Chapitre 3 - Ivre mort.

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Je savais à présent qui il était, enfin du moins, j'avais le minimum, c'est-à-dire son prénom. Ça me faisait bizarre de pouvoir le nommer, de pouvoir mettre un nom sur ce visage. Un sentiment étrange me parcourt, c'est bizarre, c'est comme si le fait de le nommer m'engageait à ne plus le voir comme un inconnu. Il n'était plus ce jeune homme au sol, il était Yumes.

Je range la carte à sa place. Je referme soigneusement la sacoche et me penche sur les documents qui m'ont été donnés. Un tas de renseignements auxquels je ne pouvais répondre. Finalement, j'étais toujours aussi perdue, rien avait changé et il était malheureusement toujours aussi seul. Il n'avait donc que moi, alors que j'étais en partie responsable de son malheur. Cette idée me donnait littéralement envie de vomir. Je savais que ma place n'était pas ici, que j'aurais dû fuir depuis longtemps. Mais je me retrouvais assise sur cette misérable chaise, autours de pleins de gens, accablée de tristesse. Qu'est-ce que je faisais ici ? D'ailleurs, il ne voudrait pas que je sois là s'il savait la vérité, je le sais, c'est même sûre. Mais si je pars, il sera seul et je ne saurai même pas ce qu'il adviendra de lui.
Je pose les feuilles de papiers sur mes cuisses et passes mes mains sur mon visage en soupirant. J'étais complètement perdue, je ne savais pas quoi faire. Je prends mon téléphone. L'écran s'était complètement fissuré à cause de la chute de tout à l'heure, mais il fonctionnait miraculeusement. Lorsque je le déverrouille, je vois que le temps est passé sans que je m'en rende compte. Ma mère m'a laissé deux messages, me demandant comment s'était passé mon examen et quand est-ce que j'allais rentrer. C'est vrai qu'en y repensant, je m'apprêtais à rentrer. Mais ce qui est drôle, c'est qu'auparavant ma mère qui était constamment sur mon dos, ne se souciait désormais plus de mes faits et gestes. Elle avait complètement lâché prise, hormis tout ce qui concernait l'école. Elle n'essayait pas de savoir où j'étais, de même pour Lounès. Nous étions à présent libres de nos va-et-vient. Je cherche le numéro de ma mère dans mes contacts et l'appelle.

Elle : « Oui Ezia, ton examen est fini depuis longtemps. Tu ne m'as pas prévenue »

Moi, déglutissant : « Euh oui, je suis restée parler avec une fille de ma classe. On s'est remise de nos oraux. »

Elle : « Ah bon ? Pourtant, tu fréquentes personne habituellement ».

Moi, m'enfonçant dans mon mensonge : « Oui, c'est vrai. Faut croire que les gens change ! »

C'est fou comme la situation me faisait si bien mentir. Autrefois, il était inconcevable que je puisse sortir de ma bouche ne serait-ce qu'un petit mensonge. Tout ce qui m'arrivait ces derniers temps me faisait mentir à mes proches avec une grande aisance. Je devenais quelqu'un d'autre, le stresse et la douleur m'avait tellement changé.

Elle : « Hum, sûrement. Sur quoi tu es tombé alors ? »

Je regarde autours de moi. Des médecins venaient d'arriver dans la salle vers une famille. Une des femmes pleurait bruyamment, j'imagine qu'elle avait du apprendre une mauvaise nouvelle. Ma gorge se noue face à cette douloureuse scène. J'essaie de reprendre mes esprits au mieux pour répondre à ma mère.

Moi : « Je suis tombée sur Baudelaire. Je te raconterais quand je rentre, mais je voulais t'avertir que ma copine m'a proposé venir dormir chez elle. Elle organise une fête pour la fin des examens, elle m'a proposé de venir. Ça te dérange ? »

Elle ne répond pas tout de suite. Sûrement étonnée de ce que je venais de lui dire. C'est vrai que c'était perturbant, je venais à elle soudainement en lui disant que j'allais à une fête. Mon mensonge me faisait rire, je ne sais même pas pourquoi j'ai sorti cette excuse-là, ça ne me ressemblait tellement pas. Le stress me faisait dire des bêtises.

Elle, dubitative : « Euh bah.. Oui ok.. C'est vrai que les examens étaient stressants, ça peut te faire du bien ».

Sa réponse me surprenait. J'étais contente, car dans tout ce brouhaha, elle ne s'interposait pas sur ma route pour mon plus grand plaisir.

Moi : « Merci, je passerais récupérer quelques affaires ».

Elle : « D'accord, à tout à l'heure ».

Ma mère était devenue si solitaire. La compagnie de ses enfants n'était plus si importante. Elle faisait désormais cavalière seule pour son plus grand désarroi.
Je range mon téléphone dans ma poche et souffle un bon coup. La pression redescend un peu. Mais sans m'en rendre vraiment compte, je venais de me convaincre que j'allais rester. Je venais de trouver une excuse pour rester à l'hôpital à son chevet. Malgré mes pensées me pointant du doigt, j'avais sans réfléchir tout fait pour pouvoir être ici cette nuit. C'était comme si c'était une évidence et que même si ma tête était remplie de regrets, ma place était ici, car il était seul.

... : « Madame ? »

Je lève les yeux, c'est la même dame que tout à l'heure.

Elle : « Si vous avez terminé de remplir le formulaire, je peux vous amener vers la chambre du patient. Il est actuellement en salle d'opération, mais sa chambre est prête pour son retour. Avant ça, pouvez-vous me dire si vous êtes bien un membre de sa famille ? »

Je ne sais pas quoi répondre. Est-ce que je dois mentir ? Mentir une nouvelle fois ? Elle me le demandait seulement maintenant, elle m'avait impliqué là depuis le début pour finalement s'assurer que maintenant que je suis bien de sa famille. J'étais hors de moi, ça n'avait pas de sens. Je sais que ma réponse aura des répercussions sur ma présence à ses côtés. Et je sais que je vivrai mal le fait de repartir sans savoir ce qu'il a, si son état a empiré ou pire encore s'il n'a pas survécu. Mais là encore, étais-je légitime à pouvoir mentir pour rester à ses côtés ? Moi, celle qui connaissait toute la vérité et qui avait menti jusqu'ici.

Moi : « Oui, je suis sa cousine ».

Ezia - L'âme de mes larmes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant