Ressentiments (49)

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Dans son cerveau tournaient en boucle les propos de Drago, à la manière d'un disque rayé. Il n'arrivait toujours pas à comprendre ce qui avait pu les en faire arriver là, mais ce qu'il comprenait très bien en revanche c'était l'immensité de la peine que cela lui procurait. Comme un trou béant dans sa poitrine qui ne faisait que croître d'heure en heure, alimenté par l'attitude de rejet qu'il subissait de la part du serpentard.

Il ne savait plus vraiment s'il avait encore le courage d'aller le chercher, d'aller le confronter, il s'était pris trop de claques. Malgré cela, l'idée d'abandonner, de l'abandonner, lui retournait les entrailles. Il était devenu clair pour lui que vivre sans Drago n'était plus une option. Le jeune homme avait pris une place considérable dans ses pensées et Harry ne souhaitait que personne d'autre ne l'occupe.

Il retournait ces considérations inlassablement, incapable de construire un raisonnement cohérent autour, bouffé par sa douleur latente de se sentir rejeté sans en comprendre la raison. Harry n'était pas vraiment du genre à pleurer, si bien que parfois il se demandait s'il savait réellement faire, et ce soir-là sans doute que s'il avait su, il ne se serait pas gêné. D'ailleurs ses canaux lacrymaux ne cessaient de se rappeler à lui en le picotant de l'intérieur.

Mais Harry Potter n'était pas non plus du genre à se laisser aller à la mélancolie. Non. Lui, c'était plutôt un combattant. Chez lui la tristesse avait tôt fait se muer en colère. Et la colère en rage.

Il sortit vivement sa baguette et commença à asséner des sorts sur ses malheureux meubles témoins de son conflit interne.

Il en voulait à Drago de l'avoir sorti de sa vie. Sort dans la table de nuit.

Il en voulait à Drago de le laisser seul à son désespoir. Sort dans l'oreiller.

Il en voulait à Drago de l'avoir laissé tomber amoureux de lui. Il en voulait à Drago d'avoir cru qu'il l'aimerait aussi. Il en voulait à Drago d'être Drago. Sort dans le mur, sort dans la commode, sort dans la chaise.

Et il s'en voulait. Tellement. De s'être laissé embarquer dans cette mission, de s'être laissé convaincre qu'il pouvait aider, d'avoir cru qu'il pouvait laisser ses sentiments s'exprimer, d'avoir pu penser que ces sentiments étaient réciproques. Et de les sentir, encore et encore, malgré la froideur et le rejet. Ils le torturaient sans cesse quelque part au fond de lui.

Probablement alertée par le bruit, Hermione ne tarda pas à faire irruption dans sa chambre. Elle jeta un regard circulaire au désordre ambiant, avant d'arrêter ses yeux sur une boule noire dans un coin, d'où émanaient de légers sifflements. Elle comprit assez vite qu'il s'agissait là de son meilleur ami, et tout en lançant un « reparo » dans la pièce elle s'avança vers lui.

Elle s'agenouilla à côté de lui, passant une main amicale dans un geste empathique sur son épaule. Harry laissa tomber sa tête sur le bras de la sorcière, en reniflant sans larme. Elle ne le pressa pas à s'expliquer - elle n'en avait pas vraiment besoin - alors ils restèrent ainsi, silencieux, pendant un moment, l'un contre l'autre, assis à même le sol, le dos contre le mur, le regard perdu dans le vide.

- Je ne sais pas ce qui m'arrive, finit par dire Harry dans un murmure à peine audible

- Tu es amoureux, Harry... lui répondit sa meilleure amie avec délicatesse

Il savait qu'elle avait raison ; il n'avait plus la foi de la contredire et de lui mentir encore, de se mentir toujours. Alors il préféra alléger un peu le poids qu'il avait sur la poitrine en concédant la victoire à la gryffondor :

- T'avais raison depuis le début... Je n'aurais jamais dû me laisser prendre à ce ... jeu... avec lui.

- Je sais, admit-elle sans une once de contentement

L'affaire GoldsteinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant