Toussaint Bonaventure

19 4 15
                                    

Il fait un temps de Toussaint… si un petit plaisantin me fait encore cette blague…grrr…
Quelle idée ont eu mes parents à ma naissance ?
Toussaint Bonaventure ? Tu parles d’ un nom !!!

Bon, il fait vraiment un temps de Toussaint. Nous sommes fin octobre. Un vent froid balaie la place des Fontaines.
Malgré le mauvais temps, le marché est bondé en ce début de weekend prolongé.

Derrière mon stand de chapeaux, idéalement placé, je suis aux premières loges. Les chalands curieux vont et viennent tout autour de nous.
La matinée a été plutôt bonne. Je vais devoir me réapprovisionner en bonnets.
Par contre, mes petits feutres pour femmes sont encore sur l’ étalage.
Je plaisante avec ma voisine de stand. Elle vend ses bijoux fait main made in china.
Des breloques à un francs six sous.

C’est elle qui le repère en premier.
- Hé bé ! Regarde celui-là !

Un homme plutôt grand, filiforme, visage allongé, chapeau savoyard , tourne la tête de tous les côtés.
– Macarel ! J’en ferai bien mon quatre heure !

Il a l’ air perdu.
– J’ y vais.

Elle file vers lui.
Il semble timide.
– Tu sais où est la rue Bessière ?
- Tout à côté.
– Il ne trouve pas son numéro.
– Ah, la rue est en deux parties, elle doit être de l’ autre côté du marché.

Il est chargé, un gros sac à dos, une énorme valise à roulettes dans une main, une antiquité verte écossaise dans l’ autre.
A presque midi, il va galérer entre les stands bondés. Il n’ a pas l’air très chaud pour s’y aventurer. Ni très bien. Il lâche sa valise pour fourrer sa main dans la poche de sa doudoune bien trop chaude pour la saison. Il machouille sa lèvre supérieure. Je sais reconnaître le début d’une crise de panique depuis ma petite enfance

Il pourrait se poser sur mon stand.
Je lui propose un pliant, une bouteille d’eau. Deux billes vertes émeraudes me remercient.
Cindy s’occupe de ses clientes, deux ados tentées par ses bagues.

Tao m’ appelle, mes bao buns fumant dans un carton.
Sa cuisine de rue ne chôme pas, sa femme frit non stop de délicates gourmandises chinoises.

Mince…je viens de voir passer une gamine avec un de mes feutres, puis une autre avec sa copine
- Dépêche- toi, il n’y en a pas beaucoup, c’est une série limitée et le vendeur est troop canon.

Derrière mon banc, très sérieusement, il vend mes chapeaux à une autre gamine devant une Cindy sidérée.
– Regardez mademoiselle, celui-ci vous va tellement mieux qu’un bonnet. Le forme convient à votre visage et la couleur fait ressortir vos yeux… ce sont des modèles de créateurs, chacun est unique.
Il la baratine un peu, l’ affaire est dans le sac, plutôt sur le crâne .
Je n’ ai pas vendu un seul feutre de la matinée

- Désolé, mademoiselle, je n’en ai plus.
La semaine prochaine…. Je ne sais…oh voilà le modiste, vous pouvez voir avec lui.

Quatre commandes plus tard, Cindy me chuchote.
– Je lui ai un peu fait la conversation. Comme il regardait les feutres, je lui ai expliqué que c’est toi qui les fabriquait.
J'étais occupée avec une mamie, et je l’ ai vu vendre un premier chapeau.
Le temps que tu tapes la discute avec les chinois, il a tout vendu.
– Comment il a fait ?
– D’abord, il est trop craquant avec son style vieille france, après tu as entendu, modèle de création, série limitée, quelques compliments..
– Je fais pareil pourtant.
– Monsieur, c'est ici pour les chapeaux de créateur ?

Celui là soit je l’ embauche, soit je le garde comme porte bonheur.

– Je pense que c’ est possible madame.
Il se tourne vers moi.
– Vous pensez pouvoir créer un chapeau de catherinette ? Mme en voudrait un pour sa petite fille.

SortirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant