Douzième

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Les regards me pesaient, je les sentais nous scruter, dans cette salle d'attente qui m'oppressait. Adam était sur son téléphone, à mes côtés, il ne me dissimulait pas ce qu'il faisait, et il n'en avait pas besoin, je n'y comprenais rien, je ne voulais pas non plus réellement comprendre. De mon côté, cependant, dès que je prenais mon téléphone, en plus de m'imposer la vue de nous deux avant, son regard me brûlait. Je ne faisais rien, mais je me sentais en faute, constamment sous son contrôle et je détestais cela.
J'avais l'envie de serrer mes jambes contre moi, de les laisser me protéger et me mettre à pleurer. La pensée de tout ce que j'avais perdu et de tout ce que je perdrai en restant à ses côtés ne me quittait pas. J'étais piégé. La passion, l'amour, la liberté, le bonheur, de tout cela ils m'avaient privé.

-Maman.

Mon regard dériva, du plafond où il s'était laissé porter pour se poser sur une petite fille. Elle était très jeune, assise sur les genoux de sa mère, la serrant dans une douce étreinte alors qu'elle suçait son pouce. Nos yeux se croisèrent, les miens s'adoucissant face à son adorable bouille. Elle se redressa, heureuse de capter mon attention, un éclat de rire la traversa, attirant le regard d'Adam sur nous.
Je m'empressai alors de m'en éloigner, ce petit être était terrifiant. Il serait sûrement celui que je désirerai dans quelques années, mais auquel je n'aurais pas accès. Celui dont on m'aura, bien longtemps auparavant, privé. Je n'osai évoquer l'idée qu'il était peut-être déjà là, à me dévorer.

-Ouais !

Les yeux d'Adam ne s'en détachaient pas, il avait ce sourire tendre, paternel. Il viendrait un moment où il se rendrait compte de la vérité, de l'illusion de son amour, alors il me laissera dans cette solitude qui m'était réservée. Il fonderait sa vie, avec sa vraie liée. C'était ce qui m'attendrait, au-delà de toutes les souffrances que j'aurais déjà endurées, l'injustice continuerait.
La porte du médecin s'ouvrit, mon impatience s'éveillant, plus férocement alors, tandis qu'il observait sa liste de rendez-vous du jour.

-Messieurs Conrad.

Je me levai, sans doute trop brusquement, attirant le regard du médecin sur moi, celui-ci me sourit, Adam m'emboîta déjà le pas. Les deux se saluèrent, un peu trop lointainement pour moi et mon trouble profond. J'entendis la porte claquer, me ramenant malgré moi dans la réalité. Le médecin nous dépassa, dans un grand sourire, il nous invita à prendre place sur les chaises en face de lui alors qu'il s'asseyait sur son fauteuil.

-Félicitations Nao pour vos premières chaleurs, ma secrétaire m'a transmis votre message Adam, j'ai été ravi de l'apprendre.

Mes yeux se posèrent alors sur lui, qui acquiesça dans un léger sourire au médecin, avant que ses yeux ne rejoignent les miens. Je ne cherchai pas à les garder ancrés, les retournant sur le bêta en face de nous la seconde d'après.

-Votre loup doit se sentir bien mieux, des hanches fortes pour donner la vie, votre alpha qui est revenu près de vous et vos chaleurs !

Ma gorge se serra, c'était tout ce à quoi je voulais échapper, cette vie qu'on voulait m'attribuer sans me le demander. Ce médecin m'avait toujours côtoyé, moi, comme Adam, même lui savait.
Son expression se crispa en tombant sur la mienne, pour se rassurer, son regard passa sur Adam, qui avait ce léger air contrarié, seulement, après tout ce qu'il m'avait volé.

-Oh, c'est encore trop récent, veuillez excuser ma maladresse.

Adam se racla la gorge, s'avançant sur sa chaise en captant l'attention du médecin.

-A ce propos, les chaleurs de Nao ont été assez étranges.

Le médecin fronça les sourcils, incitant mon frère à continuer.

Toi, moi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant