Autopsie (27)

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Lorsque ses pieds foulèrent le sol de sa maison, Harry eut du mal à rester debout et manqua de tomber à deux reprises. Il se mut difficilement vers la cuisine où il espérait pouvoir obtenir un peu d'eau.

L'alcool trompait ses proportions, ruinant ses tentatives de discrétion : il renversa une chaise, fit s'entrechoquer les verres bruyamment, et en se retournant donna un coup involontaire dans la porte du placard qui claqua derrière lui dans un vacarme assourdissant. Et alors qu'il se demandait s'il n'avait pas réveillé tout le monde, une voix lui parvint depuis l'entrée de la pièce :

- Potter ?!

Il se retourna immédiatement, et probablement un peu trop vite car la pièce tanguait à présent sous ses yeux. Mais il distingua sans soucis le nouveau venu : Malefoy. Il était rentré au square Grimmaurd. Et Harry l'avait visiblement sorti du lit. Il se tenait là, devant la porte, en robe de chambre et pieds nus, il le regardait l'air incrédule :

- Par Merlin, tu m'as fait peur... T'es pas bien de faire autant de boucan à une heure pareille ?? reprit le blond

Sans réfléchir Harry se rua sur lui et le plaqua d'un bras contre le mur. La rage était remontée d'un coup. Malefoy le scrutait l'oeil inquiet, mais ça ne l'arrêta pas :

- C'est moi qui suis pas bien ?? Toi, tu me dis ça ?! C'EST MOI QUI SUIS PAS BIEN ?! s'emportait l'auror

- T'as trop bu Potter... répondit le serpentard avec une certaine appréhension

Il essayait de se dégager, mais ça ne faisait aucun doute qu'Harry le surpassait physiquement, et de loin. Ce dernier eut un simili-rire à mi-chemin entre le rire jaune et l'affliction :

- Oh non Malefoy, tu ne t'en sortiras pas comme ça !

Il agrippa d'un geste rapide le peignoir du sorcier au niveau de l'épaule et l'arracha en seul coup. Il se retrouva en caleçon contre le mur froid de la cuisine dans un état de sidération total. Harry saisit violemment son poignet gauche et le tourna vers le haut, et il les vit : d'énormes cicatrices blanchâtres à violettes striaient sa peau du début de son poignet jusqu'à l'intérieur de son coude. C'était vrai.

Et sous ces marques irrégulières, on pouvait toujours distinguer la marque des ténèbres. L'infâme tatouage ne semblait pas avoir été affecté par le traitement que la peau avait subi. Ses contours bavaient légèrement, voilà tout. Malefoy resta stupéfait quelques secondes, avant de dégager vivement son bras de l'emprise du jeune auror.

- Et c'est moi qui vais pas bien ? s'exclama Harry, Mais qu'est-ce qui t'as pris de faire une chose pareille ?!

- Mais qu'est-ce que ça peut te faire...Je fais encore bien ce que je veux, cracha-t-il en réponse

Il essaya de sortir mais Harry le retint :

- AH non pas ça ! Ça, t'as pas le droit, tu m'entends ? T'AS PAS LE DROIT !

- D'où tu décrètes ça toi ? T'es pas le roi du monde Potter... asséna Drago

- MAIS ENFIN C'EST PAS POSSIBLE ! A QUOI TU PENSES ?! répondit-il hors de lui

Malefoy le regarda avec une espèce de dégoût latent avant de vomir des paroles empruntes de ce même dégoût :

- T'es sérieux ? Mais tu vis dans quel monde toi... exhorta-t-il, Sur ta sainte planète Potter tout est rose et les papillons chantent en choeur c'est ça? peut-être après tout, t'es le sauveur...

- AH NON NE RESSORS PAS CET ARGUMENT ! répliqua Harry en haussant le ton

- Tu veux savoir à quoi je pensais ? le coupa-t-il les yeux noirs, A rien ! Parce que je n'ai rien ! Je n'étais rien ! Tu peux le comprendre ça ?

Il poussa Harry, se dégageant de son emprise, mais ne bougea pas, sa voix était serrée par le noeud qui se formait dans sa gorge, mais il continuait :

- Qu'est-ce que tu connais de cette souffrance toi ...

- Tu te fous de moi Malefoy ? J'ai perdu des amis, des êtres chers, CE QU'IL ME RESTAIT DE FAMILLE DANS CETTE GUERRE ! cria Harry excédé

- Tu crois que je ne le sais pas ? Tu crois que je m'en fous ? Mais tu ne comprends rien alors !! renchérit-il, C'est ma faute ! C'est ma faute si tu as subi toutes ces pertes !

Harry restait interdit. Il ne trouvait rien à répondre. Alors Malefoy continuait, les larmes mouillaient maintenant son visage rougit :

- Tout le monde m'a haï dès l'instant où Il est mort ! Tout le monde ! Et ils avaient tellement raison !! J'ai été traître et cruel ! Alors je me suis haï moi aussi, lâcha-t-il, Tous ces morts, toute cette peine, toute cette désolation sous mes yeux sans que je ne fasse rien ! Je suis un lâche Potter, UN LÂCHE ! Alors explique-moi donc, toi qui sais tout, ce que tu fais quand tu n'as plus rien, que tout ce en quoi tu as toujours cru n'était que mensonge et haine, que seule la culpabilité t'accompagne, que tes remords te bouffent de l'intérieur, que tout ton être te donne envie de VOMIR !

Il se tapait violemment le sternum :

- Tu fais quoi ? Hein ? insista-t-il la voix hachée

Harry respirait fort et si on lui avait demandé comment il s'appelait à ce moment-là, il n'aurait probablement pas su répondre.

- J'ai tenté de fuir, reprit-il plus lentement, j'ai quitté la magie et tout ce qu'elle avait apporté dans ma vie.. Mais cette marque !

Il regardait son bras dans une profonde détestation,

- Même mort Il ne me quitte pas ! Elle se rappelait à moi ! Elle me brûle comme si elle était vivante et en feu... C'est devenu de plus en plus fréquent, ajouta-t-il entre ses dents, la voix de plus en plus basse. Un soir je n'en pouvais plus, j'ai pris un couteau et je l'ai frappée avec toute la force dont j'étais capable...

Il eut un rictus triste et Harry ressentait la rage s'évaporer en lui au profit d'une pitié qui le sommait d'aller enlacer son ancien rival. Mais son corps restait pétrifié sous les coups du récit. Malefoy reprit dans un sarcasme douloureux :

- Mon seul acte de courage Potter ! Et même ça je l'ai raté.

Il ramassa brusquement son peignoir, son épaule passa alors dans un rai de lumière, et Harry y vit ce qu'il avait cherché en vain sur ses mains : en fines cicatrices blanches, bien plus discrètes que celles de l'avant-bras, des lettres entremêlées. Elles étaient donc là...

Mais combien de modèles différents de ces plumes de l'enfer existait-il ? Il n'arriva plus à en détacher son regard, et le serpentard s'en aperçut. Immédiatement il jeta son vêtement dessus pour les cacher. Les larmes avaient cessé de couler, mais ses yeux restaient recouverts par un voile humide :

- Arrête de m'autopsier Potter...

Et il se dirigea vers la sortie, mais Harry l'alpagua avant qu'il n'atteigne le couloir « Drago ! », par miracle il tourna la tête, dans l'attente de la suite :

- Ne fais plus ça, d'accord ? Je.. Je ne suis pas sûr que j'y survivrais... bafouilla-t-il en tentant de recouvrer un rythme de respiration décent

Drago se détourna, puis lui répondit :

- Va dormir Potter... T'es trop bourré, tu ne sais plus ce que tu dis.

Et il le laissa seul avec sa peine et son verre d'eau.

L'affaire GoldsteinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant