Chapitre 4 - Rose épineuse.

71 6 0
                                    

La boulangerie est vide. Les petits grelots au-dessus de la porte tintent au moment de mon passage. C'est la fin de journée, il n'y a plus grand-chose dans la vitrine. On croirait même que le service n'a pas été fait. Je patiente au niveau du comptoir en espérant que quelqu'un daigne venir. Je regarde les murs, on dirait qu'il s'agit d'une ancienne boulangerie. Il y a des photos accrochées, avec des personnes posant fièrement, un prix à la main. Finalement, quelques minutes plus tard, un vieux monsieur aux cheveux pratiquement blanc fait son apparition. Il ressemblait à l'une des personnes affichées au mur. Il me regarde avec une expression à la fois interrogatrice, mais aussi apeurée.

Lui, dubitatif : « Oui, c'est pour quoi ? »

J'étais quelque peu étonnée. Nous étions dans une boulangerie, et il n'avait pas vraiment l'air de vouloir me vendre quelque chose.

Moi, intimidée : « Je.. Ça serait pour des renseignements ».

Lui : « Je n'ai rien à vous dire, allez voir ailleurs ».

Je reste silencieuse, quelque peu surprise par ses mots. Pourquoi était-il si fermé ? J'avais l'impression qu'il avait comme l'habitude qu'on vienne lui poser des questions. Il était fermé et méfiant. Même si la situation était froide et commençait à m'embarrasser, je m'efforçais de ne pas oublier pourquoi j'étais là. Je devais obtenir toutes les informations possibles concernant Yumes. Il le fallait à tout prix.

Moi, déglutissant : « S'il vous plait, j'ai vraiment besoin d'aide ».

Je plonge mon regard dans le sien, comme pour lui faire comprendre ma détresse. Je trifouille dans mon sac à main, sors le petit porte monnaies et retire la photo abîmée. Je la pose à plat sur le comptoir et la tourne vers le vieux monsieur.

Moi : « Est-ce que vous reconnaissez quelqu'un ? »

Il ne parle pas. Il reste complètement figé, face à la photo. Son visage fini par s'adoucir, comme si un mélange de pitié et de tristesse s'emparait de lui. Il approche délicatement son doigt vers la photo et la soulève de sorte à mieux la voir. Il passe ensuite son poing au niveau de ses lèvres comme pour retenir un sentiment poignant.

Moi : « Monsieur ? Est-ce que ça va ? »

Lui, la voix tremblotante : « Où est-ce que vous avez trouvé ça ? »

Moi, déconcertée : «  Quoi ! Vous savez qui c'est ? »

Lui, reposant la photo sur le comptoir : « Bien sûr.. »

Moi : « Vous devez m'en dire plus, monsieur, je vous en supplie, j'ai besoin de vous ».

Lui, fronçant les sourcils : « Mais qui êtes-vous ? Je ne vous ai jamais vu ici ».

Moi : « C'est normal, je ne suis pas d'ici. J'essaie juste de comprendre. Cette photo-là, elle appartient à un garçon d'ici. D'après ce que j'ai compris, il doit habiter dans cette ville. C'est sa photo, j'ai besoin de retrouver quelqu'un de sa famille. Je n'ai que cette photo, alors je me suis dit que c'était peut-être sa femme.. »

Il laisse échapper un petit rire moqueur, avant de reprendre son sérieux.

Lui : « Sa femme, vous m'en dites des bêtises. Le petit garçon là, c'est le jeune homme dont vous me parlez », il déglutit et soupire. « Puis la petite dame à côté, c'est.. C'est sa maman ».

Moi : « C'est vrai ! Oh comme je suis soulagée, je vais enfin pouvoir la retrouver ».

Il me regarde d'un regard plutôt rude, comme si ma réaction ne lui plaisait pas.

Lui : « Ça ne risque pas ».

Moi, étonnée : « Hein ? Comment ça ? »

Lui, stoïquement : « Elle est décédée ».

Mes joues chauffent. J'étais un peu sonnée par cette réponse. Je ne m'y attendais pas et la manière dont le monsieur me l'annonçait rendait cette situation stressante. J'étais perdue entre un flot de compassion et d'inquiétude. Yumes avait donc tristement perdu sa maman, et je perdais donc un moyen d'établir un lien avec l'un de ses proches.

Moi : « Oh.. je ne savais pas. Je suis désolée. »

Lui : « Eh bien, vous ne pouvez pas le savoir. Bon maintenant, vous pouvez partir, je crois ».

Il se retourne de sorte à quitter les lieux.

Moi : « Non, s'il vous plaît, une dernière chose ! »

Lui, plein de nonchalance : « Qu'est-ce qu'il y a enfin ! »

Moi : « Je dois aider Yumes. Il a besoin d'aide ».

Il fronce les sourcils et élève la voix.

Lui : « Je ne veux surtout pas avoir affaire à lui et sa bande, ne redites jamais ce prénom ici ! Maiya était une femme adorable et bien élevée, mais je me demande ce qu'elle dirait si elle voyait ce que son fils manigance ! »

Moi : « Quoi.. Mais, monsieur »

Lui : « Ça suffit ! Je ne veux plus en entendre parler, sortez maintenant ! »

Je ne dis rien et rejoins la sortie. Je ne comprenais pas vraiment où il voulait en venir, mais je ne voulais pas qu'il s'énerve davantage.
Sur le chemin du retour, je ne fais que de penser. J'étais perturbée par cette courte scène. Finalement, j'avais eu l'impression d'avoir eu des informations sans réellement en avoir. J'avais failli à ma mission première, à savoir me rapprocher d'un proche de Yumes. En revanche, j'avais cette petite impression d'en savoir plus sur lui. Ou du moins, je commençais à creuser un peu plus en détails sur tous les mystères qui l'entourait. Cependant, j'étais maintenant perturbée. J'étais face à des découvertes qui me mettaient mal alaise. J'avais l'impression d'entrer sur un terrain sur lequel je n'avais pas ma place. Je me sentais mauvaise d'entrer dans sa vie, mentionnant son nom comme s'il était une de mes connaissances. Comment je pouvais oser m'approprier cette place. Comment je pouvais parler de lui, comme si je n'étais pas responsable de tout ce qui lui arrivait. Mais à côté de ça, je ne pouvais pas non plus rien faire et baisser les bras.

Alors, je lutte contre moi-même, même si tout en moi me répugne.

Ezia - L'âme de mes larmes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant