Chapitre 1 - Fragments de sentiments.

93 5 0
                                    

Sofiye : « Tu crois que celui-là c'est ma teinte ? Oh non attend peut-être plus celui-là, non ? »

Moi : « Hum.. Oui ».

Je n'en pouvais plus. Faire du shopping avec Sofiye était éprouvant. Entre les tonnes de rencontres qu'elles faisaient et les nombreux aller-retours entre la cabine d'essayage et les rayons, je ne pouvais plus suivre le rythme.

Moi : « Écoute Sofiye je t'attends dehors, j'ai besoin de m'asseoir un peu ».

Elle : « Petite joueuse ! »

Je m'installe sur les bancs du centre commercial, un peu plus loin du magasin dans lequel se trouve Sofiye.

Je reconnais qu'en plus de ce shopping sportif, ma tête était ailleurs. Je pensais à trop de chose en même temps comme ça avait l'habitude de m'arriver. Mes pensées se mélangeaient entre elles, ce qui ne donnait vraiment rien de bon. J'avoue que le programme de ce soir ne m'enchantais guère. Moi qui ressortais tout juste d'un milieu solitaire, sans grande sociabilité. J'allais devoir quelque peu me forcer à aller dans un milieu rempli de jovialité et de festivité. C'était limite de la torture à mes yeux, mais ça, personne ne pouvait le comprendre. Un nœud s'était formé dans mon ventre et se tordait de plus en plus.

J'étais anxieuse.

« Comment m'habiller ? »

C'est vrai ça comment je suis censée m'habiller pour un anniversaire. Et, puis ça fait combien de temps que je ne me soucie plus de mon apparence.

« Les gens vont me trouver ridicule »

Ils verront bien que quelque chose cloche chez moi. Puis mon corps.. Ils vont tous me juger, comme l'a fait ma famille.

Je recouvre mon visage de mes mains et souffle un bon coup.

L'angoisse, je n'arrive pas à me ressaisir. J'ai le cœur qui palpite et le nœud qui se resserre dans mon ventre broie mes intestins. Je me lève et cherche les toilettes du centre commercial. J'ai la poitrine serrée comme si mon cœur se crispait. Je me dépêche de trouver les toilettes, c'est invivable, j'ai chaud, mes joues brûlent d'angoisse.

Je pousse de l'épaule la grosse porte des toilettes. Je lâche mes sacs au sol et ouvre précipitamment le robinet. J'éclabousse mon visage d'eau froide, ce qui m'apaise immédiatement. Je prends de profondes respirations, mes deux mains appuyées sur les extrémités du lavabo. Depuis le temps maintenant, je sais comment me calmer. C'est si compliqué et épuisant cette lutte contre son corps. Dans ces moments, j'ai l'impression de devoir éteindre un début de feu, parce que si je le laisse se répandre, je deviens hors de contrôle et je sombre dans l'angoisse.

Je reprends les sacs et sort des toilettes. Dans le petit couloir, j'entends des petits ricanements féminins mélangés à une voix enrouée. Je tourne légèrement mon regard, et aperçois un couple s'enlaçant. La fille passait sensuellement ses mains, de ses ongles fraîchement manucurés, autour de la nuque du garçon. Lui effleurait ses mains de géant sur les formes généreuses du petit corps féminin. Les deux batifolaient dans le coin sombre de ce centre commercial. Je détourne la tête m'apprêtant à reprendre mon chemin, mais soudainement, je m'arrête. Je bloque. La silhouette masculine m'était trop familière. Bien qu'il soit de dos, je le reconnaissais. Son parfum sucré embaumait l'étroit couloir. C'était bien lui, c'était Yaz. Mes sourcils se froncent légèrement au fur et mesure que je le reconnaissais. J'en étais bien sûre, c'était lui qui gesticulait de désir auprès de cette fille. Ma bouche se plisse laissant apparaître une mine inconsciemment dégoûtée. Je crois que j'étais ébahi de voir mon cousin de cette manière. Ça ne lui ressemblait tellement pas. J'étais terriblement gênée, la scène n'avait rien de romantique, mais s'apparentait plutôt à des pulsions obscènes. Je n'étais pas censé assister à ça et surtout à un moment pareil. Je m'empresse de détourner le regard et m'enfuis très loin. J'étais sans voix, ces révélations sur Yaz me perturbaient.

J'avais connaissance de la manière de faire des enfants et tout ce qui en découle via mes cours de troisième. En revanche, j'ai toujours vu ça sous un autre angle, un angle plus littéraire. Un angle dans lequel la romance prenait le dessus sur l'obscénité et l'assouvissement de pulsions. Le plaisir était le fruit d'un amour enivrant. Aujourd'hui les gens ont de plus en plus de comportements impudiques, grossier, dégoûtant. C'était donc ça s'aimer ? J'étais déconcerté de devoir ranger Yaz dans cette case. Il était possible que le problème venait en partie de moi et de mes visions un brin irréalistes. Il faut dire que ma vision de l'amour, parfaitement incarnée par mes parents, était presque imaginaire. Mes parents s'aimaient d'un amour pur et délicat. Dans un monde qui leur appartenait, un monde avec la fusion de deux âmes. Ils s'aimaient passionnément et publiquement, sans caractère indécent. L'amour, le vrai, celui qui poigne et qui ne meurt jamais.

J'étais sûrement trop prude pour certain, mais il m'était difficile de concevoir les choses différemment de ce que j'avais vu et surtout vécu. Je n'avais peu de connaissances sur la grossièreté de ce monde, j'avais été longuement préservé et j'imagine qu'il s'agissait là du souhait de mes parents. Je croyais en cet amour-là, celui qui respecte l'être aimé et protège son cœur.

Je rejoins Sofiye déboussolée. Elle avait fini et semblait me chercher.

Elle : « Ah bah enfin t'es là ! Je t'attendais, regarde ce que j'ai pris ».

Nous avançons tandis qu'elle me montre soigneusement ces achats. Je restais silencieuse, encore perturbée par ce que je venais de voir.

Elle : «  Ezia ? Ça va ? »

Je la regarde dans les yeux, et reprends mes esprits.

Moi : « Euh, oui oui, je suis là ».

Elle : « Qu'est-ce qu'il t'arrive, t'es à l'ouest là ! Viens, on va manger, j'ai trop faim, ça va te faire du bien ».

Elle me prend par le bras et m'attire vers un des restaurants au bout du centre.

Elle : « Je vais appeler Yaz, il doit être pas loin ».

Je déglutis quand elle prononce son prénom. La scène se repasse dans ma tête, mes joues se mettent à chauffer. Elle finit par l'appeler en lui piaillant de nous rejoindre. Lorsqu'il est arrivé, il souriait comme à son habitude. Mais, cette fois-là, je ne le voyais plus de la même manière. Notre insouciance de jeunesse, c'était envolé. Une part de lui m'avait déçu ou du moins, je réalisais sans doute la réalité de notre monde.

Yaz : « Alors Ezia, Sofiye a été sage ».

Je ne réponds pas, trop occupé à être dans mes pensées.

Lui, me tapotant l'épaule : « Ého, Ezia ! »

Je sursaute au contact de sa main. Je finis par lever mes yeux sur lui. J'étais mal alaise.

Moi : « Euh.. Oui », je rigole nerveusement. « Ça va, elle a été sage ». Je passe frénétiquement ma main dans mes longs cheveux, comme quand je suis stressée.

Yaz, souriant : « Tant mieux, aller, on va manger, je dois me casser le ventre ! ».

Ezia - L'âme de mes larmes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant