Le petit écran de mon téléphone dégage une lumière qui éclaire ma chambre. Je remonte mon téléphone au niveau de mon visage fatigué. C'est un message. Je le déverrouille et tombe nez à nez face au contenu qui s'affiche.
... : « Demain, j'ai besoin de
courses. Sois efficace ».Mes sourcils se froncent instantanément. Il avait quand même pas osé. Fidèle à lui-même, il m'adressait ses phrases uniquement pour m'attaquer, me titiller. Il remuait le couteau dans la plaie, comme s'il voulait me pousser à bout. C'était si dur de le cerner, ou du moins, je voulais savoir ce qu'il pensait de tout ça. Est-ce que lui aussi ressentait les mêmes choses ? Ce truc bizarre, cette curiosité mal placée qui voulait à chaque fois me pousser à l'entendre me parler. Mais à l'inverse, je découvrais tout ce qui nous opposait, il était difficile de se côtoyer sans se disputer.
Moi : « La politesse ? »
Lui : « C'est toi qui as insisté ».
Il m'énervait, sa repartie m'énervait tellement.
Moi : « C'est ce qui t'empêche
d'être poli ? »Lui : « Bref, va dormir sinon
papa et maman vont confisquer
ton téléphone, demain, il y a école ».Je déglutis, mon cœur s'accélère peu à peu. Cette journée avait été si difficile émotionnellement, je ne voulais pas craquer, pas ce soir.
Moi : « Ma mère s'en fiche
de ce que je fais, et mon père
ne risque pas de dire quelque chose ».Mes mains commençaient à trembler, ce sujet me rendait si faible. Mais il ne pouvait pas le savoir.
Lui : « Hum, une maman qui
n'a pas trop le temps et un papa
qui travaille tard, j'imagine ».Moi : « Non, juste une mère
désintéressée et un papa mort ».Une petite larme s'écoule sur ma joue. Je ne sais pas pourquoi j'avais sorti cette phrase si subitement. C'était embarrassant, je regrettais amèrement mes mots. Je m'en voulais d'être aussi irréfléchi, comme d'habitude, je me laissais submerger et j'instaurais des malaises. J'étais toujours recroquevillé sous ma couette, mes cheveux soigneusement enfermés dans la serviette de bain. La lumière de mon téléphone éblouissait ma mine attristée. Je crois que j'attendais une réponse, mais en même temps, je ne voulais rien voir. Je ferme les yeux, peut-être pour oublier ce moment gênant. J'inspire profondément pour soulager le creux qui se formait eu centre de mon ventre. Lorsque je les rouvre quelques minutes après, je suis toujours sur la conversation, les deux pouces en l'air, mais cette fois, il avait répondu.
Lui : « Désolé.
Bonne nuit Ezia ».Une part de moi était soulagée qu'il réponde quelque chose, mais je m'en voulais quand même d'avoir été si troublante. Je ne pouvais pas m'empêcher de tout gâcher, comme à chaque fois.
Moi : « Bonne nuit ».
Je pose mon téléphone près de mon oreille, glisse une main sous ma joue tandis que l'autre se pose sur mes yeux. Noyée dans les larmes, je finis par m'endormir, bercée par mes sanglots, le cœur rongé par la tristesse.
Le lendemain la journée de cours fut difficile. Bien qu'étudier n'était plus vraiment un problème, car ça me permettait de ne penser à rien d'envahissant. Désormais, j'étais confronté à ma distraction. Une autre distraction. Une nouvelle distraction. J'étais finalement perdu dans mes pensées et divaguait plusieurs fois sur l'échange de messages de la veille. Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander si tout ça avait du sens. Si ce que je faisais était raisonnable. Je gardais trop de choses en moi, des choses qui n'étaient pas compatibles avec cette situation. Je ne pouvais pas lui parler comme s'il n'y avait rien, comme si je n'avais rien fait. Toutefois, je le faisais quand même, rien ne semblait m'arrêter.
Quand les cours se terminent, je prends directement mon téléphone.
Moi : « J'ai terminé les cours,
envoie ta liste de courses ».À peine avoir fait quelques pas, mon téléphone vibre.
Lui : « Viens d'abord chez moi ».
Moi : « Hein ? Pourquoi ? »
Lui : « Viens et c'est tout ».
Je prends le bus et me dirige vers son quartier. Encore et toujours cette ambiance pesante. On ne croise personne, et le peu qu'on aperçoit presse le pas ou paraient suspect. Arrivé devant sa porte, je m'arrête quelques secondes avant de frapper.
« Était-ce raisonnable ? »
Je secoue ma tête, comme pour chasser mes pensées intrusives. Cette questions me hantait. Je voulais fuir la situation. Éviter cette réalité qui paraissait évidente. Je frappe un bon coup et patiente. La porte s'ouvre, il est assis dans son fauteuil, les cheveux partiellement mouillés. Une odeur agréable de lessive émanait de lui. Ces traits du visage sont fermés, comme à chaque fois, il revêt son masque impénétrable, même si l'on aperçoit quand même la souffrance dans ses yeux. Immobile, j'attends toujours patiemment qu'il dise quelque chose.
Lui : « Entre ».
Moi : « Et les courses ? »
Il fait demi-tour et souffle.
Lui : « C'est bon, calme-toi avec les courses, entre j'te dis et discute pas ».
Je le suis et finis par entrer. Je rejoins le salon, la chaleur de la maison s'intensifie de plus en plus.
Moi : « Si c'est pour reparler de notre discussion d'hier, je m'en passerais. On n'est pas d'accord, c'est tout ».
Lui : « Non, je m'en fiche de ça ».
Moi, laissant échapper un rire nerveux : « Hum.. Tu t'en fiches évidemment ».
Je m'assois sur le canapé, pleine d'impatience.
Moi : « Alors quoi ? Qu'est-ce que t'as à me dire ».
Lui, d'un air sérieux : « Je crois pas que ce soit bien qu'on se fréquente ».
Je plonge mon regard dans le sien, étonnée par ses dires.
Moi : « Hein ? Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? »
Lui, il passe sa main dans ses cheveux humide : « Écoutes, je sais pas ce qui m'a pris de t'embarquer ici, dans tout ça.. »
Moi, le coupant : « C'est quoi tout ça ? »
Lui, soufflant : « Je.. C'est compliqué.. Enfin, je veux dire, je ne veux pas que tu sois dans tout ça. On ne peut pas se côtoyer toi et moi ».
Je me lève spontanément près de la fenêtre et passe mes mains sur ma tête.
Moi : « Attend, Yumes je comprends pas où tu veux en venir. Je ne comprends pas ce qui fait qu'on ne doit pas se côtoyer, c'est quoi "tout ça", explique-moi, je comprends rien »
Lui : « On n'a pas la même vie. Je suis un solitaire moi, j'ai toujours marché en solo. Je ne veux pas que tu deviennes un dommage collatéral. T'es comment dire.. Encore jeune, t'as la vie devant toi, je veux pas t'apporter de problème. On ne se connaît pas, alors il vaut mieux pas qu'on se fréquente davantage pour que ça ne se complique pas.. »
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Ezia - L'âme de mes larmes.
RandomC'est l'histoire d'Ezia. Elle mène une vie quelque peu banale, rassemblant les petits tracas du quotidien. Arrive ce jour fatidique, qui marque le début de son immense chagrin. Son monde s'écroule, la plongeant dans un flot de solitude. Le chagrin s...