Chapitre 5 - Amour immortel.

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Je pose ma main contre ma joue et sens l'inflammation sur ma peau. J'étais complètement sonnée, j'avais l'impression de ne plus voir correctement. Le coup avait été si violent que je savais au fond de moi que le deuxième m'achèverait littéralement. Ma mâchoire me lance, je suis prise d'une vive douleur. Cependant, l'adrénaline qui faisait tenir mon corps ne me permettait pas de m'attarder dessus. Je relève la tête vers lui, tandis qu'il s'abaisse vers moi, ses deux mains de géant tentant de m'agripper. Je recule en criant, plantant mes ongles sur le goudron pour me hisser vers l'arrière. À ce moment-là mon cœur battait si vite que je pensais qu'il était en train de sortir, éventrant sauvagement ma poitrine. Mon ventre se creuse de douleur tant la peur me rongeait de l'intérieur, broyant chacun de mes organes. Chaque frisson faisait vibrer ma peau, et mes yeux commençaient à s'emplir de larmes qui me brouillaient la vue. Je savais au fond de moi que j'allais y passer et que cette fois, je ne pourrais pas me relever vivante. Mon cœur criait de douleur, les mains qu'il posait sur moi avait le même effet qu'un fer chaud que l'on pouvait poser sur ma peau. Je me débattais, en essayant de le repousser, luttant contre cette chaleur qui sembler me carboniser. Mais il était beaucoup plus fort que mon maigre corps, qui se battait depuis des mois pour se tenir un minimum en forme. Il me soulève par les épaules et me plaque violemment contre le mur, assiégeant une immense douleur à mes omoplates. J'arrive à hurler un cri aigu, un cri sortant de mes tripes, remplis de douleur et de peur qui pour moi avait réussi à faire un écho entre ces larges bâtiments. En revanche, je savais pertinemment que cet endroit était vide et presque inhabité et que la plupart des résidents préféraient rester cloîtrés chez eux. Je gigotais dans tous les sens tandis qu'il avait à présent plaqué sa grosse main moite sur ma bouche pour m'empêcher de hurler ma détresse. Je savais désormais que je ne pouvais plus rien faire pour faire remarquer ma présence. J'étais terrifiée, terrifiée qu'une nouvelle fois, on me souille et me vole une partie de moi. J'avais pourtant renoncé à cette vie, j'avais essayé de recoller tous ces morceaux brisés en moi, mais tout me poussait encore à écourter ma vie plus rapidement. J'étais fatiguée de lutter contre tous ces chagrins et fatiguée surtout de devoir me battre contre tous ces hommes. Pourquoi devaient-ils tous me faire du mal, pourquoi je devais me sentir aussi vulnérable ? Où était donc la sécurité que mon père m'apportait ? Comment j'étais censée me sentir en sécurité dans ce monde sans mon père ?

Une larme s'échoue sur le coin de mon œil, je ferme les yeux en me sentant déjà condamnée. Je pleure à présent à chaude larme comme une enfant tristement peinée. J'étais fatiguée et je renonçais une nouvelle fois de me battre. Je sens ses mains parcourir mon corps, j'ai mal partout et chaque souvenir refait surface. J'ai mal, terriblement mal, mais il est trop tard. À ce moment-là, je me sens partir, je ne contrôle plus rien sauf mes pleurs. Mon âme semble vouloir quitter mon corps, je la sens tirailler mon corps dans tous les sens, c'est long et douloureux, mais je ressens qu'elle ne veut plus rester dans ce corps fiévreux.

Subitement, je sens que je m'écroule au sol. Sans aucun bruit ni même réaction, je suis désormais légère et plus du tout retenue contre le mur. Je n'ai plus aucune douleur, je pleure toujours, remplie de sanglots incontrôlés, les yeux toujours aussi fermés, mais je suis échouée sur le sol à plat ventre. Je n'entends rien, mis à part des bourdonnements qui s'étaient installés depuis un bon moment, ne me permettant que d'entendre les vibrations des battements de mon cœur.

Alors c'est ça la délivrance ? Est-ce qu'il était enfin temps pour moi de quitter ce monde, de quitter ce corps ? J'entends mon cœur battre comme s'il était près de mon oreille. Jamais je n'avais ressenti ça. Je me sens transporter dans les airs. Je n'arrive pas à savoir si je suis en train de voler ou si mon corps est transporté. Je suis confuse, je me demande ce qui m'arrive. Je pleure toujours, j'ai l'impression de pleurer toute ma triste douleur. Il ne me reste que ça, le bruit de mes pleurs. Il n'y a que comme ça que j'arrive à expliquer mon chagrin. Mon âme pleurs continuellement et douloureusement.

Soudain, les bourdonnements commencent à diminuer et mon audition devient à nouveau plus perceptible. J'entends des pas s'écraser contre le sol, et je ressens une chaleur qui s'émane, là, tout près de mon corps et de mon visage. Je me sens bien, je me sens au chaud. Je pleure toujours, mais je suis désormais au chaud. J'entends à présent un lourd grincement accompagné d'un mécanisme, les pas se reproduisent puis de nouveau le grincement retentit. Maintenant, il n'y a plus aucun mouvement. Seulement cette chaleur persistante qui me colle presque au visage accompagné de ce petit rythme saccadé. Une douce mélodie, rythmée qui ne semblait pas vouloir s'arrêter. Je l'entendais si près de mon oreille, des petits tapotements rapide, mais si réconfortant. Alors, bercée, je finis par rejoindre un monde, peut-être pas celui que j'imaginais, mais je semblais l'apprécier.

J'ouvre les yeux, très lentement. J'ai du mal à les ouvrir, car mes cils paraissaient avoir fusionné avec ceux du bas grâce à une colle invisible. Je fronce les sourcils suite à la faible lumière qui se présentait à moi. Lorsque ma vue se rétablit entièrement, je ne vois en face de moi, qu'une sorte de tissus bleu marine qui bougeait doucement. Il faisait chaud et je ne ressentais pas envie de partir. Soudain, je lève mes yeux un peu plus haut, bien que mes lourdes paupières semblent m'en empêcher. Mes yeux sont tout de suite plongés dans les siens. Ces yeux que je pouvais reconnaître parmi des centaines. Ces yeux que j'avais précieusement enregistrés après les avoir vus se fermer pendant des mois. Il me regardait désespérément, je percevais dans son regard qu'il s'inquiétait de quelque chose et qu'il cherchait des réponses dans le mien. Et puis en quelques instants, après avoir essayé de remuer, tout était revenu. Je me souvenais de tout et de toutes ses douleurs. Les larmes refont surface, mon corps était devenu incontrôlable tant à ce moment le chagrin prenait le dessus sur mon être. Je pleure à nouveau comme une enfant perdue, je pleure d'une forte voix sanglotant contre son pull. Il passe sa main à l'arrière de ma tête et l'enveloppe de caresse délicate. Les bruits de mes pleurs se heurtent sur son torse, comme s'il s'adressait directement à son cœur.

Pendant de longue minute, nous étions l'un contre l'autre, entourée par ma voix tremblotante. J'avais l'impression de ne plus exister, mon corps était rempli de frissons revivant chacune de ses scènes vécues. Il avait enregistré toutes ces violences infligées et je les revivais amèrement. Cette agression avait réveillé tout ce que j'essayais de cacher depuis des mois. Des mois à ne plus y penser, des mois à me soucier des autres. Mais je ne pouvais pas l'oublier, du moins mon corps ne pouvait pas l'oublier. Mon triste corps avait vécu l'inimaginable et aujourd'hui, il revivait ce drame. J'étais impuissante et je ne pouvais plus le contrôler. J'aurais aimé ne pas craquer devant Yumes, garder tout ce chagrin pour moi et partir avec. Mais je n'arrivais pas à garder les larmes de mon cœur, je redevenais une petite fille, une petite fille qui aujourd'hui a seulement besoin d'être réconfortée.

Alors, je me laisse emporter tristement impuissante, lui confiant mes larmes et désamorçant mes armes.

Ezia - L'âme de mes larmes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant