Quatorzième

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Mes yeux ne pouvaient dériver de ce petit morceau de papier que je tenais, c'était une petite lumière de vérité parmi l'obscurité. Adam avançait à mes côtés, tout près de moi, le froid de cette fin Novembre nous fouettant. Emmitouflé dans la chaleur de mon manteau, j'avais l'impression de ne pas sentir le vent froid, de revivre en le sentant me toucher.

-On devrait appeler.

Sa voix s'éleva soudainement, retenant mon attention, la sienne resta portée sur les regards passant sur nous, sur moi et mon corps d'oméga.

-Je ne sais pas.

C'était franc, au moins.

-Cela ne servirait à rien, ajoutai-je.

Je sentis ses yeux sur moi tandis que je la rangeai où elle serait oubliée. J'esquivai son regard, le posant sur les enseignes qui scintillaient face à la nuit qui était sur le point de tomber.

-C'est faux, ça nous aiderait à communiquer, déjà.
-Qui a dit que je voulais communiquer ? Tu m'imposeras tout ce que tu veux de toute façon.

Un long soupir le traversa, celui-même qui retenait toute sa frustration de le traverser.

-Nao, je...

Il se fit interrompre, je changeai de direction, refusant de l'écouter me bercer de mensonges. Ses pas me suivirent, sa voix s'interrompant pour laisser le temps à son corps de me rattraper.

-Où veux-tu aller ?

Sa stratégie venait de changer, mieux m'approcher pour mieux m'emprisonner. Je ne voulais pas rentrer, me retrouver chez lui, seul avec lui. Je voulais vivre, profiter de cette vie dont j'étais persuadé d'avoir été privé, je devais me reconnecter au monde, à la normalité, à tous ces gens que je détestais, qui ne voulaient que mon corps ou ma misérable vie.

-J'ai faim.

C'était si vrai.

-Je peux te préparer quelque chose en rentrant.
-Je veux rester ici.

Il ne voulait que me ramener, m'enfermer, me garder comme un vulgaire trophée.

-Nous pouvons nous arrêter à un café alors.

Son bras voulut me ramener contre lui, afficher sa supériorité, il n'y parvint pourtant pas. Mon loup se raccrocha à moi un instant, me délaissant la seconde d'après en me percevant inchangé, hermétique à celui qu'il aimait. Le silence résonna entre nous, il nous accompagna jusqu'à ce que nous décidâmes d'entrer dans la chaleur d'un café. La douceur qui m'enveloppa à mon entrée me fit tourner la tête. Adam me suivait, il posa sa main dans le bas de mon dos pour me faire avancer, dissipant ainsi le bonheur lié à la senteur sucrée de l'endroit.
L'endroit était à moitié plein, les conversations étaient joyeuses, on sentait les fêtes de fin d'année approcher. Cette fin d'année était pour moi gâchée, tout comme la prochaine qui commencerait. La vue de la vitrine remplie de viennoiseries dorées et croustillantes me détacha de mes sombres pensées. J'avais l'envie soudaine de toutes les dévorer, je me sentais mourir en ne les sentant pas me combler.

-Bonjour, qu'est-ce que je vous sers ?

L'air joyeux du bêta me décontenança, j'étais complètement dépassé par l'humanité qu'il incarnait.

-Deux chocolats chauds avec deux briochettes s'il vous plaît.

Encore une fois, il choisissait pour moi.

-Tu peux aller t'asseoir Nao, je vais régler.

A ses yeux, j'étais le même enfant qu'autrefois, ce pauvre petit être dont on devait s'occuper, qui n'avait pas son mot à dire, qui ne devait pas s'interposer.

Toi, moi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant