Chapitre 5 - Amour immortel

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Une silhouette se dessine, à travers la forte lumière projetée par les phares de la voiture arrière. Je ne bouge pas, toujours devant la portière de la voiture, la main sur l'encadrement de la porte. Cette voix, je ne pouvais pas l'oublier tant elle avait fait écho en moi. Et pourtant, à ce moment précis, tout en moi refusait d'admettre qu'elle m'était familière. Je ne voulais pas. Ça ne pouvait pas être possible, pourquoi ça arrivait. La silhouette s'approche de moi lentement. Au fur et à mesure, même si je le savais au moment où ses mots avaient été prononcés, je la reconnaissais. Je déglutis instinctivement.

Pourquoi devions-nous nous recroiser ?

À présent, il se dresse devant moi. Parfaitement immobile. J'étais complètement muette, je le voyais à présent debout sur ses deux jambes. Je n'avais pas l'habitude de le voir ainsi, aussi grand et élancé. Le vent s'écrasait sur mes joues, le temps commençait à changer et se refroidir. Au début, il avait la tête baissée, et passait sa main dans ses cheveux de sorte à les réajuster. Enfin, il finit par légèrement lever les yeux vers moi, très doucement, afin d'analyser chacun des traits de mon visage. En quelques instants, il finit par comprendre. Je vois dans son expression qu'il m'avait reconnu et cela rien qu'en voyant mes lèvres. Il fixait à présent mes yeux, ceux qui me trahissaient depuis toujours et qui devaient sûrement crier, ô combien j'étais étonnée de le voir devant moi. Le temps semblait s'être arrêté, pourtant l'agitation commençait à se faire ressentir derrière nous, puisque nous interrompions le trafic. En revanche, tout paraissait être ralenti, les bruits n'était pas aussi bruyant, à tel point que j'avais l'impression d'entendre chacune de ses respirations. Il n'était pourtant pas si proche, mais c'était comme si je ne voyais que lui autour de moi. Ses yeux plongeaient dans les miens et on aurait dit qu'il était surpris, un peu comme moi, de nous retrouver à ce moment-là, dans le plus grand hasard. Mais, pour lui et moi, les événements passés ne tardaient pas à refaire surface. Alors les traits de son visage, en très peu de temps, se sont refermés, laissant à place à cet air impénétrable qu'il arborait au quotidien. Tandis que moi, je passe machinalement une mèche de cheveux derrière mon oreille, l'air de cacher ma stupéfaction. Je finis par me pencher à sa droite, voyant la longue file de voiture derrière nous.

Je brise ce silence inébranlable.

Moi : « Je crois qu'on gêne ».

Il ne dit rien et me fixait toujours autant. Je crois qu'il ne s'attendait tellement pas à cette rencontre qu'il en était perdu dans ses pensées.
Derrière lui, des pas se rapprochent. Un monsieur, très petit et potelé, approximativement de l'âge de ma mère, se présente, les sourcils froncés et la bouche ouverte de colère.

Lui : « Non mais ça va pas ! Vous voulez qu'on vous apporte une tasse de thé aussi ? »

Moi, timidement : « Excusez-nous, Monsieur, on a eu un petit accident, on va se mettre.. »

Lui, me coupant en hurlant et gesticulant plus fort encore : « Et alors ! Vous voyez bien que tout le monde attend, vous croyez être les seuls sur la route ! »

Yumes tourne enfin la tête vers l'homme assez dodu, qui semblait ne rien vouloir entendre. Sa petite moustache remuait dans tous les sens quand il parlait, ce qui lui donnait légèrement un air ridicule.

Moi : « C'est bon monsieur, ça ne vous est jamais arrivé d'avoir un accident, peut-être ? »

Lui : « Évidemment, mais voyez-vous, moi, mes parents m'ont appris la politesse ! Alors que vous, pauvre incapable, on ne dirait pas. Vous feriez mieux de vous taire, jeune impolie ! Allez donc dire à votre misérable père qu'il revoit l'éducation des femmes de son foyer ».

Les battements de mon cœur s'intensifient. Est-ce que j'avais mal entendu ? J'espérais au fond de moi, mais mes joues commençaient à chauffer, ce qui prouvait ce qu'il venait de sortir. Ma gorge se serre, mon regard devient noir. Je le dévisage et ne contrôle plus aucunes de mes expressions faciales. Cette journée était particulièrement éprouvante, il s'était trompé de jours. J'avais peur d'exploser, je ne voulais pas être livrée à mes émotions. Je prends de grandes respirations, et dans une grande impulsion, mes jambes avancent devant lui. J'étais presque collée à lui, le corps tremblant de rage. Mon souffle se heurtait directement sur son visage. Tout mon être frissonnait de colère, je ne comprenais pas comment les gens pouvaient être aussi irrespectueux. Chacun de leurs mots me heurtait, mais ils ne semblaient pas s'en préoccuper. L'humain me dégoûtait, les hommes me dégoûtaient. Depuis l'agression de Yaz, j'éprouvais particulièrement un sentiment haineux à leur encontre. Pour moi, ils ne pouvaient pas avoir de principes. Ils n'étaient bons qu'à agir avec leur entrejambe, se remplir le ventre et utiliser les femmes comme bons leur semble. Ils n'étaient là que pour batifoler, remplis d'arrogance et de mépris, poussé par un misérable pouvoir que la société leur donnait. Excepté mon père et mon frère, il m'était difficile de ne pas ranger tous les hommes dans le même sac. Je me méfiais de chacun d'entre eux, même pour les plus gentils d'apparence.

Moi, grommelant grossièrement : « Qu'est-ce que t'as dit là ? »

Mes poings étaient serrés, je les serrais si fort que j'avais l'impression d'entendre mon cœur dans chaque main.

Lui, ricanant : « Qu'est-ce qu'elle a celle-là ! Dis donc c'est que t'es mignonne de plus près ».

À ce moment, il passe très rapidement deux de ses gros doigts boudinés sur ma pommette. Je n'ai même pas le temps de réagir qu'il est propulsé en arrière au même moment. Quant à moi, j'avais fermé les yeux en sursautant, je crois que j'étais déstabilisée. J'avais eu peur de ce contact sur ma peau, me rappelant des souvenirs que je voulais oublier. Je passe ma main sur ma joue, le dégoût envahissant tout mon être. Je la frotte avec acharnement, compulsivement, dans l'espoir de nettoyer cette souillure. Lorsque ma vue se rétablit, j'aperçois Yumes au sol, complètement avachis sur le corps du monsieur, le frappant violemment. C'était comme s'il passait toute sa colère sur lui. Je lève les yeux et comprends vite que nous sommes observés. Certaines personnes commencent à sortir, se dirigeant vers nous. Je me ressaisis vite et tire le pull de Yumes aussi fort que je le pouvais.

Moi : « Arrête ! Ils vont appeler la police ».

À l'entente de mes mots, il jette un œil vers l'attroupement qui se dirigeait vers nous puis se redresse. Il me regarde furtivement, tandis que j'avais toujours ma main posée sur ma joue, désormais écarlate. Il fronce les sourcils.

Lui, d'un ton sec : « Rejoins-moi sur le parking de chez moi ».

Il se dirige vers sa voiture, ouvre violemment la portière et allume le contact. Le moteur gronde tandis qu'il me fait les gros yeux pour que je me presse.
La main tremblotante, je baisse les yeux vers l'homme au sol. Il avait l'arcade sourcilière complètement ensanglantée et son nez coulait également. Il me regardait, avec un regard plein de détresse.

Moi, marmonnant : « Ne jamais toucher la fille d'un autre ».

Ezia - L'âme de mes larmes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant