Révélations

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Cindy me chuchote, agressive
– Qu’est ce que tu lui a encore fait ?
Les yeux de Toussaint sont les miroirs de son âme.
Des yeux étranges, qui dérangent souvent. Qui captivent toujours.
Deux grands espaces d’ ambre liquide, virant du chocolat très clair au doré.
J’ aime observer cette étrange lumière d’or dans ses pupilles lorsqu’il jouit, lorsqu’il est désirant.
Quand il est dans l'excitation de la création, qu’il lève les yeux de son ouvrage, on est aussitôt happé par ce regard. Il est le seul de sa famille à posséder cette couleur si particuliere de pupilles.
Samuel est fasciné par ces yeux.
Là, ils sont semblables à de la boue jaunâtre, ternes, éteints.
Il sourit, plaisante, mais ses yeux ne sont pas en accord avec ses mots, sa gestuelle.
Mick aussi semble fasciné. Depuis leur première rencontre, son regard file discrètement vers les billes d’ ambre.

Cindy a annoncé un colis de mama. Pour tous les amis de Joshua.
Ils arrivent les uns derrière les autres. La Grande, Matt, Nathan, Paul et Monique. Ne manque que notre trio, perdu on ne sait où.
Les deux groupes se présentent, se jaugent, accent toulousain contre accent genevois, plaine contre montagne.
Les sourires naissent, les éclats de rire surgissent . Je suis soulagé.
Toussaint est assis sur la pierre de l’ âtre, il gratouille le museau de Lola.
Mick s’ accroupit près de lui, prend son menton,  relève sa tête, le dévisage. Ils sont yeux dans les yeux. Toussaint laisse sa joue tomber dans la paume caressante.
Philippe les observe.
L’autre grande main calleuse va ébouriffer les tresses, les éparpille, joue avec les perles.
L’ ambre revient.
Un pincement désagréable étreint ma poitrine.
Je suis jaloux ? Je voudrais stopper ce moment de tendresse. Je me tourne vers Philippe . Lui aussi se tend, les lèvres pincées, les yeux figés. Samuel est prêt à mordre.

Cindy fait diversion en posant un des paniers de mama sur la table. On fait cercle autour d’elle.
Dandy et Mick reviennent l’un vers l’ autre. Épaule contre épaule, avec ce curieux contact , tempe contre tempe.
– A la demande de Mr Philippe, livraison des fameuses crèmes zizi de la plus grande sorcière du Rwanda.
Mick sursaute, se tourne vers Toussaint.
– Tu es rwandais ? Tu es un réfugié ?
Toussaint hoche la tête.
Les bras de Mick se crispent autour de sa poitrine.
La Grande questionne.
– Tu as fait le Rwanda ?
La bouche se crispe.
– Les massacres ?
Il frotte son visage . Philippe l’ étreint. Il se laisse aller, sa tête contre son épaule.
Un ange passe.
J’ aimerai tant avoir le même amour qu’eux.

La Grande, impatiente, faufile sa main dans le cabas.
Cindy lui donne une tape,
– Chacun son tour.
– On fait quoi avec ?
Cindy, toujours aussi grossière, mime une masturbation.
Toussaint explique.
– Un truc d’hygiène… pour finir la toilette, garder nos verges bien propres, les protéger contre les saletés et autres mauvais sorts.

Les petites boîtes de bois décorées sortent une à une du panier.
Nous avons chacune la nôtre. On la rend à mama quand elles sont vides. Elles sont de retour, pleines, le lendemain.
Toussaint en a perdu une. Mama le lui reproche encore.

Celle de Mick laisse sortir une odeur puissante de cuir, de pierre alors que celle de Philippe embaume la rose musquée.
Du vétiver pour Paul. Monique renifle, sourit, approuve.
Quasiment inodore pour Nathan. J’ en prélève un peu, frotte dans les poils de son bras. Je retrouve presque l’ odeur de prairie de Toussaint. J’ arrête mon geste, il semble gêné.
Pour La Grande une explosion d’épices orientales sur fond de patchouli.
Pour Matt, deux boîtes, liées ensemble par deux rubans. Un bleu ,un rose.
L’ une contient un délicat parfum de jasmin , de clémentines, de fleurs d’oranger.
L’ autre masculine évoque un bois de chêne, l’odeur du vent d’hiver quand il va neiger.
Cindy a lu le nom : pour l’homme-femme.

Catherine c’est dressé, protecteur.
Le regard de Matt se trouble en reniflant les deux parfums.
Il ferme les yeux, prend une inspiration profonde.
Il desserre sa cravate. Retire son éternelle veste.
Sous la fine chemise blanche, on aperçoit l’ombre d’un marcel très serré.
Il commence à effleurer un bouton.
– Matt…
Je n’ ai jamais vu La Grande aussi inquiète.
Il continu, fini en relevant l’ étroit marcel.
Deux minuscules seins jaillissent, un peu fripés par la contention.

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