Divergent.

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– Nathan…
– Mmmm…
Je lui raconte notre discussion d’hier, ponctuée de mmmm…. Nathan le taiseux court à longues foulées régulières , sans s'essouffler. Ce matin, il donne la cadence.
– Avec Alfred, on s’était renseigné .
– Ah ?
– Mmmm….
– C’est bien pour toi , cette rencontre.
Je glisse, il me rattrape. Un grand frisson me parcourt sous sa poigne solide.
– Nathan…
– Mmmm…
– Tu as des amis à part nous ?
– Oui, de bons camarades au club et deux amis en Belgique. De ma formation de kiné. On a fait les quatre cent coups ensemble. Il y en a toujours un qui appelle les autres.
– Tu savais pour Mick ?
– Mmmm….. il y a eu quelques échanges houleux avec Philippe. Surtout après….
Une petite bise glacée s’intercale entre nous.
– Après ?
Il accélère .
Je laisse la distance se creuser.
Peu à peu, nos souffles s’ accordent de nouveau.
– Nathan, comment tu as su pour tes amis de Belgique ?
Je veux dire que vous étiez amis.
– L’un des deux jouait au con. Je ne le supportais pas, puis on a appris à se connaître. Avec Pierre, je parlerai de coup de foudre.
– Comme en amour ?
– Mmmm….
– L’ amitié c’ est une forme d’ amour ?
– Je le pense. Si Pierre devait disparaître de mon horizon, j’ aurai le cœur brisé.
– Tu prends soin d’eux ?
– Pas que. On partage beaucoup. On se raconte nos histoires, on se soutient dans les galères, mais aussi on déconne , on rêve ou on s’indigne ensemble, parfois on allume nos vidéos, sans se parler vraiment. On vaque à nos occupations pour le plaisir de s’entendre, de savoir que l’ autre existe.

De qui je prends soin ?  Je revois Cindy dans les rues roses. Peut-être une de mes  plus proches amies.Et surtout Anisha. Toussaint ? notre relation n’ a jamais ressemblé à de l’ amitié.
De notre groupe, à part Alfred, je n’ ai soutenu personne.
J’ ai profité des uns et des autres sans rien donner en échange. Ils ont célébré mon retour. J’ ai considéré cela comme un dû, en imposant mes exigences.
Nos pas ralentissent, Nathan va emprunter le raidillon qui mène chez lui.
Une angoisse étreint toute ma poitrine.
– Nathan…
– Mmmm….
…..
– Mmmmm?
– Je suis un peu ton ami ?
Il m’ entoure de ses bras, repousse mon bonnet lumineux, frotte mon crâne. J’ aime être contre lui.
– File, tu vas prendre froid.
Je me contente de cette réponse. Je repense à la préceptrice. Si la tristesse ferme le cœur, qu’est ce qui l’ ouvre aussi fort , aussi grand ?

– On peut s’installer chez toi pour travailler ? Le poêle ne suffit pas dans l’ hostellerie. On se gèle les jambes.

Il fait un froid de gueux.
La grande cuisine ne m’ a jamais parut aussi chaleureuse.
Mme la juge n’ aime pas les open space, là elle est servie ! Une quinzaine d’ abeilles studieuse bourdonne d’activités.
Elle partage le bureau avec Béatrice et Matt qui a suivi Catherine qui écoute je ne sais quoi au casque en prenant des notes tout en demandant son avis à Toussaint pour une série de costumes. J’ apprends qu’il a fait une école prestigieuse de costumiers. Je crois comprendre qu’elle prépare une playlist pour une prestation à Munich.
Les trois femmes se sont réfugiées dans la salle à manger. Une idée de Toussaint. Les machines à coudre ronronnent. Jo se décide à partir.
– Il ne faudra pas y descendre trop tard. Y va geler. Guilhem plonge dans ses deux ordis. Près de lui, Philippe écrit. Il suit telle une ombre son Homme qui cuisine.
Anisha se déballe de toutes ses chaudes pelures. Je me souviens à quel point elle à eu froid le premier hiver.
Mince. Au centre, Selim n’ avait qu’un mince blouson !
Je lui passe un de mes gros pull trop petits. Ses yeux s'illuminent.
– Alors tes dessins de lettres ?
– Selim, tu vas te brûler les moustaches aussi près du feu, rigole Aurélie confortablement installée dans son fauteuil.
Lola et Lechien ronflent le museau dans les chenets.
Paul m’ explique à mi-voix le projet du village.
J’ aime bien le concept.
Seule Cindy ne tient pas en place.
Son regard va vers  l’ étage au lieu de se fixer vers l’ étage.

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