Ma gorge se serre. Je ne comprends pas, enfin ça n'a pas de sens. Il voulait qu'on prenne nos distances pour me protéger de quelque chose, mais de quoi, de quoi il s'agissait ? Il me rendait fou avec ses mystères.
Moi, agacée : « Arrête de tourner autour du pot ! Dis-moi de quoi tu parles, si je comprends bien, ce n'est pas moi le problème, mais quelque chose, alors dis-moi de quoi il s'agit et je verrai si ça me dérange ».
Lui, se moquant : « C'est pas quelque chose de futile, ni quelque chose dont je peux parler aussi facilement. Bref, comme tu l'as dit, c'est pas contre toi, au contraire, je fais ça pour toi. C'est pas une question de te déranger, tu mérites juste pas d'avoir plus de m!rde que ça dans ta vie ».
Moi : « Et qu'est-ce que tu sais de ma vie, dis-moi ? »
Il laisse le silence nous envahir quelque temps, puis le brise de sa voix grave et parfaitement audible.
Lui : « Il y a ce truc bizarre quand je te regarde. Dans tes yeux, je vois très bien ce que tu ressens à chaque fois. Je me demandais bien ce que tu cachais, j'étais curieux depuis le jour où je t'ai vu à l'hosto. Ton attitude qui essaie de tout cacher, mais tes yeux, eux, ils ne trompent pas ».
Je ne disais rien, j'étais sans voix. Comment pouvait-il penser exactement ce que je présumais à son égard. Lui, qui pourtant jusqu'ici semblait silencieux dans ses réflexions, m'avouait ouvertement un trait de sa personnalité. Il était observateur et déduisait beaucoup de chose. Caché sous ses plaisanteries et cet air fermé, il savait comment réfléchir et surtout analyser les personnes qui l'entouraient.
Lui, poursuivant : « J'étais méfiant au début, mais j'ai fini par comprendre. Ton comportement, cette manière de vouloir m'aider comme pour arranger les choses. Ça vient forcément de quelque part, je sais pas d'où, mais il y a une raison. Alors c'est pour ça que j'étais moins offensif, c'est dans ta personnalité. Tu t'occupes des autres comme tu voudrais qu'on le fasse pour toi. Hier, quand tu as parlé de tes parents, j'ai vu que je ne m'étais pas trompé, alors si je te dis que je ne veux pas te mêler à tout ça, écoute-moi. De toute façon, je ne te laisse pas le choix ».
Moi, la voix tremblotante : « Tu te trompes, tu ne sais rien de moi. Tu ne peux pas savoir ce qui est bon ou mauvais pour moi ».
Lui : « Peut-être, mais ça ne change rien au fait que la décision me revienne ».
Je déglutis. J'ouvre la fenêtre et laisse l'air faire virevolter mes cheveux. Après avoir inspiré un bon coup et repoussé les émotions qui commençaient à monter, je me tourne à nouveau vers lui.
Moi : « Tu penses m'ajouter des problèmes ? Vraiment ? », je rigole nerveusement. « C'est bien la preuve que tu ne me connais pas, rien ne pourra me faire tomber plus bas que je ne le suis déjà ».
Il ne dit rien et se contente de me regarder. Comme si je ne lui apprenais rien, comme s'il le savait.
Mon visage me trahissait donc autant ?Moi : « Mets-toi à ma place une minute. Une seule minute pour essayer de comprendre ce qui se passe dans ma tête ».
À ce moment-là, c'était le néant. Je lui demandais de me comprendre tandis que moi-même, j'avais du mal à mettre de la clarté sur tout ce qui me traversait l'esprit. En revanche, j'avais la vérité devant moi, que je le veuille ou non. Avec sa révélation, il venait de répondre à cette phrase qui me hantait tout ce temps.
« Était-ce raisonnable ? »
Non, ça ne l'était pas. Et je le savais. Il m'offrait formellement une porte de sortie face à tout ce méli-mélo. Pourtant, je ne voulais pas, je n'y arrivais pas. L'idée que je m'éloigne de lui était impossible. Pourquoi ? Parce que ma culpabilité allait refaire surface ? Parce que ma curiosité devenait trop envahissante ? J'avais littéralement tout en face de moi, cependant je ne voulais pas et je ne trouvais pas la réponse à ma persistance. Je ne voulais pas le laisser, surtout quand je savais que ma présence n'était pas le problème. Je savais au fond de moi que c'était dénué de raison. Je savais très bien que le côtoyer n'était pas une bonne chose avec ma position, je le savais depuis le début. Mais je n'y arrivais pas. Je ne voulais pas qu'il me repousse de cette manière. Qu'il prenne des décisions à ma place. Je ne voulais pas qu'il pense tout savoir de moi juste parce que mes yeux me dénonçaient ouvertement. Je voulais l'entendre me raconter toutes ces choses que je devinais. Qu'il me dise tout ce que je pouvais lire en lui. Mais qu'il ne me chasse pas en pensant me protéger d'un mal que je vivais déjà. Lui qui pensait naïvement m'épargner une souffrance qu'il semblait bien connaître.
Est-ce que finalement, j'avais trop de compassion à son égard ? Est-ce que je ne voulais pas simplement m'assurer qu'il soit heureux, qu'il ne soit pas comme moi ? J'ai l'impression de perdre la tête, toutes ces interrogations me rendent folle. Je n'avais pas anticipé tout ça, tout se mélangeait et c'était mauvais, il ne le fallait pas.
Moi : « Je t'ai côtoyée pendant deux longs mois, à certains moments, je me demandais ce que je faisais là, c'est vrai. Mais malgré tout, je suis restée, peut-être parce que je suis comme ça, oui, tu as raison. Je me soucie des autres, quand il le faut. Et là, j'ai senti qu'il le fallait. Je ne peux pas nier que je suis curieuse à ton sujet, je t'ai observé, allongé sur ce lit inanimé, entre la vie et la mort. Forcément, te voir me parler reste une sensation étrange, j'en suis moi-même déconcertée. Et puis, tu me parles de mon regard, mais tes yeux à toi, tes yeux me hurlent tout un tas de chose. Tu te dissimules derrière cette image de dur et pourtant je sais que tu en caches des choses, ça j'en suis sûre. C'est ce qui me pousse à être curieuse malgré moi. Je ne vais pas te forcer à me tenir compagnie, mais ne t'avise plus de parler de ce que je suis capable de supporter. Si tu ne veux pas de moi, dis-le simplement, je peux l'entendre ».
Lui, agacé : « C'est pas que je ne veux pas de toi, je ne peux pas, je ne dois pas ! »
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Ezia - L'âme de mes larmes.
De TodoC'est l'histoire d'Ezia. Elle mène une vie quelque peu banale, rassemblant les petits tracas du quotidien. Arrive ce jour fatidique, qui marque le début de son immense chagrin. Son monde s'écroule, la plongeant dans un flot de solitude. Le chagrin s...