'argent ne leur manquait pas. Et Aizen souriait, ce qui illuminait tout son visage.

— Vous êtes revenus ! s'extasia Oshady.

— Je t'avais promis que nous viendrions assister au spectacle, répondit le vampire avec un clin d'œil. Et c'est le grand jour, pas vrai ?

— Génial... gémit Eliakim. Comme si j'avais besoin d'encore plus de pression sur mes épaules...

— Fais-toi confiance, contra gentiment Monsieur Gim. Kahurangi ne t'aurait jamais laissé plonger sans filet. Tu vas assurer !

Si cela ne rassura pas entièrement Eliakim, il se redressa quand même un peu et Malaki lui pressa doucement l'épaule avec un sourire. Ils avaient tous complètement foi en lui, et n'attendaient que le moment de lui prouver, quand le public éclaterait en applaudissements à la fin de son spectacle.

— On a prévu une sorte de petite fête ce soir, indiqua Kahu. Pour célébrer le succès d'Eliakim, les gros progrès d'Oshady, et l'ouverture de la saison. Vous êtes bien évidemment invités tous les deux !

— Nous partons demain, ajouta Rahiri. Notre fils est en sécurité ici et il n'y a rien que l'on puisse faire de plus, mis à part attendre la fin de sa convalescence. Et nous avons du travail qui nous attend dans notre banc.

La décision avait été difficile à prendre, mais Oshady s'était montré compréhensif. Même s'il aurait aimé garder ses parents auprès de lui plus longtemps, Rahiri et Unutea avaient déjà passé un mois à Odysseis et elles commençaient à tourner en rond. Elles n'avaient pas particulièrement leur place au parc et pouvaient attendre le retour de leur fils depuis Hawai'i.

— Si vous le souhaitez, nous pouvons vous déposer, offrit Monsieur Gim.

— C'est très généreux de votre part, remercia Unutea en posant une main sur son cœur.

— C'est la moindre des choses, après ce que nous avons fait pour Oshady. Et ça ne fait pas un gros détour sur la route pour rentrer au Japon demain...

Pour un appareil tel que L'Étincelle, non en effet. Mais pour deux sirènes, cela représenterait une économie de plusieurs jours de voyage, ce qui était définitivement très appréciable.

— Et nous ferons de même pour Oshady lorsqu'il sera définitivement guéri, ajouta Aizen.

Malaki n'était pas surpris de l'offre, parce qu'il était évident que le tueur s'était vraiment attaché à leur petite sirène et ferait tout son possible pour l'aider. C'était adorable, même si Malaki se garderait bien de le dire à voix haute, et en présence du principal concerné.

Finalement, une fois Eliakim et Oshady coiffés correctement, il fut temps de s'attaquer au reste de la journée. Kahu raccompagna Monsieur Gim et Aizen, les deux garçons sortirent de l'eau pour se changer, puis Oshady s'installa dans le fauteuil roulant qu'Eliakim poussa vers le couloir, et Malaki se retrouva seul avec Rahiri et Unutea.

— J'ai vu avec Caden pour que quelqu'un vienne vous chercher avant le début du spectacle, annonça-t-il. Ce sera probablement moi, mais sait-on jamais. Des places vous sont réservées dans le carré VIP avec Monsieur Gim et Aizen, vous serez à l'ombre et vous aurez la meilleure vue d'ensemble.

— Je ne sais vraiment pas comment vous remercier, murmura Rahiri. Pas seulement pour avoir pensé à tout ça, mais pour le reste... Vous avez sauvé notre crevette et vous l'avez impliqué dans le stage d'Eliakim comme si c'était la chose la plus naturelle du monde, pour le garder occupé et lui donner des objectifs qui lui font oublier sa convalescence...

— C'est la façon de faire d'Odysseis, répondit-il doucement. C'est comme ça que Kahu m'a soigné, quand je suis arrivé. Et c'est pour ça que je ne suis jamais parti...

— Mais cela ne change rien à notre gratitude, coupa Unutea. Vous nous avez rendu notre fils, et vous lui avez redonné le sourire. C'est... cela n'a pas de prix. Nous aurons toujours une dette envers vous.

— Ce n'est pas comme ça que ça marche, rit Malaki. Cependant... il y a peut-être quelque chose que vous pouvez faire pour nous. J'aimerais... offrir un bijou à Kahu. Le peuple de la surface accorde beaucoup d'importance à certains symboles, et notamment aux anneaux. Je sais que votre banc maîtrise l'art de tailler les perles et la nacre, peut-être pouvez-vous...

Le grand sourire qui illumina le visage de Rahiri accentua soudainement sa ressemblance avec son fils, alors qu'Unutea passait un bras autour de ses épaules avec une expression entendue.

— Un anneau, hein ? Est-ce que tu as des idées particulières, ou nous pouvons laisser libre cours à notre imagination ?

— Faites-vous plaisir ! La seule chose à garder en tête c'est que Kahu reste un sauveteur et qu'il lui faut quelque chose qui ne risque pas de le blesser ou de s'abîmer quand il travaille.

— Ne te tracasse pas, assura Rahiri. Les bijoux de notre banc sont faits par des sirènes, pour des sirènes. Une fois que tu lui auras passé l'anneau au doigt, il ne le perdra jamais à moins de le retirer lui-même. Et je crois qu'il préférera encore se couper la main que de perdre quelque chose symbolisant votre amour.

Pour la première fois depuis longtemps, Malaki se sentit rougir, ce qui lui valut un éclat de rire gentiment moqueur de la part d'Unutea, et d'être un peu chahuté par les deux sirènes aussi enthousiastes que leur fils.

Odysseis (1&2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant