Soixante-huitième

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J'avais longtemps pleuré, sur le sol froid de l'appartement vide, en plein milieu du salon qui avait été quelques jours auparavant si animé, puis dans la douche, sous l'eau chaude qui dévalait mon corps aussi rapidement que mes larmes.
Ce constat n'avait finalement que renforcé ma décision de partir loin de lui. La séparation serait dure, mais nécessaire. Nous souffririons tous deux, mais il le fallait, c'était inévitable.
Mon âme était tout à fait perdue, mais pas encore la sienne. Il y avait encore de l'espoir pour lui. C'était injuste car, après tout, c'était lui qui m'avait condamné.
Puis je m'étais soudainement ressaisi. Il me restait peu de temps pour encore pouvoir profiter de mes amis. Une belle matinée en compagnie de Nathan m'attendait. Alors, je m'étais hâté dans l'optique de le rejoindre aussi vite que possible.
Ce fut pourtant lentement que je sortis de la voiture, marchant d'un pas aussi las que mou vers l'entrée du café. Contrastant avec la vitesse à laquelle je m'étais préparé.
En entrant dans l'endroit calme au style rétro, une petite clochette témoigna de mon arrivée, mes yeux parcoururent la salle presque vide. Quelques personnes seulement conversaient tranquillement, sans que leurs voix ne créent un vacarme assourdissant. Mon ami, élégamment apprêté, me fit des signes pour m'indiquer sa position. Il avait déjà commandé et m'attendait à une table donnant une agréable vue sur l'extérieur, elle était éloignée des autres clients, nous laissant notre intimité. Je m'approchai alors du comptoir moi aussi.

-Bonjour monsieur, que désirez-vous ?
-Bonjour, ce sera chocolat chaud avec un beignet choco-noisette s'il vous plaît.

La bêta au grand sourire me servit joyeusement, je me mis soudainement à l'envier, en la contemplant travailler. Elle dégageait une énergie débordante et une gaieté que je n'avais plus. De plus, elle était bêta. Si j'avais été bêta, ma vie aurait été beaucoup plus simple. Un soupir m'échappa lorsque je réglai, mes yeux s'échappant de cette vision inaccessible.

-Bonne journée à vous !

Je pris mon plateau sans même lui répondre, mon humeur était massacrante, et sa simple présence m'avait enfoncé un peu plus dans mes malheurs.

-Bonjour Nao, me sourit doucement Nathan.
-Salut.

Je tirai la chaise en face de lui sur laquelle je m'assis. En inspirant l'air, le mélange de son effluve mêlée à celle de Liam me fit froncer le nez.

-Qu'est-ce qu'il y a ? Ça ne va pas ?
-Tu sens fort Liam.

Ses joues rosirent agréablement alors qu'il se raclait la gorge, gêné.

-Et sinon ça va ? J'étais inquiet après l'appel d'Adam, il ne nous a expliqué qu'évasivement que vous vous étiez disputés et que ça avait empiré chez la thérapeute. Je voulais t'envoyer un message, mais il me l'a déconseillé, disant que tu avais besoin d'être seul un peu.

Je découpai de mes doigts un petit morceau de mon grand beignet que je grignotai. Je sentais le regard soucieux de mon ami sur moi, je l'évitais consciemment, posant le mien sur mes doigts.

-Est-ce que tu veux m'en parler un peu ? reprit-il doucement.

Sans dévier un seul instant mon regard vers lui, je frottai mes mains pour me débarrasser du sucre tout en me redressant.

-Je ne veux pas être plus égoïste encore. Et puis, si je suis ici avec toi, c'est pour me changer les idées.
-Mais m'en parler pourrait te faire du bien, tu as été isolé pendant presque deux jours à ruminer. Et je pourrai te donner quelques conseils en plus
, reprit-t-il d'une voix plus tendre.

Je soupirai une nouvelle fois, je plaignais mes amis qui devaient m'écouter me plaindre à longueur de temps.

-Quand on était sur le trajet pour aller chez la thérapeute, j'ai laissé entendre que je partirai après l'anniversaire d'Adam, en espérant que le lien ne soit pas encore fait.

Toi, moi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant