Le mur

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Je n’ ai dormi que 2h.
Je reprends mes jeux, mon rythme. Vivre la nuit, dormir le jour.
Hier, lundi, jour des draps. Elle exige le changement de literie tous les lundis.
Si j’ ai le courage de défaire et refaire mon lit.
Je n’ avais pas le courage.
Là, elle a cogné le vantail aux alentours de sept heures, avant de partir à son travail. Je me suis couché à six.
Je maudit Alfred et ma main , celle qui malgré moi à accepté le deal.

Tac….

Il ne peut pas essayer de se souvenir du code.
Bon sang de bois, ce n’ est pas bien difficile.

Bonjour Joshua. Je ne suis pas bien content aujourd’hui.

On est deux mon pote…

Scrach,scrach… Les pages tournent plus vite. Scraaachhh…

Debleu, pourquoi y font des pages si grandes…

J’ imagine les feuilles qui se froissent.
Pas de rubrique nécrologique?

La guerre…les bombes…les réfugiés…les rationnements.
L’inflation….les cours de la bourse s’effondrent…
Les glaciers fondent…
Un carambolage sur l’ autoroute…

Il me fait quoi Alfred aujourd'hui?
Sa lecture me fiche le cafard.
Quel sens donner à cette vie?
A quoi bon vivre dans une société aussi violente, qui se délite de plus en plus?
Il finit par se taire.
Il rumine à voix basse.
Si je veux entendre. je vais devoir me rapprocher de lui.
Je m’ extirpe de mon lit…sur la pointe des pieds,  je traverse ma chambre…je colle mon oreille à la porte.

Ces Grands-Champs… ils vont voir de quel bois il se chauffe!!!

C’ est quoi les grands champs?

Il va être obligé d' aller chez le notaire, comme s' il avait le temps et l’ argent.

Ce sont des gens? Pourquoi allez chez le notaire?
Je me surprends à être curieux.
Depuis quand  je n’ ai pas été curieux?

En plus, il ne le connais pas ce  jeune notaire.
L’ affaire ne paraît pas simple. Les Grands-Champs , ce sont des coriaces. Bon sang de bon sang…. Il ne va pas se laisser faire…

Ouh là, il est en pétard.je sens mon cerveau démarer.
Vite, je dois revenir dans mon nid. En bougeant mon genou frappe la porte.
Bong…le bruit résonne dans toute la pièce.
Tu es là petit.
Plus une affirmation qu’une question.

Je suis là à râler. Tu ne dois rien comprendre.
Ma mère, c’ est une Grands-Champs. La cadette.
La fille de l’ Hector. Le grand-père. Sa femme , à l’ Hector, c’était une cousine germaine de mon pere. Nos grands parents, ils étaient cousins au 3eme degré.
Tu me suis?

Euh…pas vraiment…

Dans nos vallées dans le temps , on restait longtemps isolé par la neige. Et aussi par les cols à franchir.
L’ automobile a été un vrai miracle par chez nous.
Et puis, la terre, elle était dure à travailler. De petits lopins dispersés dans les pentes.
Pour faire quatre sous, ils vendaient les plus jeunes aux maîtres ramoneurs pour aller mourir dans les cheminées des riches. Quelle misère!  Après, ils y disaient que c’ etait des petits anges, qu’ils protégeaient la maisonnée…pfff…des barbares…

Son cerveau a l’ air de fonctionner comme le mien. Il saute du coq à l'âne.
Je ne me perds pas dans son histoire.

Les femmes, elles y prenaient des petits de l’ assistance. Ca faisait des sous et des bras gratuits…barbares…
Chez les Grands-Champs, ils avaient bien de la peine ces petits…

Il soupire, le silence se prolonge un peu, je n’ose plus bouger.

Je me suis un peu perdu dans mes colères.
Donc, dans le temps, pour garder et agrandir les terres, les gens se mariaient entre eux. La consanguinité faisait des ravages. On avait plus de crétins ici que dans les autres départements. Il n’ y a pas que le manque d’ iode. Parfois, un homme se mariait avec une femme d’une autre vallée. Elle restait l’ etrangere pour toute sa vie. La souffre douleur de tout le village. Les filles cadettes, c’ étaient des pas grands choses.
Si tu y vas voir dans les vieux cimetières, tu ne trouveras que trois ou quatre noms de famille.

SortirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant