Couvade.

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Tout comme dans T’esqui toi ? , je ne résiste pas au plaisir de vous proposer le premier chapitre de l’ histoire de Simon et de ses deux amoureux.
Comme ça au milieu de l’ autre histoire. Sans aucun lien, enfin a ce moment de l histoire de Joshua.
Vous me connaissez, mon cerveau divergent aime la diversité.

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La voiture de sport freine en crissant sur les cailloux de la cour.
Mon père ne changera jamais !
Bon pied bon œil, ce grand vieillard blanchi sous le harnais franchit le seuil de la maison de son grand pas élastique.

– Je viens voir mes petits-enfants.
Toujours aussi direct.
Anisha se dissimule derrière mon dos, terrorisée. Est ce qu’ elle pourra un jour sortir de son mutisme ?

Il lui sourit, lui tend ses fameux bonbons à la cerise. Elle plaque son visage dans le creux de mon dos.
Je n’ ai pas eu besoin d’ examen gynécologique. J'ignore ce qu’à vécu cette pauvre gamine, j’ ai la certitude que Guilhem les a ramenés de l’ enfer.
– Et celui-çi? Il est aussi sauvage ? Tu permets ?
Mon père fait partie des précurseurs de la communication non violente, celle des origines, pas encore pervertie par le positivisme à tout crin. Il demande toujours le consentement pour la plupart de ses gestes, cherchant à comprendre plutôt qu’ à imposer.
– Je vais te toucher mon petit bonhomme. Je suis ton pépé.
Je soupire, dès que je lui ai parlé de peut-être adopter ces deux oisillons cabossés, il s'est auto proclamé leur grand-père. Je trouve ce nom de pépé péjoratif. A lui de choisir….
Il écarte un pan de la solide écharpe orange usée, ému. Faite sur mesure, selon son idée, il l’ avait offerte à ma mère, elle l'utilisait comme corde, paréo,  sac, pour se protéger des intempéries, elle m’ avait appris à la nouer de différentes façons.
Mon bébé remue faiblement contre mon ventre, plutôt de microscopiques appuis. Je sais ce qu’il voit. Deux grands yeux bridés dévore  un visage hâve, vides.
Le médecin en lui revient au galop. Réhydratation ? Alimentation ? Vaccins ? Pour les vaccins on attendra, il est trop faible. Le reste, on va bien voir. Il n’ y a plus de place en pédiatrie. J’ ai eu les bons premiers gestes. Perfusions, le mettre au chaud. Puis Nathan, le kiné, m’a donné l’ idée de l’ écharpe. Ses grandes mains l’ ont manipulé avec une extrême délicatesse, remettant en place la hanche luxée sous l'œil méfiant d’ Anisha. Comment peut-on faire ça à un bébé ? il aurait été boiteux à vie, il en gardera une faiblesse. Peut-être qu' une intervention à la fin de la croissance l’ aidera.
Je viens de  résumer.
– Il y a un stage de portage à la maison de santé, la semaine prochaine, si cela te convient tu devrais venir. C’est bien le peau à peau, je le conseille aux mamans.
Malgré ses soixante quinze ans, il continue d’exercer, bénévole dans une maison médicale d’urgence, à la périphérie d’une cité, à Lyon. Il soigne des petites vieilles oubliées du système, craignant les urgences où l’ on trie de plus en plus les malades, fautes de place, de personnels, des sdfs, des sans papiers. Kévin me dit toujours : Tel père, tel fils.

Après plusieurs aller et retour,il revient de sa voiture, les bras chargés de paquets colorés.
– Voilà pour le petit. Mais….tu vas te dépêcher de déballer.
Pa’, mon Pa’, ma mère l’ appelait ainsi, le diminutif de Patrick, m’ attendrit. Il ne me semblait pas frustré de ne pas  être grand- père. Pourtant , là, il est complètement gâteux. Je découvre un amoncellement de minuscules body, de pyjamas, de brassières, de chaussons, un tapis d’éveil, un anneau de dentition, des hochets.
–Pa’, tu as dévalisé un magasin de puériculture.
- Attends, j’ ai pas fini. Lucile m’ a arrêté, sinon, j’ en aurai ramené davantage.
Lucile est une accorte infirmière à la retraite, bénévole, elle l’ assiste à son cabinet. Tout l’inverse de ma mère. Il me semble qu’ils se rapprochent depuis quelque temps. J’ aimerai tant que mon père soit de nouveau heureux en couple.
Le bébé s'agite encore un peu. Il devrait bientôt avoir faim. Enfin, je suppose.
Kevin franchit la porte. Lui aussi chargé de paquets. Une poussette dernier cri, un transat avec un mobile.
– J’ ai vu pour les meubles d’une chambre, j’ ai ramené un catalogue.
Ils sont fous.
La petite bouche cherche maladroitement contre ma peau.
– Il a faim ? Ne bouge pas, je vais chercher son biberon. Je le réchauffe un peu ?  Qui a métamorphosé ce bourru ?
Je dégage doucement mon épaule nu de l'écharpe pour le blottir au creux de mon bras, son regard plonge dans le mien
Mon cœur gonfle, gonfle, mes yeux se mouillent,je n’ aurai jamais crû ressentir cette immense joie de chacune de mes cellules.
Il avale avec difficulté quelques grammes de lait pour prématuré. Je rends grâce aux mamans qui donnent leur excédent de lait au lactarium. Les petits yeux se ferment, les petits doigts fragiles se crispent à peine sur ma poitrine, rien ne pourrait nous désunir.

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