Vingt-deuxième

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Mes yeux la fixaient résolument, cette tasse rayonnante, qui avait été la mienne toute une partie de ma vie. C'était pour leur échapper, éviter de les regarder eux, alors que leurs regards étaient fixés sur moi, celui d'Adam s'était posé sur eux, sa bête complètement évaporée. Le silence calme de notre table était le même que celui de notre trajet.
Je me sentais étranger dans cet endroit, celui que j'avais illégalement rejoint quelques heures auparavant, et où je me retrouvais une nouvelle fois à présent, avec celui qui m'avait enfermé. Une douce effluve de chocolat chaud imprégnait le salon, tiraillant mon estomac douloureux. Je sentais mon corps épuisé et affamé à présent, complètement vidé après toutes les émotions différentes qui m'avaient traversées.

-Ça nous fait plaisir de vous voir, tous les deux.

Cette voix ne m'atteignit pas, elle me survola, seulement.

-C'est mieux que de s'appeler quand même, déclara Adam.

Il but quelques gorgées de son chocolat, me jetant un regard en biais, observant quelques secondes mon indifférence, comme si c'était une scène de normalité.

-Je voulais attendre quelques jours, le temps que Nao se repose un peu, mais il était apparemment trop impatient pour cela

J'ignorai sa remarque tout comme ses yeux, restant les bras croisés, à observer ma tasse d'enfant.

-Tu es élégant Nao en tout cas, comme tout à l'heure, mais je n'ai pas pensé à te le dire.

Mon frère acquiesça, ses yeux passant sur ma tenue un instant.

-J'ai choisi ses vêtements, il avait du mal à avancer tout à l'heure.

Mon regard se releva, s'ancrant dans celui de ma mère, la plus grande fautive, je laissai mon âme aliénée la fixer. Je la vis troublée, presque horrifiée de voir la souffrance de la présence de son autre fils à mes côtés.

-Je, je ne t'ai même pas proposé de manger avec nous, tu es parti si vite.

Elle ne parvint à cacher sa tristesse, ne m'attendrissant pas, moi. Mon père entoura ses épaules, la main d'Adam recouvra la sienne tendrement, apaisant ses états d'âmes.

-Tu devrais boire ton chocolat avant qu'il ne refroidisse Nao, maman s'est embêtée à te le faire et tu n'y as pas encore touché.
-Il peut prendre son temps, c'est bon !

Ma main se leva, sans que mes yeux ne lâchent ceux de cette femme, je l'éloignai alors de moi, la rejetant, comme tout ce qui viendrait d'elle. Ses lèvres se pincèrent, sans comprendre ce que cela signifiait réellement.

-Peut-être que tu as faim Nao.

Sa main tenta d'attraper les miennes, mais elles disparurent, soudainement, sous la table, lui échappant. Mes yeux se délectèrent de la peine qui apparut dans les siens, elle me perdait, au détriment de cet autre qu'elle chérissait.

-Je, je vais aller chercher autre chose.

Elle ne parvint à cacher la faiblesse de sa voix, que j'avais provoquée. Mon père en soupira, croisant ses bras en détournant ses yeux de moi. Adam, lui, ne le fit pas.

-Nao, arrête de croire que le monde entier est contre toi, ce n'est pas le cas.

Ses mots me laissèrent indifférent, mon regard passa à peine sur lui, me rappelant la façon dont il m'avait réduit au silence, dans son appartement. Ma peau en était encore sensible, sa marque me brûlait, un peu trop agréablement.

-Tu comptes encore me faire taire ?

Il conserva son calme apparent, son sérieux ne changea rien, bien qu'il se tut, son regard un peu absent. Elle ressurgit à cet instant, d'un pas mal assuré, deux assiettes dans les mains, des paquets de gâteaux sous les bras. Mon ventre grogna, férocement, davantage qu'à la senteur chocolaté qui régnait dans la pièce. Chacun fut étonné de me voir me jeter sur le premier paquet de gâteaux qu'elle posa. Un cake gras et sucré me fit face, tout comme je les aimais, me laissant snober les quelques assiettes remplies de ses gâteaux à elle, qu'elle avait préparés.

Toi, moi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant