Chapitre 4 - Rose épineuse.

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Mon ventre se tord de douleur, ce qui me force à mordiller ma lèvre inférieure. Je jurais qu'à ce moment précis tout le monde voyait la goutte de sueur qui s'écoulait le long de ma tempe. J'étais déstabilisée, couverte de frissons. Mes mains tremblaient en serrant la sacoche contre moi. Je n'avais rien prévu et tout se présenta à moi si soudainement.

Moi, bafouillant : « Je.. Bah.. »

Le médecin, m'interrompant : « Ne vous inquiétez surtout pas ! C'est normal. Ça fait partie des symptômes, ça devrait se dissiper d'ici quelques jours. Si ce n'est pas le cas, on verra à ce moment-là. Mais il est encore trop tôt pour le dire ! »

Yumes me regardait toujours autant. Son visage mélangeait l'incompréhension et la fatigue.

Le médecin : « Bon, je pense avoir fait le tour. Je repasserai en fin de journée pour qu'on puisse voir comment son état aura évolué. Je suis contente pour vous madame, rétablissez-vous bien jeune homme ! »

Ils sortent tous de la pièce un à un en se suivant. Je n'ai pas eu le courage de bouger, ni même de dire quoique ce soit. Je n'osais pas me tourner vers lui et l'affronter. Pourtant j'étais curieuse jusqu'ici de pouvoir lui parler, de le voir bouger. Mais j'étais comme tétanisée de devoir lui faire face. Enfin, après tout ça.

Lui, en toussotant : « Je n'ai pas perdu la mémoire ».

Sa voix me fait presque sursauter. Je tiens fermement sa sacoche, mes ongles s'enfoncent quasiment dans le plastique. Sa voix, elle me perturbait. Elle résonnait en moi comme dans mon rêve. Comment s'était possible, comment s'était possible qu'il me parle dans mon rêve alors que je ne l'avais jamais entendue auparavant. Sa voix était la même, sans aucune différence. Et puis se rêve, c'était troublant, juste après, je recevais l'appel de l'hôpital. Pourquoi tout s'enchaînait comme ça.

Lui : « Tu pourrais au moins me regarder quand je te parle ».

Je déglutis. Il me parlait sèchement. Je ne sais pas si c'est lui ou seulement moi qui étais trop déboussolée.
Je pivote mon corps sur le côté et plonge mon regard dans le sien. Ses yeux, ses yeux que j'attendais depuis si longtemps ouverts me fixaient, remplis d'interrogations. Il était temps, je devais le faire. C'était le moment de tous lui dire.

Lui : « Ah, enfin. Bon j'ai pas envie d'attendre longtemps, comme t'as pu le voir, je suis assez fatigué. J'ai pas forcément envie de me répéter, tu es qui ? »

Moi, serrant davantage la sacoche : « Je.. C'est une longue histoire ».

Lui : « J'ai tout le temps qu'il faut ».

Moi : « C'était un soir et.. »

Lui, me coupant : « Attend, je rêve ou c'est ma sacoche ? Mais je comprends plus rien, qu'est-ce que tu fais avec ça ? »

Je m'arrête et regarde mes mains. Toute tremblotante, je la dépose près de son lit.

Moi : « Ah.. Oui, euh.. Excuse-moi.. J'ai préféré la garder avec moi pour qu'on ne te vole rien »

Lui : « Attend, mais ça fait combien de temps que je suis là ? Tu es qui ? Pourquoi l'autre te parlait comme si tu me connaissais ? »

Moi : « Tu as eu un accident de voiture. Une voiture t'a renversé.. », je passe ma main dans mes cheveux.
« Tu as eu un traumatisme crânien, ça fait quasi deux mois que tu es dans le coma ».

Lui : « Et le plus important ? »

Moi : « Hein ? Euh, comment ça ? »

Lui : « Qui es-tu ? J'ai dû te le répéter mille fois ».

Moi : « Ah oui ça.. Enfaite, c'est moi qui t'ai découvert. Tu étais tout seul, je culpabilisais de t'abandonner comme ça. Donc j'ai dit que j'étais ta cousine, c'était vraiment pas pour te manquer de respect ou quoi, vraiment, je t'assure ! »

Lui : « Attend quoi, tu t'es fait passer pour ma cousine ? »

Moi : « Oui, mais vraiment, ce n'était pas méchant, c'était juste parce que t'étais seul et je ne sais pas, je pouvais pas te laisser comme ça ».

Il se met à rire de stresse tout en passant sa main sur ses yeux.

Lui : « Je crois que je suis dans un cauchemar, je délire complet là ».

Sa voix si grave, elle résonnait en moi. Je me sentais bizarre. Après deux mois à le voir sans lui adresser la parole, je lui parlais. Je le regardais et je l'entendais rire. Il était bel bien conscient devant moi, pourtant je m'étais habituée à le voir inanimé, presque mort. J'étais habituée à le voir, il m'était devenu familier, je connaissais son visage, son odeur. Mais quand il me parlait, il était un autre, je découvrais quelqu'un. Je découvrais ses mimiques, attentive à chacun de ses battements de paupières. Ses lèvres bougeaient lentement, lorsqu'il prononçait chaque mot. Son nez remuait quand il soupirait. J'enregistrais chaque élément qu'il me manquait de lui pour constituer son être vivant. J'étais confuse de le connaître extérieurement, mais de devoir apprendre l'intérieur de sa carapace. C'était dur de devoir tout relever, alors qu'à côté de ça je devais prendre le temps de lui expliquer cette situation perturbante. Il était normal qu'il veuille comprendre ma présence, c'était étrange qu'une inconnue accorde de son temps à un autre inconnu. Mais justement, ce qu'il ne savait pas, c'est la dette que j'avais envers lui, cette chose qui m'empêchait d'être une simple inconnue pour lui.

Moi : « Écoute, essaie juste de te dire que j'étais rongée par la culpabilité de te laisser seul ici. Je n'avais rien à faire donc j'ai essayé de te tenir compagnie jusqu'à ton réveil. Rien de plus ».

Il retire sa main de ses yeux, et se met à me fixer.
Mon cœur s'accélère, j'étais embarrassée. Il ne voulait pas baisser le regard, bien qu'il voie que je fuyais le sien.

Lui : « Et ton prénom, c'est quoi ? »

Moi : « Ezia.. »

Ezia - L'âme de mes larmes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant