Chapitre 3 - Ivre mort.

61 4 1
                                    

Il me suit sans rien dire. Dans le silence de la nuit, seuls nos pas se font entendre. Je prends les escaliers vers le niveau supérieur. Lounès me suis toujours sans un mot. J'imagine qu'il ne comprenait pas où je le conduisais. Il semblait stressé, ça s'entendait à sa forte respiration. Je crois qu'il essayait de lutter pour ne pas craquer devant moi. Mon pauvre frère.
Nous arrivons enfin au dernier étage.

Lounès : « On fait quoi ici ? »

Je ne lui réponds pas et me contente de tendre la main vers la petite échelle. Il me regarde en fronçant les sourcils. Je pose ensuite mon pied sur la première marche et commence à grimper.

Moi, esquissant un léger sourire : « Genre, tu ne me fais pas confiance ? »

Il soupire et pose à son tour sa main sur l'échelle.

Lui : « Dépêche-toi de monter alors ».

Je laisse échapper un petit rire. Nous montons jusqu'à la petite trappe. Une fois en haut, le léger froid de la nuit se dépose sur mon visage tout en faisant virevolter mes cheveux dans un sens. Comme je l'aimais cette sensation. Lounès arrive à son tour à mon niveau. Il ne dit rien et reste immobile face à la vue sur la ville. J'avance vers la barrière et y dépose mes mains. Elle était froide comme à chaque fois. Je me retourne vers lui.

Moi, lui faisant signe de la main : « Viens ! »

Il s'approche, les mains dans les poches. Ses petites bouclettes sortaient légèrement de sa capuche. Sa mine était fermée, mais paraissait moins tendue qu'il y a quelques minutes. J'étais contente intérieurement, car je savais ce que ce lieu lui provoquerait. C'était finalement minime, mais déjà ça.
Il arrive à ma hauteur. Nous restons de bonnes minutes sans dire un mot. Ce sentiment de ne pas devoir parler. De ne pas se sentir obliger de combler le vide. Le paysage calmait chacune de nos pensées, nos yeux imprimaient chacun des détails. Entendre le vent frapper contre les bâtiments. Sentir le froid recouvrir nos joues. Le cœur se connectait aux éléments naturels de la nature, le cœur se connectait à la vie.
Je finis par m'assoir sur le petit muret derrière nous. Lounès me suit quelques minutes après.

Moi : « Voilà pourquoi il faut toujours me faire confiance ».

Il rigole très légèrement.

Lui, soupirant : « Hum. Pour une fois, tu marques un point ».

Moi : « Je suis venue là, la dernière fois ».

Il se tourne vers moi et me regarde. Je fixe l'horizon, me rappelant ce jours-là. De ce jour marquant.

Moi : « Je suis venu sans y avoir pensé. Je ne savais pas à quoi m'attendre, c'était bizarre, je savais juste que je devais venir ici. C'est papa qui me l'a fait découvrir », je rigole nerveusement. « J'avais aucune idée de ce genre d'endroit avant qu'il me le montre. Du coup, j'ai toujours cette impression qu'il y a un peu de lui ici.. »

Il tourne la tête à son tour vers le paysage. Le visage contracté.

Moi, poursuivant : « Mais la dernière fois, j'étais vraiment mal. Et quand tu viens ici, soit ça se passe bien, soit ça se passe mal.. » Je déglutis, laissant les souvenirs m'envahir.

Lounès tourne à nouveau sa tête vers moi, le regard plein d'incompréhension. J'avais les yeux larmoyants. Dans le calme de la nuit, je m'ouvrais légèrement à mon frère, laissant échapper quelques-unes de mes douleurs.

Moi : « J'étais impuissante.. J'avais tellement mal au cœur que sans réfléchir je.. Je me suis approchée du bord ».

Je l'entends inspirer, comme s'il avait été surpris par ce que je venais de lui confier.

Moi : « J'avais les deux mains accrochées, je sentais mes pieds se décoller.. Et puis, c'était.. C'était si bizarre. Si je le voulais, je pouvais tout lâcher et partir.. Mais, je me suis bloquée et j'ai reculé ».

Je tourne la tête vers lui et plonge mon regard dans le sien. Il semblait plein de compassion à mon égard tout en restant stupéfait par mes dires. J'essuie mes yeux et mon nez avec la manche de mon bras.

Moi, d'un air sérieux : « Je crois que j'ai eu peur. Mais c'était étrange, c'était pas la première fois que cette idée m'était venue en tête alors pourquoi j'avais peur juste à ce moment-là. Peut-être que j'avais peur de te laisser comme ça, c'est ça qui me perturbe le plus à vrai dire ».

Lui, fronçant les sourcils : « Tu ne dois pas mourir ! »

Je ne dis rien et me contente de le regarder. S'il savait tout ce que j'avais au fond de moi. Tout ce qui me brulait depuis le début. C'était dur de ne pas vouloir partir, rien ne m'accrochait à ce monde, sauf lui.

Lui : « Pourquoi tu ne m'as rien dit ! Hein ? Pourquoi Ezia ! Si c'était dur au point de vouloir mourir, t'aurait dû m'en parler, même si je.. », il se bloque quelques secondes. « Même si je faisais que de la m!rde. Tu peux pas garder ça pour toi, t'es encore une gamine. Tu peux pas faire ça Ezia, tu as la vie devant toi ».

Je le regarde désespérément. Il ignorait, ma souffrance, il ignorait à quel point c'était dur de me battre contre mes pensées. J'étais perdue depuis trop longtemps, plus rien ne me donnais goût. J'avais pris la décision de partir depuis longtemps, mais il ne le savait pas. Il me tuait encore plus, en le voyant essayer de me convaincre de vivre. Même dans sa souffrance, dans cet état, il voulait être mon grand frère. Même s'il s'en était rendu compte que maintenant, il voulait me protéger comme il l'avait toujours fait. Mais Lounès si tu savais comme le mal avait été fait.

Lounès : « Je veux plus que ça sorte de ta bouche, je vais tout faire pour aller mieux Ezia, je te le jure. Tu dois te battre toi aussi, on va le faire ensemble hein ? Promets-moi ça ».

Mon cœur hurlait. Tout mon corps tremblait. C'était plus fort que moi, il me faisait tellement de peine. Encore une fois, je ne fais que ce que je sais faire de mieux. Je me conforte dans mes mensonges, noyée dans toute cette fausseté.

Moi, la voix tremblotante : « Je te le promets Lounès ».

Ezia - L'âme de mes larmes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant