Dans le plus grand des calmes, je lui avouais d'une certaine manière à quel point ma vie sur Terre n'était que souffrance. Je ne lui disais pas les termes précis, mais je crois que mon visage en disait déjà beaucoup.
Lui, déglutissant : « Je ne savais pas que tu souffrais autant. Je ne veux pas rentrer dans ton intimité, mais une fille de ton âge ne devrait être aussi triste, Ezia ».
Je ne dis rien, laissant la musique des auto-tamponneuses masquer ce silence plombant.
Lui, gêné : « Orh, je ne suis pas doué dans ces trucs-là, mais je suis très sérieux ! », il pivote son corps face à moi et pose sa barquette sur le banc abîmé. « Écoute, je sais ce que c'est d'être seul. Je sais ce que tu penses à ce moment même ».
Je relève mes yeux vers lui, je crois qu'ils commençaient à être larmoyants. Je ne voulais pas craquer, pas devant lui. Mais, il m'était devenu difficile, après tout ce temps, de ne pas réaliser à quel point je souffrais. La vie était désormais un sujet sensible pour moi, elle me rappelait tout ce que j'avais enduré jusqu'à présent.
Lui, poursuivant : « J'ignore, à quel point tu as été blessé, ni même le degré de tes souffrances. Mais tu n'as que dix-huit ans, tu as la vie devant toi et tout ce que tu vis passera tôt ou tard. Je sais que j'ai l'air de parler comme un ancien, mais j'ai raison Ezia, comme d'habitude d'ailleurs ».
Il m'offre son plus beau sourire, auquel je suis obligé de répondre, tant il était ridicule. Je voyais qu'il essayait de me réconforter comme il le pouvait, mais comment lui dire que tout était déjà trop tard. Comment lui dire que des mois auparavant, j'avais pris la décision de ne plus vivre pour alléger mes souffrances. Je ne pouvais pas lui dire alors, je gardais ça au fond de moi, comme j'avais pris l'habitude de faire jusqu'à présent. Bien qu'il ait réussi à me faire sourire, cette discussion m'avait quelque peu coupé dans mon élan de plaisir, et j'ignorais si je parviendrais à retrouver cette flamme de joie qui s'était installée très récemment.
Yumes voyant ma mine attristée, se lève énergiquement.
Lui : « Tu m'attends là, j'arrive tout de suite ».
Moi : « Hein ? Mais où tu vas ? »
Lui, s'éloignant au loin : « T'inquiète pas, ne bouge pas ! »
Je ne dis rien et le regarde se perdre dans la masse de personne plus loin derrière nous. Je me retrouve seule sur ce banc, pendant une quinzaine de minutes, regardant chacune des auto-tamponneuses se cogner violemment entre elles. Le dernier churro dans ma bouche, je me lève pour secouer tout le sucre qui s'était retrouvé sur mon pantalon. Toujours en me secouant, j'aperçois des pieds devant moi. Je lève la tête et découvre Yumes, les mains derrière son dos.
Lui : « Ferme les yeux ».
Moi, les sourcils froncés : « Hein ? Non ».
Lui : « Arrête tes manières et ferme les yeux Ezia ».
Moi : « Pourquoi ? Qu'est-ce que tu vas me faire ? »
Lui : « Tu me fais pas confiance ? »
Moi : « Non ».
Il laisse échapper un petit rire.
Lui : « C'est fou ça, je t'offre des churros. Normalement la confiance est plus que présente là ! »
Moi : « Si tu y ajoutes une nouvelle voiture, peut-être que.. »
Lui, soupirant : « Le retour de la matérialiste, j'y crois pas ».
Je rigole grossièrement.
Lui, insistant : « Bon aller, ferme les yeux ».
Je me prête au jeu et couvre mes yeux de mes mains congelés.
VOUS LISEZ
Ezia - L'âme de mes larmes.
De TodoC'est l'histoire d'Ezia. Elle mène une vie quelque peu banale, rassemblant les petits tracas du quotidien. Arrive ce jour fatidique, qui marque le début de son immense chagrin. Son monde s'écroule, la plongeant dans un flot de solitude. Le chagrin s...