Chapitre 3 - Ivre mort.

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Cela faisait désormais un mois que les grandes vacances avait débuté. Un mois que j'étais plongée dans un remue-méninge épuisant. Depuis cette fameuse soirée, m'impliquant avec Lounès dans la vie de se dénommer Yumes Siyuna. Toujours endormi, sans aucun nouveau signe de sa part.

J'avais pris part à une spirale robotique qui m'impliquait dans le quotidien de l'hôpital près de Yumes, et dans les crises impulsives de Lounès. Finalement, des deux côtés, les deux luttaient pour pouvoir guérir. Pour ne rien arranger, ma charge mentale m'imposait des mensonges à répétition, notamment envers ma mère qui se demandait ce que je pouvais faire de mes journées. Je me suis donc inventée une vie remplie de sociabilité, pour brouiller les pistes un maximum. Quant à Lounès, son rôle de mère l'avait quitté depuis la mort de mon père donc rien ne semblait la préoccuper plus qu'avant. Bien que mes pensées envers elles se soient complètement éteintes, je ne pouvais pas m'empêcher de me demander comment elle avait fait pour tout lâcher du jour au lendemain. Elle qui pourtant chérissait tant son fils aîné, elle avait tout lâché comme ça sans se préoccuper de ses activités. Elle le voyait dériver, mais ne disait rien et se contentait de s'enfermer dans sa chambre complètement marginalisée. Je ne la comprenais pas et je crois que je ne la comprendrais jamais. Son attitude nourrissait ma haine déjà bien installée, mais la passivité prenait le dessus, car je n'avais pas la force de lutter contre elle. J'étais donc comme elle, dans l'ignorance, faisant comme si rien était.

J'ai passé mes dernières semaines de vacances à soutenir Lounès dans son combat contre lui-même. Des semaines à tenter de limiter les pots cassés en réduisant considérablement sa prise de substances. Nous passions beaucoup plus de temps ensemble, ce qui finalement me faisait un grand bien. J'avais l'impression d'enfin avoir de la compagnie, de ne plus être aussi seule. Même si certains jours étaient plus difficiles que d'autre, ça m'aidait tout de même à tenir et ça l'aidait lui aussi. Mais au fond de moi, je le savais quand même. Je savais que je me voilais la face et que même s'il avait fait des gros efforts, il fallait malgré tout qu'il soit encadré professionnellement. Mais ça, je ne sais pas s'il était prêt à l'entendre..

Comme chaque matin, j'arrive dans la chambre d'hôpital. Cette fois-ci, personne ne répond quand je toque. J'ouvre la porte, et constate que Sally n'est pas là. J'étais désormais habituée à Sally, sa douceur, son visage et sa positivité m'aidait à tenir. Elle me conseillait sur l'état de Lounès. Je lui faisais part de tous ses efforts, mais aussi de chaque moment de rechute. Finalement, elle était la seule à qui je me confiais. Je ne sais pas pourquoi j'avais eu cette facilité à me livrer à elle. Pourtant, j'ai toujours été de nature réservée. Ça a toujours été difficile de lire en moi, d'avoir le fond de ma pensée. Mais avec elle c'était différent, sa voix m'apaisait, je lui faisais confiance. Elle avait toujours les mots justes, correctement placés, jamais pour me blesser ni me contrarier. Elle était remplie de sagesses, de compassion. Et finalement, nous passions nos soirées à parler, elle dans son grand lit d'hôpital, moi au pied de son lit. Elle était finalement ma première vraie amie, bien qu'elle ait vingt-et-un ans. Elle ne m'excluait pas, ou du moins, je ne ressentais pas vraiment une différence d'âge. Même si elle paraissait constamment mature, elle s'assurait de ne pas me faire sentir plus petite. Et comme elle aimait me le répéter, la maturité découlait souvent des épreuves. Selon elle, chacun d'entre nous avait un degré de maturité en fonction des épreuves que nous avions pu vivre. J'étais d'accord avec elle, et je repensais au moment où j'étais en cours. Je me sentais en décalage, sûrement parce que j'étais en train de vivre des choses éprouvantes à ce moment-là.
J'avais remarqué qu'elle ne parlait jamais d'elle, jamais de sa situation. Ni même de sa famille. Toujours pleine de méditation sur le monde, sur la vie. Elle ne se confiait pas, mais je ne ressentais pas qu'elle ne me faisait pas confiance et je crois que je n'attendais pas vraiment qu'elle se livre à moi. Je savais qu'elle faisait ça pour une raison, car Sally a toujours été très intelligente. Cependant, ça me rendait curieuse. Par politesse, je n'avais jamais demandé à Sally les raisons de sa présence à l'hôpital. Je n'avais pas non plus évoqué la photo sur sa table de chevet. Je ne suis pas quelqu'un qui aime m'immiscer dans la vie des autres, à vrai dire, je n'aimerais pas qu'on me le fasse. Alors, j'avais gardé toute cette curiosité au fond de moi. Mais plus le temps passait et plus, nous étions proches, mes questions tentaient de sortir et j'avais peur d'être maladroite. Je voyais bien qu'elle faisait des aller-retours à des rendez-vous, qu'une grande partie du personnel la connaissait. Quelle était souvent fatiguée et qu'elle s'endormait sans même sans rendre compte. Bien qu'elle tente de la cacher, je savais que Sally était malade, et qu'elle était ici pour guérir.

Ezia - L'âme de mes larmes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant