Chapitre 3 - Ivre mort.

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Allongée dans mon lit, les cheveux complètement éparpillés sur mon oreiller. Je regardais la petite photo dans la sacoche de Yumes. J'avais décidé de la ramener ici, parce que j'avais peur qu'on touche à ses affaires en mon absence à l'hôpital.

Il fait nuit, je ne trouve pas le sommeil. Pour une fois, ce n'est pas à cause de mes propres douleurs. Je suis simplement envahie par les songes. Je me demande quelle est sa vie, qui il est au quotidien. Au final, je ne sais que son prénom, Yumes. Sa carte de sport ne comportait que son prénom. Je ne savais rien d'autre de lui, hormis cette photo qui pouvait peut-être être un indice crucial sur sa famille. La femme sur la photo semblait quand même plus âgée que lui, donc je ne savais pas vraiment si je pouvais émettre l'hypothèse d'une relation amoureuse. Le petit garçon lui ressemblait beaucoup et devait au moins avoir cinq ans. Alors soit, il avait eu un enfant vraiment très jeune, soit c'était tout simplement lui le petit garçon sur la photo. Alors cette femme, serait donc sa mère.
Je me tourne sur le côté gauche, toujours en regardant attentivement la photo. Maintenant, ça paraissait tout de suite évident, il se ressemblait plus que je ne le pensais. Je pose la petite photo contre mon matelas tout en soupirant.
Comment, j'allais bien pouvoir faire. Il n'avait rien sur lui pour me permettre d'en savoir plus. Je me relève, et reprends sa sacoche délicatement posée dans mon tiroir. Je la vide entièrement sur mon lit et étale chacun des objets. Je retrouve cette lettre fermée. Dans la précipitation, elle n'avait pas retenu mon attention plus que ça. Pourtant, un détail crucial allait m'aider. "Yumes Siyuna" écrit en tout petit. Cette lettre lui était destinée. Je ne savais pas ce qu'elle contenait mais comme c'était écrit à la main j'imagine que c'était une lettre plus personnelle.

Je l'avais enfin cette information. Elle était sous mes yeux tout ce temps et pourtant je n'avais même pas fait attention à ce détail. Je me sentais mal d'avoir été si bête depuis ce temps. Comment j'avais fait pour ne rien voir. Est-ce que finalement, je n'étais pas plus préoccupée par son état que par mes recherches.. Mon cerveau me jouait des tours, je perdais la mémoire. Je n'étais plus aussi sérieuse qu'avant. Me concentrer devenait une épreuve pour moi, il faut croire que tous ces événements percutaient mon corps plus rapidement que prévu. J'étais bouleversée, bien que je fasse en sorte de ne pas le montrer chaque jour. Accablée par le stress, j'en rongeais mes ongles jusqu'au sang. J'arrachais presque mes cheveux, tout ça sans vraiment m'en rendre compte. C'était plus fort que moi, comme si j'étais obligée de répondre à ces pulsions pour me soulager. Mais ça ne me soulageait pas, ça me détruisait à petit feu. Ma tête était bouillonnante, j'avais l'impression de porter le poids du monde sur le dos.
En même temps, Lounès se reposait sur moi tous les jours parce que je le voulais et je m'en sentais capable. Il rechutait malgré tout, malgré nos longues conversations optimistes. J'avais réussi à creuser, légèrement, intimement, dans ses pensées. Il me faisait part de sa souffrance quotidienne. De ce poids sur son cœur. L'alcool le faisait voyager pour quelques heures, il préférait être saoul plutôt que pleinement conscient.

"La douleur fait moins mal quand on est bourré" d'après lui.

