le clan

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Je suis un peu corbaturé, j’ ai veillé ma boule de tendresse toute la nuit.

– B’jour.
–B’jour.
On ne parle pas, on court, synchronisé, parfois nos épaules, nos mains se touchent.
On finit par un énorme câlin.
Il me fait un clin d'œil.
– Ah tout à l’heure.

Nooonnn !
Une armada de testostérone envahit de nouveau ma cuisine, dirigée par Mick en treillis.
– Tu es toujours d’ accord pour modifier la salle à manger ? C’ est samedi, on a embauché Nathan.
En une paire d’heures, les meubles valsent, tâtonnent un peu avant de trouver la bonne place.

Aurélie a cuisiné un plat du sud. Un mijoté de pommes de terre, carottes, oignons, tomates, ail, olives.
Bien sûr , Mick s’ empresse de copier la recette.

L’ opération récupération du tableau est lancée.
Les plus faibles et les plus frileux  restent au chaud  tandis qu’on se fraye un chemin entre de vieux outils, des paniers, des cagettes jusqu'au tracteur orange tout rouillé,il refuse de démarrer.
Oh hisse ! Vive la testostérone ! On le pousse suffisamment pour ouvrir le portail arrière.
Le tableau est bien là, à l’ abri sous une bâche.
– A quoi sert ce bâtiment ?
Mick désigne une grande bâtisse circulaire un peu plus loin.
– Je ne sais pas, j' ai demandé à Alfred. Il m’ a tourné le dos . Nathan ?
–Je ne sais pas. La porte et les ouvertures sont bouchés par des planches. Alfred se mettait en colère quand on s’en approchait.
Cela suffit pour nous intriguer.
– On va voir ?
Mick l’ aventureux s’ élance sur l'épaisse couche de neige.
– Attends.
– Attends.
Je récupère le trousseau de clé. Nathan revient avec un arrache clou.
Les plus courageux, les plus curieux se retrouvent devant la  porte  condamnée.
Nathan et Mick arrachent les grosses planches.
Je trouve la bonne clé. La lourde porte cloutée s’ouvre dans un grincement lugubre.
– Debleu !
– Saperlipopette !
–Waouh !
– Oh !!!!!

Nous sommes dans une chapelle octogonale, dévastée, quelques flocons volètent depuis le plafond percé , soutenu par six colonnes. La nappe de l’ autel central semble avoir été jeté au sol, comme les rares statues de saints.
– le Reposoir !!!
Quelques tiges, vestiges de bouquets, décorent un petit autel en forme de berceau. Des anges brisés, gisent sur un prie dieu.
– On venait mettre là les enfants mort né pour les baptiser
Un religieux veillait. Si le bébé bougeait, il le baptisait trés vite. Les gens pensaient qu’un enfant non baptisé allait en enfer. En sortant de la rigidité cadavérique, un corps bouge un peu. Il y avait aussi ceux qui espéraient un miracle, lors d’une maladie. Ma grand-mère en parlait.
Je croyais à une histoire sans fondement.

Alfred a-t-il emmené ici ces bébés, avec l’ espoir fou qu’ils guérissent ? 
Est-ce lui qui a tout renversé ? avant de clore définitivement ce lieu ? Je reviendrai. Il faut refaire la toiture.

Stupéfaction ! Les femmes se sont occupées de Matt pendant notre absence sous le regard enchanté de la Grande.
Des mèches roses pâle parsèment la courte chevelure blanche, un léger maquillage soulignent ses traits fin, une jupe crayon découvre les longues jambes fines,  un chemisier blouse sur sa taille fine, la lavallière de Philippe, révèle l’ombre discrète des seins . Alice termine de lui coller de faux ongles pailletés.
Toute son élégante  ambiguïté ressort enfin.
Ni femme, ni homme, ni les deux, autre, il n’ y a pas de case prévu, pas de convergence binaire, pourtant une convergence . Un peu le 1+1=3*. Lui et Lui donne un Autre.

Cannelés, souvenir des années d'études bordelaise d’ Amélie.
–On va soit devenir obèse, soit ouvrir une patisserie !
Soudain Nathan propose une sortie pour le lendemain.
Il a trouvé la grande luge en bois,  ses parents ont les leurs. Une grand ola lui répond. On partira assez tôt.

L’ après-midi se termine paisiblement. Mick installe le tableau étincelant de propreté,  les uns se reposent, les autres travaillent. La Grande Catherine part tôt avec sa Lutine, ce soir a lieu une soirée spéciale au Gay Rire.
Amélie squatte la pierre de l’ âtre, amorphe.  Elle ne va pas très bien depuis sa visite au médecin légiste, Jo chuchote à son oreille, elle baisse la tête, il insiste, elle le repousse.

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