Dernière nuit

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Joshua

La nuit d'août attend.
  Les grillons font l'ouverture.Deux étés auparavant, Alfred me faisait découvrir son vieux télescope en haut de la tourelle de l’ antique ferme fortifiée.

J’ attend avec elle.
Seul.
Depuis quatre jours.

Son absence remplit tout l’ espace de mes pensées, tout l’ espace de mes émotions.

A la fois vide, vide de lui, de ses mots, de sa tendre rudesse, et à la fois plein de ce silence,de l'illusion de sa présence.
Je me surprend parfois au réveil à tendre l’ oreille. Mon vieil ami me lit le journal. La rubrique nécrologique. Ce n'est que le vent sifflant autour des vieilles pierres dressées au bout du chemin. Ou bien, une des filles se met à piailler, je me dit : tiens, il vient de découvrir un nouveau nid. Elles ne jouent même plus, je trouve les oeufs sagement pondus  dans le poulailler.

J’ ai apporté une couverture. Je me tourne vers l’ est. J’ attend la pluie d'étoiles filantes.
La vieille patou s' allonge près de moi en soupirant.
Il me manque tant.
Demain, je dois quitter la ferme.
Les mauvais, comme il les appelait, sont venus avec un huissier et les gendarmes. Ce sont les plus proches parents d’ Alfred.
Les héritiers.
Il doit fulminer là où il se trouve.  En attendant l’ ouverture du testament, je dois partir. Sans rien. Même pas une valise avec mes affaires. Ils sont postés près du portail pour me surveiller
On ne sait jamais..
A leur grande surprise, un autre huissier a posé une requête, eux non plus ne peuvent pas entrer dans le domaine.
Ils attendent. Des vautours guettant leur proie.

J’ entend son rire quand il m’ a présenté Bertha et les filles, sa fierté dans sa cave remplie de bocaux de légumes, de fruits, d’ huile de ses noix,de terrines,sa gêne devant le bric à brac de la grange. 
Ici, chaque espace me parle de lui.
Je me souviens de cette dernière nuit d’août, nous étions tous là, autour de lui. Au souvenir de ce moment où il m' a appelé Joshua, où il m’ a fait promettre de ne plus m’ enfermer, où il m’ a demandé de chanter, je fond en larmes.

Une couverture m’entoure. L’ odeur de Nathan.  Ses grandes jambes se posent de part et d’ autre de mes cuisses. Il arrondit son buste contre mon dos courbé, ses bras encerclent mes épaules, ses grandes mains se posent sur les miennes, il cale sa tête contre mon épaule. Je suis niché au creux de son corps. Il se fait cocon pour bercer mon chagrin.
Là, là….pleure..pleure.

Je me laisse aller dans le doux balancement.
–En voilà une…vite fait un voeux.

Le bal des étoiles filantes vient de commencer.
Regarde, la fée jaune va au bal, avec toutes ses amies.Elles ont sortis leurs plus beaux carrosses.
Il me raconte l’ histoire.  Celle qu Alfred racontait aux enfants éblouis.
Les fées tourbillonnent de nouveau dans la nuit, au son de l’ orchestre des grillons. Les lutins s’ embrassent, les écailles des  dragons brillent de mille feux, les ondines jettent des bouquets scintillants , les elfes tracent des chemins de lumières…

Je me redresse un peu, je m’ appuie contre son ventre. J’ aime sentir ses cuisses puissantes contre les miennes. Je me love encore plus dans son bassin. En sécurité, je me sens en sécurité.
Il arrête le balancement.

Je sens son sexe se tendre contre le bas de mon dos. Il feule doucement dans mon cou. Ses bras et ses jambes m’ enserrent plus fort.
Je voudrais rester là,cependant  mon corps n’ a pas les mêmes attentes. J’ amorce un mouvement de retrait. Il me retient, reprend son mouvement en chantonnant.
Là…là… reste là…

Nathan? Oui? C’est quoi le désir pour toi?
Euh….la philo et moi….
Non, là, maintenant…

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