Je ne pouvais m'empêcher de verser une larme que j'effaçais aussi vite qu'elle ne tombait. Mon frère s'accrochait tant bien que mal, mais la drogue l'appelait chaque jour. Il était dépendant et je le voyais bien. Déjà par cet accident, pour lequel il refusait de parler. Mais aussi par ses multiples crises qui le mettaient en transes s'il résistait. Finalement, j'étais déprimée, car chaque fois que ça allait un peu mieux, tout retombait en fumée. J'avais mal à mon égo, j'avais mal de devoir admettre que je n'étais probablement pas assez forte pour le sortir de là. Pas que je n'avais pas assez de volonté, puisque je pouvais littéralement lui céder ma place sur cette Terre et décrocher la lune pour lui. Mais simplement que je manquais de moyen pour l'aider à ne pas craquer. Ces substances prenaient le dessus sur moi, j'étais impuissante, car il savait comment faire pour se satisfaire tandis que moi j'ignorais comment tout ca fonctionnait. J'étais confronté aux limites de mon âge, je baignais dans ce monde d'adulte mais pourtant je n'en était pas encore une. Même si j'avais retrouvé une infime partie de mon frère qui se livrait. Je restais impuissante face à ses addictions.

J'étais presque soulagée d'avoir trouvé son nom, même si le travail ne venait que de commencer, je savais désormais son nom de famille. Ni une ni deux, j'attrape mon ordinateur portable et commence mes recherches. L'écran de l'ordinateur éclairait chacune des parcelles de mon visage, aujourd'hui, je voulais avoir la vérité. Je voulais sûrement être délivré de cette situation, car je savais que ce n'était pas normal. Toutes ces habitudes que j'avais créées, ce n'était pas ma vie, il ne pouvait pas faire partie de ma vie. Peut-être que cette excitation soudaine était uniquement un moyen pour moi de déculpabiliser en me disant qu'il n'est finalement pas seul. Savoir qu'un de ses proches allait être là à ses côtés, le soutenant tous les jours à ma place. Je n'étais pas celle qui devait être à son chevet, je n'avais pas ma place ici. Je n'avais pas les mots ni les bons gestes. Il avait besoin d'un soutien, pour aller mieux, pour s'en sortir. Je restais malgré moi, parce qu'il le fallait tant que la situation ne s'était pas arrangée, mais si on y réfléchissait, je n'avais pas à être à ses côtés, pas après tout ce que je savais.

Mes doigts tapotent rapidement sur le clavier à la recherche du moindre indice. Je parcours chacun des sites, mais rien ne s'affiche. Il n'y avait rien, aucune trace de lui. J'ouvre la dernière page internet complètement blasée dans un dernier espoir. Finalement mes yeux s'arrêtent sur une page sportive. Un classement d'une course pour enfant lors d'une compétition de cross. Je clique sur la page directement. Je tombe sur une tonne de nom, la page et ancienne et date d'au moins 15 ans. Finalement, je le trouve, Yumes Siyuna arrivé en troisième position. Je remonte sur la page et trouve la ville. J'attrape un stylo et une feuille et note toutes les informations. J'étais si contente, j'avais enfin une petite piste. Même s'il s'agissait d'une grande ville, je savais désormais où le chercher. Je ferme mon ordinateur et décide d'aller dans la cuisine. Cette montée d'adrénaline m'avait créée quelques palpitations. En sortant, je tombe nez à nez avec Lounès s'apprêtant à partir dans le noir de la nuit, la capuche sur la tête, les mains dans les poches.

Moi : « Lounès ».

Lui, chuchotant : « Je sors vite fait ».

Moi, l'arrêtant : « Tu sais très bien que tu n'as rien à faire dehors ».

Lui : « Ezia, s'il te plaît, ne me fait pas ça ».

Je m'approche de lui, pose ma main sur son épaule et le tourne complètement vers moi. Je pose le bout de mes doigts sur son menton de sorte à tourner son visage vers moi. Il se laisse faire et ne dis rien. J'analyse attentivement son visage. Ses yeux étaient et rouges et les veines sur son front commençaient à se tracer. Je comprends vite, qu'il doit être en manque de quelque chose et qu'il doit sûrement être anxieux.

Lui : « Ezia j.. »

Moi, le coupant : « Ne dis rien et suis-moi ».

J'attrape sa main et le tire vers le couloir. J'enfile mes claquettes, attrape un gilet et ouvre la porte d'entrée.

Ezia - L'âme de mes larmes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant