Ces derniers jours l'ambiance de la maison est plutôt maussade.Mon père est cloué au lit. Il faut dire que le temps hivernal ne l'aide pas tellement. La neige a fait son apparition et il fait terriblement froid à la maison. Ma mère a essayé de contacter le gardien pour régler nos problèmes de chauffage, mais il semble faire la sourde oreille.
L'état de mon père m'inquiète toujours autant, bien que tout le monde paraisse faire comme si de rien était. Ma mère est là plus crispée d'entre nous et est relativement froide ces jours-ci. Seulement comparé aux autres fois, elle est beaucoup moins sur mon dos et préfère rester au chevet de mon père plutôt que d'analyser mes faits et gestes. Finalement, c'est pas plus mal.Il est 17 h 30 et je sors du lycée. Je n'apprécie pas forcément cette ambiance en hiver. Il fait nuit tôt, tout le monde se précipite pour rentrée chez soi. J'avoue ressentir un peu d'anxiété ces derniers temps. La maison perd en chaleur, la maison perd un peu de mon père. Sur mon trajet, j'entends le moteur d'une voiture légèrement derrière moi. Je traine des pieds, la neige recouvre le bout de mes bottines. Elle fait des appels de phares, mais je continue ma route. Finalement, la voiture finie par se rapprocher à ma hauteur et abaisse la vitre.
... : « Oh le zombie ! J'te dépose ! »
Je lève les yeux en direction de la voiture sombre, légèrement tamisée à l'intérieur. J'aperçois mon frère et ses petites bouclettes dépassant de son bonnet, le sourire aux lèvres. Je lui souris à mon tour et entre dans la voiture, la capuche pleine de neige.
Lounès : « Oh ! Met pas de la neige partout ! »
Moi, levant les yeux au ciel : « Ça va, c'est que de l'eau. »
Il démarre et avance prudemment sur la route enneigée.
Moi : « comment ça se fait que tu es là ? »
Lui : « J'ai pas le droit d'aller chercher ma petite sœur préférée ? »
Moi, ricanant : « préférée ? T'en as qu'une Lounès.. »
Lui : « C'est déjà assez. »
Je lui tape sur l'épaule en soupirant tandis qu'il se met à rire.
Lui : « J'ai vu que ces derniers temps ça allait pas fort, si je pouvais t'épargner de te taper le froid, c'est déjà ça non ? »
Moi, la tête posée contre la vitre : « Hum.. Merci. »
J'imagine que je suis donc très nulle pour cacher mes émotions. Un blanc de deux minutes s'installe et il se décide à poursuivre.
Lui : « Je pense savoir ce qui te préoccupe. »
Je le regarde, la mine interrogatrice.
Lui : « La seule chose que je peux te dire, c'est que.. Ça va aller. Et puis si jamais tu veux me dire quoi que ce soit, bah, je suis là, ok ? »
Il me regarde furtivement, les yeux pleins de sincérité sans pour autant se déconcentrer de la route. Je lui hoche la tête en guise de réponse. À ce moment-là je n'avais pas forcément envie d'en parler, mais être avec mon frère était plutôt réconfortant. On termine le trajet silencieusement sans que l'un d'entre nous ne perturbe l'esprit de l'autre.
Nous nous approchions de plus en plus de notre immeuble, qui semblait d'ailleurs plus lumineux que d'habitude.
Je me redresse et me replace correctement de sorte à mieux voir la scène. Lounès et moi nous échangeons un regard bref, les sourcils froncés, quand nous nous apercevons des couleurs projetées sur la façade du bâtiment. Une masse bleutée se fait remarquer ce qui a tendance à réveiller mon anxiété.
Ce n'est jamais drôle d'avoir affaire au SAMU.
J'entends Lounès balbutier quelques mots remplis de questionnement.Mes yeux ne quittent pas les portes du camion de sorte à apercevoir de qui il s'agissait, mais je n'y voyais pas grand-chose. J'étais perturbé, instinctivement quelque chose semblait me perturber. Lounès finit par garer la voiture sur le parking juste à côté.
Ma main appuie fermement sur la poignée de la porte. Dès lors que celle-ci s'entrouvre, un vent de douleur parcours mon visage et transperce mon corps.
Je reste figée dans mes mouvements en entendant les bruyants pleurs féminins qui résonnaient entre les bâtiments. L'écho d'un effroyable chagrin parcourait les airs. J'avale doucement ma salive quand mon frère pose sa main sur mon bras de sorte à me sortir de mes pensées.
Lui : « Viens Ezia. »
Je ne parle pas et marche à ses côtés vers la scène dramatique.
Au fur et à mesure, mes pieds freinent.
Au fur et à mesure, je reconnais ces pleurs.
Au fur et à mesure, mon cœur se compresse.
Mes yeux regardent dans tous les sens, comme pour éviter cet impensable instinct.
Malgré la fuite, mon regard se pose tragiquement sur celui d'une femme.
J'ai à peine le temps de la voir qu'une marrée de larme a déjà envahi mes yeux.
Pourquoi cette voix devait m'être si familière ? Pourquoi cela devait-il arriver aujourd'hui ?
Mes jambes se plient, me laissant tomber, comme si j'abandonnais totalement la maîtrise de mon corps. Mes mains se positionnent sur mon cœur, qui cri immensément de douleur.Pourquoi fallait-il que je comprenne aussi vite ?
Au sol, dans le brouhaha de mes pleurs, mes yeux se dirigent vers les portes du camion où se trouve le brancard. Je ne pouvais qu'en être sûre, il s'agissait de lui.
Devant l'image de la civière portant un corps drapée, mes oreilles se mirent à bourdonner et comme prise d'une grande folie, je pousse un cri de souffrance témoignant de la brûlure de ma cage thoracique.
Je me suis sentie partir, noyée dans un immense chagrin auquel je ne pourrais survire. Je n'entendais plus la souffrance des pleurs de ma mère et je n'avais plus conscience de ce qui se passait autours de moi.
Je sens qu'on touche mon corps vide, qui brûle intérieurement de chagrins. Je ne ressens que la chaleur des larmes qui ruissellent sur mes joues.
Mon cerveau s'est complètement déconnecté et ne passe en boucle que le tendre visage de mon père comme s'il était désormais temps de toujours s'en souvenir.
Je m'en voulais d'avoir compris, j'aurais voulu rester dans l'ignorance et ne jamais avoir à comprendre aussi vite cette scène.
J'avais si facilement relié les informations, comme si en quelques secondes et en quelques regards, j'avais tout perdu.J'avais perdu mon père.
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Ezia - L'âme de mes larmes.
RandomC'est l'histoire d'Ezia. Elle mène une vie quelque peu banale, rassemblant les petits tracas du quotidien. Arrive ce jour fatidique, qui marque le début de son immense chagrin. Son monde s'écroule, la plongeant dans un flot de solitude. Le chagrin s...