17. Emotional

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Le jour suivant apporta une bonne nouvelle, en la personne d'une sirène que Malaki avait déjà rencontrée, sans parvenir à se rappeler son nom. Au premier abord, il n'avait même pas réalisé que c'était une sirène, parce que l'homme se présenta comme un humain, habillé d'un t-shirt Odysseis et d'un short de plage coloré. Il avait la peau noire, peut-être même trop noire pour un habitant de la surface, avec des tatouages bleu électrique et de longues dreads de la même couleur. Caden marchait à ses côtés, un bras autour de ses épaules, un immense sourire aux lèvres.

— Malaki ! appela-t-il en le voyant. Un message pour toi !

— Je suis Berhan, se présenta le nouveau venu. Je viens de la colonie de Vanikoro. J'ai prévenu ta sœur, elle sait que tu as été blessé mais que tu es en sécurité ici pour ta convalescence. Elle aurait voulu m'accompagner, mais...

— C'est difficile avec son bébé, compléta Malaki. Merci d'avoir accepté de transmettre les nouvelles, elle devait être terriblement inquiète.

— Elle l'était, oui. C'est normal, elle tient à toi et elle sait combien le métier de chasseur d'épaves peut être dangereux. Elle m'a chargé de te dire que tu devais rester ici jusqu'à être tout à fait guéri et ne pas essayer de rentrer à la maison sitôt un peu rétabli, au risque de te blesser plus gravement.

Ça ressemblait tellement à sa sœur que Malaki pouvait l'entendre parler à travers la voix de Berhan, ce qui le fit sourire. Il était terriblement reconnaissant à la sirène noire d'avoir fait tout le chemin pour transmettre le message de presque inconnus et rassurer sa sœur.

— Je ne sais comment te remercier, avoua-t-il.

— Tu n'as pas à le faire, c'était une occasion rêvée de passer dire bonjour ici. Ça faisait un moment que je n'avais pas revu Caden, c'est toujours un plaisir de revenir saluer tout le monde.

Vaguement, Malaki se rappelait que Caden avait parlé de son ex, et il mit un instant avant de réaliser qu'il s'agissait de Berhan. Il se demandait un peu quelle était leur histoire et se promit de poser la question à Kahu plus tard dans la journée. En tout cas, il était évident que Berhan était un habitué des lieux et qu'il connaissait bien tous ceux qui travaillaient à Odysseis.

— Tu loges dans le bassin hôpital, j'imagine ? demanda-t-il justement.

— Non, intervint Caden en riant, Kahu lui a filé sa seconde chambre. Tu sais, pour libérer le bassin hôpital, au cas où...

À les voir rire ensemble, un même air complice dans le regard, Malaki pouvait deviner l'affection profonde qui les unissait, longue relation amoureuse devenue amitié à toute épreuve. C'était presque assez charmant pour lui faire passer outre le fait qu'ils semblaient plaisanter du fait qu'il logeait chez Kahu.

— Bientôt il aura besoin de libérer la seconde chambre aussi, n'est-ce pas ? rit Berhan en retour. L'océan seul sait où est-ce qu'il logera Malaki ensuite...

Et ils se mirent à rire de plus belle, rendant Malaki si perplexe qu'il préféra les laisser seuls et partir en quête d'une personne plus sensée avec qui parler. À son grand soulagement, il n'eut pas à aller loin pour tomber sur Martha et Davy, bien plus raisonnables que les deux rigolos qu'il venait de quitter.

— Toi, tu as croisé Caden et Berhan, remarqua Davy avec un sourire compatissant.

— Ils font souvent cet effet-là quand ils sont ensemble, ajouta Martha. Nous remercions le ciel chaque jour pour leur séparation, ils sont bien plus gérables en tant qu'amis que lorsqu'ils étaient en couple. Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre.

— Berhan est venu jusqu'ici pour me porter des nouvelles de ma sœur, avoua Malaki. C'est très gentil de sa part.

— Il est très gentil et aussi très attentionné, mais quand il veut, il peut être bizarre quand même, rit Davy. Si tu veux avoir un peu de calme, tu peux aller retrouver Kahu à la nursery. Il s'occupe des vaquitas.

Malaki le remercia et se faufila dans les couloirs dont il commençait à connaître le plan. La nurserie n'était pas très loin et avait l'avantage d'être un lieu de paix où personne n'aurait l'idée saugrenue de mettre le bazar. Et encore moins si Kahu était avec la femelle vaquita et son bébé, qui ressemblaient à un espoir fragile pour une espèce pratiquement disparue où chaque naissance était une victoire contre l'extinction.

— Hey ! sourit doucement Kahu en le voyant entrer. Tu tombes bien, j'ai besoin d'un coup de main de la part de quelqu'un de délicat et patient. Viens là.

Avec ses conseils calmes et précis, Malaki manipula doucement le bébé pour que Kahu puisse prendre les mesures de son suivi quotidien. La mère était calme, faisant naturellement confiance à des sirènes, et se contentait de nager paisiblement autour d'eux, attendant de pouvoir récupérer son petit.

— Et voilà ! annonça Kahu. C'est fini pour aujourd'hui.

Ils laissèrent les vaquitas en paix pour rentrer les informations dans le carnet de santé et Malaki en oublia presque la nouvelle que Berhan lui avait apportée. Puis Kahu l'interrogea et il lui raconta ce que la sirène noire lui avait dit.

— Tu dois tellement être soulagé ! Ta sœur va bien et elle sait que tu es en sécurité et en bonne voie de guérison, c'est génial ! Elle doit être rassurée de te savoir sain et sauf, et toi de la savoir tranquillisée à ton sujet.

L'entendre de la bouche de Kahu réveilla le soulagement que Malaki ne s'était pas laissé le temps de ressentir. Ce fut comme une lame de fond, qui le submergea au point de lui couper les jambes et il serait tombé si Kahu ne s'était pas précipité pour le soutenir. Accroché à lui, Malaki ne lutta même pas contre les larmes, trop ému pour les retenir. Sans le lâcher, Kahu émit des sons réconfortants, les bras refermés autour de lui, toujours aussi fort et rassurant.

— Merci, bredouilla Malaki.

— À ton service.

Ils finirent par s'écarter un peu, mais dans le mouvement leurs regards se croisèrent le temps d'un battement de cœur, et la bouche de Kahu se posa sur la sienne, tout doucement, un baiser bref et terriblement doux. Que Malaki lui rendit aussitôt, complètement envoûté et rasséréné par les bras solides qui l'enlaçaient. Oubliant pourquoi ce n'était pas une bonne idée parce qu'il ne resterait pas très longtemps à Odysseis, il s'appuya contre lui et savoura la douceur de Kahu, comme un rayon de soleil sur une mer calme. Et quelque part, il eut vaguement l'impression que le sauveteur en avait autant besoin que lui.

Odysseis (1&2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant