Dix-huitième

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Mon corps douloureux frissonna en se retournant, mon esprit bien plus clairvoyant qu'auparavant. Les sensations me revinrent soudainement, en même temps que l'effluve puissante qui m'entourait et m'ôtait toute pensée. J'étais recouvert d'un plaid, confortablement installé contre le moelleux d'un canapé, la peau froide par endroits, dans des vêtements bien trop amples pour moi. La première chose qui me frappa fut ses yeux, d'un rouge dangereux, assez pour me faire frissonner, remonta alors en moi une certaine mauvaise humeur. Ma contrariété se répandit davantage en se souvenant de la façon opportune dont mon frère s'était occupé de moi, profitant vicieusement de ma faiblesse et mon besoin de réconfort.

-Tu as faim ?

Sa voix m'arracha un faible grognement que j'ignorai en me tournant dos à lui. Je ne voulais pas le voir, pas lui parler, j'avais besoin d'être seul et de récupérer.

-Je vois pas ce que ça peut te foutre.

Mes mots firent battre mon cœur plus fort, c'était à une bête que je m'adressai, une bête qui voulait me dévorer. Mon air renfrogné le fit seulement soupirer. Je sentis pourtant son corps se redresser, s'approcher jusqu'à s'arrêter près de moi, s'installant sur le sol, à mes côtés.

-Ne sois pas grossier, manger te ferait du bien après tout ça.
-C'est à cause de vous que j'en suis là.

Le reproche de ma voix rendit mon cœur sourd, sans que je ne puisse l'anticiper, cette bête pouvait s'emparer de moi. Comme je le redoutais, sa main effleura mon bras recouvert, remontant jusqu'à caresser tendrement mes cheveux.

-Tu es parti si soudainement, j'ai été négligent, je le reconnais. J'ai eu beaucoup de mal à te retrouver, dans cet endroit que tu avais choisi pour m'échapper. J'aurais préféré mieux veiller sur toi, te retrouver avant que l'un d'eux ait pu te toucher mais, une boîte de nuit Nao, tu es allé seul dans une boîte de nuit, c'est toi qui a fait ton choix.

Il n'était pas le chaos animal que je connaissais, cette bête était plus douce, presque humaine.

-Je n'y serai jamais allé si tu n'avais pas ruiné ma vie.

Sa main se crispa, s'immobilisa dans ces cheveux qu'elle avait séchés, quelques heures auparavant. J'en profitai alors pour m'éloigner de lui, me coller contre le dossier du canapé, laissant sa main retomber derrière moi.

-Nao, m'appela-t-il dans un soupir dépassé.
-Non, je ne suis pas un enfant à qui vous pouvez imposer vos décisions. Laissez-moi, vous en avez déjà bien assez fait.

Son silence, bien plus qu'un quelconque bruit, interpella ma vigilance.

-Il n'y a qu'à Adam que je suis susceptible de parler, pas à toi.

De là, je le sentis se tendre, devenir bien plus menaçant, une bête à laquelle je ne pouvais me confronter. Mon souffle se coupa, mon oreille se fit plus attentive à la respiration accélérée de sa dangerosité.

-Je ne suis pas là pour te faire du mal Nao, je veux te protéger alors, s'il te plaît, lai...
-Tu ne le fais que pour que je te sois redevable.

Ma voix interrompit la sienne, lui imposant le silence.

-Tu es comme tous les autres, tu veux juste mon corps. Mais, il n'y a plus rien à prendre.

Son silence me permit de respirer, à travers les caresses fragiles de ses doigts sur mes cheveux, je le sentis être rongé, complètement dévoré.

-J'ai déjà mal partout, en plus de ce qu'il s'est passé hier, de tous ces alphas qui ont voulu s'approprier mon être, qui ont manqué de réussir, il y a les douleurs de mes chaleurs.

Toi, moi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant