Mon chapeau de Catherinette, en exposition, fait fureur. Je viens de prendre trois commandes. Je ne pourrai pas en réaliser plus.
J’ai déjà bien mascagner pour réaliser celui-çi.Je n’ ai pas quitté mon atelier entre deux marchés de village.
Mon étal ne désemplit pas depuis tôt ce matin.
Pas de papotage avec Cindy, les chinois ou l’ affûteur de couteau.
Je viens d’avoir une demande pour un chapeau de mariée. Une copie du 19ème siècle.Les grands-parents ravies de l'originalité de ma création demandent des nouvelles du jeune homme.
Je crois bien que le voilà. Son savoyard flotte au-dessus de la foule.
Il fait la bise à Cindy, serre la main du couple.
Et moi ?
Je ne reçois qu’un hochement de têteIls discutent de lacs, de crêts, de poya ( késako ?)
Le monsieur collectionne les coucous. Il a réussi à dégoter un Amédée Fèvre, on en trouve plus sur le marché des antiquités. Il paraît qu’un autre horloger a ouvert l’ ancien atelier en utilisant les techniques de ce grand artiste. Il demande à voir.
Une exclamation. Comment ça ? C’est lui l’ horloger ? Il pourrait venir voir sa collection ?
Ils font un îlot près de mes tables. Des gens s’ arrêtent pour les écouter, leur demander.La foule attire la foule.
J’ en profite avec Cindy pour vanter notre marchandise.
La dame, son carton à chapeau enrubanné de vert tendre à la main, lève les yeux au ciel.
– Eh bé… nous n’en avons pas fini…
Il ne se tarit plus.
Entre deux ventes, j’ apprends qu’il travaille dans un foyer de jeunes délinquants, apprenti éducateur spécialisé, en alternance. Il reconnaît que c’est dur, mais il aime ce métier. Il cherche aussi un logement.– Cindy, tu savais pour lui ?
–Bien sûr. Ils avaient bu un verre une ou deux fois dans la semaine.
– Ah bon ?J’ ai réussi à le retenir.
Je lui fait visiter les deux étages vides. Il préfère le studio du quatrième, encombré de cartons, de vieux meubles. Il se fige devant un vaste rocking-chair .
J’appelle la proprio, si ça me convient, ça lui convient.
On fait quoi du bazar ? ce qu’on veut. Il n’y a rien de valeur.Rien de valeur ? De la passementerie introuvable de nos jours, toute une pyramide instable de mercerie. Des rubans, des boutons, un cartons de plumes soigneusement emballées dans du papier de soie ; le tout protégés des mites par des boules de cèdre.
Tout au fond du galetas, je découvre des étagères remplies de différentes formes en bois, des formes à bibi du début du siècle dernier, des formes de l'autre siècle encore.
Une superbe boîte noire. Un chapeau claque ????
Avec les formes pour le fabriquer ?J’ai sauté plusieurs fois dans les bras de mon futur voisin en piaillant de joie.
– Joshua, je n’ yyyyy crois paaas !!
Mais là, devant ce claque, je bondis sur lui, j’enroule mes jambes autour de ses hanches. En riant, il pose ses mains sous mes fesses, me fait tournoyer dans la poussière.
Nos découvertes me donnent le tournis.
Il me donne le tournis. Je pose mon visage contre son épaule. Je suis bien contre lui.Je nettoie les formes qui vont rester chez lui. Mon atelier est plein à craquer.
Il travaille vite.
Il trie les morceaux de meubles. La plupart, vermoulus, finiront à la déchetterie, d’ autres en recyclerie.
Il décide de restaurer les autres.
Sous les montants d’un lit à baldaquin se cache un vieil établi à vapeur, encore un carton avec d’ antique fers à repasser en fonte avec leur support à braise, des outils inestimables.
Le tout finit près de mes étagères.Ce qui me paraissait un studio devient un grand loft clair. Quatre fenêtres basses donnent sur la rue principale et les toits de tuiles roses.
Il y a une salle de bain vieillotte, une cuisine d’un autre âge.
Il suppose qu’il y avait ici un dortoir pour les apprentis, les domestiques.
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Sortir
RomanceDepuis trois longues années, Joshua vit cloîtré dans sa chambre, volontairement. Il fait partie des invisibles, des hikikomori. Son rental brother ne peut plus l'accompagner. Un personnage inattendu, Alfred, va lui permettre d'ouvrir son cœur...