Chapitre 4 - Rose épineuse.

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Mon corps se met à trembler, mon visage se fige et mon cœur s'accélère. Je me lève spontanément du lit et avance vers le fond de la pièce. Personne n'osait parler, un silence de mort régnait. Je le fixais, je regardais Yumes avec toute la peine en moi. C'était si étrange, comme je venais tous les jours, c'était comme si je le connaissais d'une certaine manière, mais malgré ça je ne pouvais pas vraiment le connaître. Je ne connaissais rien de lui, ni même le son de sa voix.

Sally, brisant le silence : « C'est.. C'est vraiment terrible. Le pauvre, je n'imagine pas sa douleur.. »

Moi, la gorge serrée : « Sally, je me sens si bizarre. Est-ce que tu penses que c'est mal tout ça ? Je.. J'ai l'impression d'être intrusive dans sa vie, alors que je ne devrais pas. Tellement pas.. »

Elle : « Mais non, au contraire. Tu essaies de trouver une solution, beaucoup aurais abandonné. Regarde-toi, tu es si jeune et pourtant tu portes tellement de choses sur les épaules. Il a besoin de toi Ezia, il n'a personne d'autre ».

Je m'approche du lit de Yumes et le regarde toujours silencieuse. Son visage était si fermé, c'était étrange, mais chaque détail de sa vie que je pouvais apprendre me poussait à m'imaginer comment il était. Je me surprends à être curieuse, je voulais en savoir plus sur lui, sur sa vie. Je voulais l'entendre parler, je voulais savoir comment il se sentait. Mais c'était toxique, c'était si déplacé de ma part de penser à ça. Je ne pouvais pas oublier les circonstances de ma présence.

Moi, toujours au côté de Yumes : « Et son père ? Rien ne parle de son père ? »

Sally, en regardant son téléphone : « Hum.. je ne crois pas.. »

Moi, passant mes mains dans mes cheveux : « Ce n'est pas possible, il doit bien avoir quelqu'un de sa famille ici.. »

Elle, me coupant : « Si ! », elle lit à voix haute « Le petit garçon a été confié à sa tante maternelle, son père n'ayant jamais reconnu l'enfant à sa naissance ».

Moi : « Je me sens si mal de découvrir tout ça.. je ne le connais pas et pourtant je creuse dans sa vie aussi facilement.. Ce n'est pas bien Sally, il me fait tellement de peine.. »

Sally : « Mais Ezia, calme-toi. Tu ne pouvais pas savoir tout ça. Qu'est-ce que tu as ? J'ai l'impression que tu te sens coupable de quelque chose ? »

Évidemment que je me sentais coupable, mais Sally ne pouvait pas le savoir. Je souffrais intérieurement de toutes ces révélations. Elle ne savait pas que j'étais indirectement la cause de l'état de Yumes. Et évidemment, la culpabilité s'agrandissait au fur et à mesure que j'entendais les détails de sa vie. D'ailleurs, elle n'était pas si joyeuse, ce qui m'attristait encore plus. Il ne méritait pas ça, pas après ce qu'il avait pu vivre.

Moi : « Écoute Sally, je crois que je vais rentrer. Je ne me sens pas trop bien, je ne sais pas ce que j'ai.. Et puis, j'ai des devoirs pour demain ».

Elle : « Euh.. D'accord, je comprends. Mais s'il y a quelque chose qui ne va pas, tu peux m'en parler. Je te trouve bizarre, tu es sûre que ça va Ezia ? »

Moi : « Oui, ne t'en fais pas, c'est juste que ça me stresse un peu tout ça. Et puis avec le rythme des cours maintenant, je suis un peu fatiguée. Ne t'inquiète pas, j'essaierai de passer demain. Bonne nuit Sally ».

Je prends mes affaire et me dirige vers la porte.

Elle : « À demain, prend soin de toi ».

L'air frais de l'extérieur me faisait du bien. J'étais vraiment mal. Cette situation devenait pesante, pourtant jusqu'à présent, j'assumais les décisions que j'avais pu prendre. Mais je crois que j'ignorais à quel point tout cela allait être difficile.

Une fois chez moi, je retrouve ma mère dans le salon. Je dépose mon sac dans le couloir et entre m'installer sur le grand canapé.

Elle : « L'école, c'était comment ? »

Moi, soupirant : « Fatiguant, vraiment fatiguant ».

Elle : « C'est normal, il faut s'accrocher pour réussir dans la vie ».

Je la regarde du coin de l'œil, fidèle à ses petits commentaires sans compassion.

Elle : « Tu as des nouvelles de ton frère ? »

Moi, surprise : « Euh.. Oui, il va bien ».

J'étais devenue un si bonne menteuse.

Elle, hésitante : « Est-ce.. Est-ce qu'il va mieux ? »

Moi : « Comment ça ? »

Elle, fronçant les sourcils : « Tu vois très bien où je veux en venir Ezia ».

Moi : « Hum.. Oui, il va mieux, c'est pour ça qu'il prend des vacances ».

Elle semblait inquiète et préoccupée. Mais je ne comprenais pas pourquoi soudainement, elle me posait ces questions. Ça me rendait folle.

Moi : « Tu peux aussi lui envoyer un message ou l'appeler, tu sais ».

Elle ne me regarde pas et reste immobile sans fléchir.

Moi, insistant : « Je suis sûre qu'il serait content d'avoir de tes nouvelles, ça fait tellement de temps que tu ne lui parles pas.. »

Elle, m'interrompant : « Ça suffit ! »

Moi, me redressant : « Je n'ai rien dit de mal, c'est juste la vérité ».

J'étais à fleur de peau. La soirée était riche en émotions et j'en rajoutais en provoquant ma mère.

Elle : « Lui aussi ne me parle pas, de toute façon ça ne te regarde pas ! Ne te mêle pas de ce qui se passe entre ton frère et moi ».

Moi : « Voilà, comme d'habitude, tu préfères fuir. Je me mêle parce que c'est pas normal, ton comportement n'est pas normal. Je n'arrive pas à comprendre comment tu peux être aussi aveugle ! Les mois passent, rien ne change. Tu n'essaies pas de faire d'effort, tu préfères reprocher les choses aux autres plutôt que de regarder ce que toi, tu fais ».

Elle ne dit rien et plonge son regard dans le mien. La petite lumière du salon éclairait les parcelles de son visage. Il était marqué par les cernes, elle avait de petits yeux qui semblaient désormais briller.

Moi, continuant : « Quand est-ce que tu vas comprendre que c'est dur », je m'arrête, prise par l'émotion. Ma voix commençait à dérailler. « Tu n'es pas la seule à souffrir, tu préfères rester dans ton coin au lieu de parler, de nous parler.. Je.. ».

Je me lève d'un coup pleine d'agacement et prends le chemin pour partir.

Moi, en partant vers le couloir : « Tu sais quoi, laisse tomber, tu ne peux pas comprendre ! »

Elle, la voix tremblotante : « Je n'y arrive pas ! »

Elle avait crié ces mots avec une intensité qui me faisait ressentir sa douleur. Je m'arrête instantanément, toujours dos à elle. Sa voix m'avais fait ressentir des frissons dans tout mon corps.

Elle : « C'est beaucoup trop dur pour moi.. Je ne sais pas comment faire, je ne sais pas quoi dire. J'ai mal, tous les jours, j'ai si mal.. »

Je me retourne et lui fait face. Elle avait la main sur la poitrine, comme pour retenir les douloureux cris de son cœur. Ses larmes coulaient, traversaient ses joues rosées et s'arrêtaient sur le bout de son menton avant de s'écrouler sur sa jupe côtelée. Ma mère pleurait. Elle pleurait devant moi, sans aucune retenue, elle se désarmait. Elle qui arborait cette figure stoïque, presque dénuée de sentiment, se mettait à nu devant moi, sa fille.

Dans le bruit de ses sanglots, j'entendais son désolant chagrin, celui d'une veuve, pour qui l'amour, le vrai, s'est envolé à jamais.

Ezia - L'âme de mes larmes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant