Odysseis (1&2)

29. Comic Book

Tandis que Kahu rêvassait, Mele dévoila ses propres tatouages, encouragée par la curiosité de Malaki. Elle portait un petit dauphin bondissant sur sa cheville, une raie au creux du poignet, et d'autres animaux marins disséminés un peu partout sur son corps.

— Je m'en fait faire un à chaque fois qu'on fait une grande avancée pour l'océan, expliqua-t-elle. Ou bien à chaque fois qu'un sauvetage spectaculaire se passe bien. Ce qui veut dire que je vais sûrement ajouter une petite pieuvre en ton honneur. Mais je préfère les avoir plus discrets que ceux de Kahu, je ne m'imagine pas couverte d'encre comme lui.

— C'est vrai qu'il y a beaucoup de pigments ici, s'amusa Malaki. Mais certaines personnes de ma colonie sont encore plus tatouées que ça, tu sais !

Tout en parlant, il suivait du bout des doigts l'une des lignes sur l'épaule de Kahu, qui fit de son mieux pour ne pas laisser voir l'effet que ça lui faisait. La douceur pensive du geste lui donnait envie de frissonner, de fermer les yeux, et de savourer la lente caresse de son doigt qui retraçait les motifs sur sa peau. Sauf qu'il était encore au travail et qu'il n'allait pas se mettre à ronronner comme un chat, bon sang ! Et puis Malaki se pencha pour presser un baiser sur l'arrondi de son épaule, juste comme ça, et Kahu céda à l'envie de s'appuyer contre lui. De toute manière, Mele savait déjà qu'ils étaient plus ou moins ensemble, donc ça ne servait à rien de lui cacher le bonheur qu'il avait de se laisser toucher comme ça. Surtout que la tendresse naturelle de Malaki le charmait au-delà des mots et lui donnait envie de savourer chaque instant comme celui-là avant de les placer dans un coffre au trésor pour les garder.

— Tu admires notre Aquaman personnel ? demanda Davy en les rejoignant. Jason Momoa est peut-être impressionnant, mais Kahu est carrément plus cool que lui.

— Je suis assez d'accord, acquiesça Malaki. Même si j'ignore qui est Aquaman, j'ai déjà croisé Jason Momoa près de la colonie où je vivais avant. Il a l'air sympathique, je suppose.

— Aquaman est un personnage de comics, expliqua Davy avant de s'asseoir près d'eux. C'est un prince d'Atlantide doté de pouvoirs, à qui il arrive des aventures sans cesse plus dangereuses. Et il a été récemment porté au cinéma par Momoa, qui ressemble un peu à Kahu. Avec des tatouages différents, et une barbe.

— Et un peu plus de muscles, intervint Kahu en riant. Mais je devrais peut-être tenter un cosplay d'Aquaman pour un prochain spectacle, ou pour un shooting photo peut-être... Ça pourrait rendre super bien n'empêche, une campagne de com de toute l'équipe en super-héros liés à l'eau et au monde marin ! Mele, tu ferais une Petite Sirène géniale. Martha pourrait cosplayer Korra sans mal, ça lui irait trop bien !

— Caden en Submariner pour contrebalancer Aquaman, ce serait très drôle, répliqua-t-elle. Et Davy, voix de la raison, sera le capitaine Nemo. Quant à toi Malaki, je te vois bien en Dr Octopus. Mais une version encore plus stylée, peut-être même un genre de pirate plutôt qu'un scientifique fou.

Kahu pouvait parfaitement l'imaginer aussi, en super méchant avec cet air faussement dangereux qui tranchait tellement avec sa douceur habituelle. S'il en croyait l'enthousiasme dans la voix de Malaki, ce dernier était tout à fait pour aussi, et semblait complètement accepter le fait que ce soit un projet indéfini. Comme s'il comptait rester jusque-là.

— Oh là j'ai tellement d'idées maintenant ! s'exclama Mele. On pourrait faire une photo à la manière de cette scène au début d'Aquaman avec tous les poissons, là ! Vous seriez tout à fait capables de les attirer jusqu'à vous et on pourrait monter tout un truc avec notre propre super héros et son super méchant. Genre Kahu tu serais le côté positif de l'océan, qui se bat pour réparer les choses, alors que Malaki représenterait sa colère qui fait des ravages. Il y a moyen de faire tellement de trucs géniaux !

Amusé, Kahu la regarda s'emballer toute seule et croisa le regard de Davy qui lui rendit son petit sourire entendu. . Ils avaient l'habitude d'écouter Mele s'emballer pour des projets fous qui rencontraient toujours des succès retentissants mais ils furent tous les deux plutôt surpris lorsque Malaki se lança à son tour, sans retirer le bras qu'il avait passé autour de la taille de Kahu, et la conversation partit dans tous les sens.

— Je peux avoir les requins avec moi ? demanda-t-il comme un enfant. Et les orques aussi ? Plus de dents c'est plus impressionnant pour un méchant ! Je peux leur faire faire des trucs effrayants en plus ! Sans parler des autres pieuvres, évidemment...

— Tu peux carrément avoir ça, oui ! On laissera à Kahu les poissons plus colorés et " pacifiques ". Et son escadron de bernard l'ermite. Oh bon sang, je vais réfléchir à tout ça, mais je veux absolument faire cette campagne de com, ça va être trop cool ! Déjà que Kahu attire pas mal de monde, mais si tu tiens l'affiche avec lui, ce sera la folie !

Blotti contre son épaule, Kahu écouta Malaki s'émerveiller avec Mele, tous les deux excités comme des enfants dans la boutique de souvenirs. Ils avaient une imagination débordante, et des idées à revendre, même si certaines étaient improbables. En tout cas leur enthousiasme était contagieux et Kahu était presque aussi impatient qu'eux de lancer ce shooting photo, d'autant plus si ça pouvait donner à Malaki une nouvelle raison de rester plus longtemps à ses côtés. 

Et il avait de plus en plus envie de le voir en super méchant, parce que ça promettait d'être vraiment sexy. Il pouvait même parfaitement imaginer une sorte de duel mis en scène pour un spectacle, en faisant en sorte que les tentacules de Malaki puissent passer pour un costume. Et il rêvait de continuer à travailler avec lui, ou plus simplement de ne jamais avoir à quitter l'étreinte si confortable de ses bras. Tout ce qu'il avait à faire pour obtenir ça, en vérité, c'était de rassembler son courage pour lui demander franchement s'il voulait rester, ou au moins revenir. En priant pour ne pas s'effondrer si la réponse s'avérait négative, même s'il n'y croyait pas trop. Mais quand même, peut-être.