Plus rien ne me parvenait, mon corps me semblait trop lourd pour se lever, mais si léger que j'aurais pu voler. Quelque chose en moi avait changé, et j'étais bien trop fatigué pour m'en préoccuper. Je savais que tous mes problèmes finiraient par me rattraper, que la réalité me reviendrait, les souvenirs entiers également, et non plus des bribes. Mais pour le moment, rien de tout cela n'avait d'importance. Seul ce gros matelas moelleux à l'odeur si douce m'importait.
Ma somnolence s'effaça soudainement, mes yeux s'ouvrirent plus grands alors que je me souvenais à présent. Ce matelas était celui de mon frère, c'était sur ce matelas que nous nous étions laissés contrôler mon loup et moi, et que nous nous étions donnés à lui, tout entier.
Mon corps courbaturé se redressa, il rejeta les couvertures qui nous couvraient.-Non, non, non, pitié non.
Mais je savais pourtant qu'il était trop tard, que mon supplice ne faisait que de commencer et que, pour nous, il n'y aurait pas de pitié.
Mes doigts se perdirent sur mon cou alors que j'avançai, que mon corps continuait, sous les cris perçants de la pluie qui battait. Ce n'était plus le doux soleil qui, sur nous, veillait, à présent, l'impétueuse pluie tombait, en tornade elle frappait, mais pas autant que mon cœur qui résonnait en un rythme saccadé.
Ma peau douce se laissa apaiser par mon toucher, jusqu'à ce qu'elle soit interrompue, massacrée par une trop grande monstruosité. Mon corps n'était plus le mien, il avait été marqué.
Mes yeux rencontrèrent alors mon reflet, attirés par cette marque qui me recouvrait, qui m'enlaidissait. Mon cœur continua à battre férocement me rappelant que j'étais vivant, me soumettant déjà à la vie prochaine qui m'attendait.
Mon regard finit par se retrouver, me dévoilant l'incompréhension qui peignait mes traits, avec cette colère croissante et cette trop grande tristesse qui l'accompagnait, je me sentais brisé, trahi, parce que nous n'avions eu aucun contrôle sur nous.
Mon corps resta là, longuement, juste pour me rappeler à quel point ma vie était gâchée, qu'elle venait de se finir, que tout espoir était ruiné. Je me plaisais encore à croire au possible, par espoir d'une liberté perdue, d'une certaine liberté que je détenais, encore un peu. Je n'étais qu'un être rêveur, je préférais me projeter dans une réalité différente plutôt que d'affronter la mienne. J'avais perdu le contrôle de moi-même, puis le contrôle de ma vie.
Je n'étais sûrement pas le seul à le penser, il y avait aussi mon frère. Mon frère qui avait pris la peine de me changer, de me laver, après ce que nous avions fait, alors que je dormais, et que nos vies avaient été bouleversées à jamais.
Mon corps finit par se mouvoir, sans être entravé, comme pour conserver encore un peu de cette liberté qui m'échappait. Je ne ressentais plus rien, je n'avais plus rien. Et alors que je quittai cette chambre terne d'un pas morne, même l'allégresse d'avoir retrouvé mon frère après toutes ces années ne parvint pas à me faire oublier ce qu'il s'était passé, cela ne parvint pas à m'apaiser, ce ne fit que me rappeler les choses qui avaient été entreprises pour lui plaire et être comblé.
Son corps se concrétisa, lui aussi changé, dos à moi, entièrement redressé face à la fenêtre, à observer cette pluie. Il aurait une vie, lui.-Adam.
Il m'avait déjà senti, alors que je gardai mes distances, que je ne voulais pas m'approcher de trop près, surtout après ce que nous avions fait. Ma voix était lourde de sens, alors que son corps ne bougeait pas, qu'il restait dos à moi. Je m'en voulus soudainement d'avoir pris ce ton si froid, nous étions deux à avoir fauté.
Plus doucement, mon corps s'approcha, jusqu'à venir s'enrouler autour du sien, je me collai alors contre son dos, dans un moment de calme avant la tempête qui s'abattrait. Ses grandes mains enveloppèrent les miennes, m'apportant un peu de douceur dans ce temps si rude, et celui qui nous attendait.-Je suis tellement désolé.
Mon front se colla contre son dos, alors que ma voix venait de s'élever, pleine de regrets.
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Toi, moi...
RomanceCe fut d'une façon bien particulière que cette nuit là, il se réveilla, il était bien loin de se douter, de son esprit embrouillé, que sa vie entière était sur le point de basculer, de plonger dans une abysse de clarté, à présent que la vérité allai...