Chapitre 4 - Rose épineuse.

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Mon bras est toujours immobile, tendu au niveau de mon oreille. J'avais l'impression que mon sang s'était figé d'un seul coup. Avec juste l'entente de l'ensemble de ses mots, mon corps entier s'était figé. Est-ce qu'il s'agissait encore de mon rêve ? C'était possible que je rêve encore, je ne pouvais pas dire si ce que j'avais entendu était bien réel. L'atmosphère dans la chambre était tellement étrange, mon dos était toujours aussi humide et mon front suintait de transpiration.

... : « Madame ? Est-ce que vous êtes toujours là ? »

J'essaie de parler, mais ma gorge était sèche. Je passe ma main autour de mon cou et tousse violemment.

Moi : « Euh.. Oui.. Je suis là.. »

... : « Très bien, nous vous attendons au plus vite ».

Elle raccroche. Mon bras tombe sur le lit après avoir entendu les bips sonores. Mon visage était toujours aussi neutre, j'avais encore ce sentiment de ne pas être dans le monde réel. De ne pas avoir vraiment parler avec cette dame de l'hôpital. C'était faux, Yumes ne s'était pas réveillé. Ça ne pouvait pas être possible, pas maintenant. Pas de manière aussi inattendue, pourquoi maintenant ?

Je passe ma main sur ma bouche, l'air étonnée. Je réalisais, je prenais conscience que j'avais bel et bien entendu qu'il était enfin réveillé. Je regarde mon téléphone qui était toujours dans ma main, mon carnet d'appel affiche bien le numéro de l'hôpital. Une boule commence à s'installer dans mon ventre. Mon estomac se noue petit à petit. Je réalise. Yumes est réveillé. Milles et une question se posent dans ma tête. Je regarde dans tous les sens, ma main toujours fermement appuyé sur mes lèvres. La panique semble s'emparer de moi, je ne sais pas comment je vais faire, je ne sais pas quoi dire. Je ne sais même pas si je suis prête à l'affronter. Quel sera son comportement ? Je ne m'étais mentalement pas préparée à ce moment et j'avais peur que mon cœur lâche en chemin.

En parlant du chemin, j'allais devoir quitter la maison, maintenant en pleine nuit. Je regarde mon réveil sur ma table de chevet, quatre heures dix. J'espérais que ma mère ne se réveille pas avant, mais si tout se passe bien. Elle ne remarquera pas mon absence. Comme c'est un jour de cours, elle pensera que je suis juste allée en avance ce matin. De toute manière, elle se lève toujours après moi, je ne pense pas qu'elle se doutera de quelque chose. Et puis vu notre conversation d'hier, ça m'étonnerait qu'elle cherche après moi. Maintenant, il ne reste plus qu'à m'échapper sans faire de bruit. Je comptais donc sur ma maladresse pour ne pas se faire remarquer. J'enfile un sweat à capuche, des grosses chaussettes. Je prends mon sac de cours, pour que ma mère ne se doute pas de quelque chose. J'ouvre la porte de la chambre et jette un dernier regard sur celle-ci. Ah, j'y pense, la sacoche, j'imagine qu'il voudra la récupérer. Et puis ça serait bizarre de la garder ici, enfin, je crois. Je la saisis et pars pour de bon. Le bruit de mes pieds fait légèrement grincer le parquet dans le silence de la nuit. J'avance vers le couloir et enfile ma paire de basket. J'abaisse ma capuche sur ma tête et rabat mes longs cheveux sur le côté. Ça y est, j'y vais. Je tourne les clefs qui étaient déjà entrées dans la serrure et me faufilent hors de l'appartement. J'ai mal au ventre, l'anxiété commence à s'emparer de moi. J'avais l'impression d'être une vraie fugitive, je ne réalisais pas ce que j'étais en train de faire. Ce qui m'étonnait, c'est que je faisais les choses instinctivement, c'était comme pour le mensonge. Je ne réfléchissais plus, pourtant jamais auparavant, j'aurais cru pouvoir faire tout ça. Peut-être que je savais que je n'avais plus rien à perdre.

Une fois dehors, l'air frais de la nuit se dépose sur mon visage. Le léger vent caresse ma peau ce qui me donne cette impression de liberté. J'étais dehors dans la nuit, j'allais sans vraiment savoir pourquoi. Sans rien ni personne, j'allais vers une destination qui autrefois ne m'étais pas autant familière que maintenant. J'allais en pleine nuit, voir une personne dont j'ignorais pratiquement tout d'elle. Mais je savais au fond de moi que je devais le faire, c'était finalement ça qui me poussait à ne pas trop réfléchir. Je devais le faire parce que c'était mon engagement, lorsque j'avais pris la décision de continuer. Je savais que je ne pouvais plus reculer, plus de marche arrière. Je devais donc assumer, et c'était aujourd'hui qu'il fallait que je prouve mes responsabilités. Pour Lounès, il était temps d'assumer. Je lui avais promis de pouvoir tout arranger, de le préserver et de m'en occuper. Je lui avais dit qu'il n'avait pas à s'en faire. Il avait décidé de se soigner alors désormais, c'était à moi de remplir ma part du marché.

J'attends la tête reposée sur l'encadrement de l'arrêt de bus. J'ai peur. Même si j'essaie de me convaincre que tout ira bien et que je n'ai pas vraiment le choix. J'ai quand même peur de ce qui va se passer. Je ne m'étais pas préparé à ça, peut-être parce que prise dans cette routine, je m'imaginais qu'il ne se réveillerait que dans un an. J'essaie de faire taire toutes ses pensées qui m'envahissent, mais je n'y arrive pas, c'est trop tard. Le bus arrive après une trentaine de minutes, comme c'est la nuit, il n'y a pas autant de passage. Pendant le trajet, la boule qui était dans mon ventre s'agrandît et se tord dans mon ventre. J'ai le reflex de passer ma main dans mes cheveux et les coiffent sans m'arrêter. J'ai le cœur qui commence à battre rapidement.
Je ne sais pas à quoi m'attendre.

J'arrive enfin devant l'hôpital. Il n'est pas calme, bien au contraire, de jour comme de nuit, c'est un lieu avec beaucoup de passage. Un camion vient tout juste de s'arrêter devant les portes des urgences. Ce son, ses sirènes m'angoissent terriblement. Je déglutis et avance vers l'entrée. Je prends l'ascenseur, j'ai l'impression que tout est lent. Que je me dirige vers la source de ma peur. L'inconnu me fait peur. Je pose la main sur cette chambre qui auparavant me comblait de joie lorsque j'y entrais pour voir Sally. Là, elle ne représente que l'angoisse à mes yeux. J'inspire suffisamment d'air et appuie sur la poignée.
Lorsque j'entre, je croise immédiatement le regard de Sally qui était parfaitement éveillée, le rideau de la chambre est tiré ce qui la sépare du lit de Yumes. C'est si étrange, j'ai l'impression que tout est au ralenti. J'approche, elle plonge son regard dans le mien et semble me communiquer tout ce qui s'était passé en mon absence. Je lis dans ses yeux qu'elle ne sait pas non plus comment gérer ce qui venait de se passer. Ma pauvre petite Sally, elle avait dû être réveillé en pleine nuit vu les cernes qui épousent ses yeux.

Je continue d'avancer, en posant cette fois-ci mon regard sur le fond de la pièce. Le personnel médical était là, autour de lui. Il était légèrement relevé, dans son lit parfaitement éveillé. Pour la première fois, je le voyais bouger, cligner des yeux. Il paraissait fatigué, ses yeux étaient petits, mais ça ne l'empêchait pas de poser ses yeux sur moi. Nous nous regardons, il ne bougeait pas, un peu comme quand je venais le voir, mais cette fois-ci, il était parfaitement éveillé. Je ne sais pas ce que mes yeux transmettaient à ce moment tant j'avais l'impression d'avoir un mélange d'émotions.

Le médecin : « Ah enfin, vous êtes là mademoiselle. Nous vous attendions depuis tout à l'heure ».

Je ne dis rien et le regarde, impatiente d'entendre ce qu'il a, à dire.

Lui : « Alors voilà, ça fait maintenant une bonne heure qu'il est réveillé. C'est sa partenaire de chambre qui nous a alerté concernant son réveil. Jusqu'à présent, il n'a pas vraiment manifesté de réelles paroles, alors nous n'avons pas essayé de le brusquer avant votre venue ».

Je pose à nouveau mon regard sur lui, il fronce à présent les sourcils en me fixant. Je détourne le regard et me concentre sur le médecin.

Le médecin : « C'est possible que ça prenne plus de temps pour qu'il revienne à lui, c'est normal, c'est ce qui arrive après avoir passé autant de temps dans le coma ».

Je ne dis toujours rien, mais Yumes lui semblait vouloir dire quelque chose. Il retire son masque avec la main tremblotante. Et me pointe du doigt.

Le médecin : « Ah, il paraîtrait qu'il ai quelque chose à vous dire ! Approchez-vous, je vous en prie »

Mon cœur se resserre. J'étais perdue, j'avais si peur. Peur de l'entendre. Je fais quelque pas timide et m'approche de lui. Le bruit de mon cœur était sur haut-parleur.

Yumes : « Toi.. Tu es qui ? »

Ezia - L'âme de mes larmes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant