Alfred n ’ est pas rentré.
Je suis descendu au Troquet. Il ne l’ ont pas vu.
Il a oublié son portefeuille à la maison. Je m’ inquiète un peu. Il oublie de plus en plus de choses. Surtout depuis la mort de Berthe. Parfois il me dit qu’il va la nourrir.
Jade ne le quitte plus.Deux jours, deux jours sans nouvelles.
Il a eu un accident.
Un couple l’ a conduit à l'hôpital. Comme il n’y avait pas de place, ils l’ont conduit dans une clinique , dans la ville voisine. Puis dans un centre gériatrique. Il est à plus de cinquante km de la maison.
Mick et Philippe me conduisent. J’ aurai dû l'écouter, passer mon permis de conduire.Il ne m’ a pas reconnu….il ne m’ a pas reconnu.
Vêtu d'une espèce de jogging beige, je le trouve attaché dans un fauteuil. Il ne sait qu’ appeler au secours, son regard m’ implore. Mon cœur se fracture en millier de morceaux.
Je veux le ramener à la maison.
Ce n’est pas possible. Je ne suis pas de la famille. Je hurle.
Philippe m’ entraîne à l'extérieur. Je ne peux rien faire.
Mick me conduit tous les jours près de lui.
Aujourd’hui, il m’ a un peu reconnu. Il m’ a parlé de juge, d’ avocat, de papiers dans sa chambre. Puis il s’est endormi, bouche ouverte, épuisé. Il appelle à l' aide en dormant.Je pousse la porte de sa chambre. Je n’y suis jamais entré.
Sur une commode, à côté de ses photos, je trouve une enveloppe, des carnets.
– Mick, viens voir, il a laissé des papiers. Je n’y comprends rien.Ils sont là, près de moi, tous.
Simon vient de m’ expliquer. Alfred sait depuis longtemps qu’ il a la maladie de Rendu-Ossler.
Il me l’ a toujours dissimulée.
Son accident, le déracinement dans un milieu étranger l’ont fait basculer dans la confusion.
Atterré, j’ écoute Mick me demander si je suis d’ accord pour montrer les documents à son frère juriste. Il semble que Alfred a demandé à ce que je sois son tuteur quand la maladie l'empêchera de vivre seul.Je me souviens, il y a quelques mois, il m’ avait réclamé ma carte d'identité, d’officialiser ma nouvelle adresse, chez lui…
Malgré les relations de Mick, les formalités sont longues. Il s’enfonce de plus en plus dans la démence. Je voudrais tant le ramener chez nous.
Professionnels, amis me disent que ce n’est pas possible.
Je ne supporte plus de le voir attachéUne routine s’installe. Je sonne à la porte du service. Un soignant fatigué vient m’ouvrir.
C’est mon premier geste, le libérer. Le faire marcher dans le couloir, l’ aider à manger. Lui lire le journal. Avant de partir, je l’installe dans son lit. Je ne peux pas l’ attacher.
J’ ai trouvé un bus , il part tôt, rentre tard. Je reste avec lui le plus possible.Ce matin, la réceptionniste m’ interpelle. Le médecin m’ annonce qu' Alfred s'est enfui cette nuit. Ils ne savent pas trop comment. D’ un service sécurisé ? Inattention. Il y aura des sanctions. Je m’ en fout des sanctions. Je veux mon Alfred.
Les gendarmes sont prévenus. Il va y avoir des battus.
Je lance l’ alerte. Julie , la plus proche du centre, arrive rapidement, demande des précisions.
Je dois rentrer chez moi, je ne peux rien faire, les autorités font leur travail.
Nathan et sa famille m’ attendent.
Je ne peux pas rester inactif. Je prends mon scooter , je sillonne les routes. Je suis sûr qu’il rentre à la maison.
La nuit tombe. Une journée et une nuit dehors. Début octobre il fait froid en montagne. Il pleut par intermittence.
Une autre journée.
Simon est passé, une adolescente accrochée à sa chemise. Elle ressemble à une petite vieille rabougrie. Il porte un bébé en écharpe.
Il tente de me rassurer.
Je m’ assied sur le perron. S’ il arrive, je le verrai, j’irai le soutenir. L’ eau reste sur le feu. Je lui ferai une bouillotte pour le réchauffer.Des gens du village viennent aux nouvelles. Je les entends chuchoter. Les alzheimer, on les retrouve mort de froid dans un fossé ou noyé dans un ruisseau.
Nathan les traite de connard. Assis derrière moi, il m’entoure de ses bras. Tu crois qu’ils vont le trouver ?
Oui, ils vont le trouver.
Marie prépare le souper.
La nuit va interrompre les battus.
Quelqu’un allume la lumière au-dessus du perron, je veux l’ attendre, il sera peut être perdu en arrivant.
La Grande descend d’une voiture, un pied dans le plâtre, soutenu par un homme élégant, plus petit qu’iel, attentionné.
Pour la première fois je la vois sans maquillage. Iel a vieilli d’un seul coup.
– Rentre avec moi. Tu vas attraper froid. Tu ne pourras pas l' aider si tu es malade.
L’ horloge marque les heures.
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Sortir
RomanceDepuis trois longues années, Joshua vit cloîtré dans sa chambre, volontairement. Il fait partie des invisibles, des hikikomori. Son rental brother ne peut plus l'accompagner. Un personnage inattendu, Alfred, va lui permettre d'ouvrir son cœur...