Séparation.

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Les deux voitures chargées, prêtes au départ attendent la fin des embrassades, des étreintes.
A mon habitude, je reste en retrait, elles vont faire en deux étapes, pour Aurélie. Jo va les accompagner un peu, histoire d’y être sûr qu’elles prennent la bonne direction. Et le gps ?

Je cours avant qu’elles ne passent le portail.
– Selim, d’ accord, j’ accepte d’ être ta famille d’ accueil. Reviens vite.
Il bondit hors de la voiture, me fait tournoyer, va clamer l’ information aux autres, nouvelle pirouette, il remonte dans le véhicule . Un dernier au revoir.

Le coin de l' âtre est effectivement un excellent poste d’observation.
Je m’ attend à voir surgir une femme du couloir, à entendre une cavalcade dans l’ escalier, une porte claque, ce n’ est qu’un courant d’ air.
Depuis des semaines je n’ ai pas lu les messages de groupe. J’y vois nos retrouvailles, nos séparations, Mick inquiet programmant leurs venues chez moi. Sur le second, celui où on retrouve les amis, les conjoints, les souhaits de bonne route alternent avec les remerciements; pas de trace de Toussaint.
– Ne t’inquiète pas, il est chez nous.  Philippe.
– Comment va t’ il?
– Pas très bien. Il a une visio avec sa mère demain. Je dois te quitter.

Alena s’installe près de moi.
– J’ ai étendu les draps. Tu pourrais créer un gîte.
Elle parle un moment, de tout de rien. On déjeune, le congélateur est rempli de boîtes, de sachets.
– On a regardé les greniers des maisonnettes. On a trouvé deux rouets, un berceau, des bouteilles, des guenilles et des bouts de bois, Jo pense à un métier à tisser.

Tu as un véritable trésor dans ce grenier. Tu vas devoir sécuriser ta maison, voir ce que tu veux faire de tous ces livres.  Louer un coffre dans une banque ou un truc bien sécurisé. Ils sont inestimables. Tu devrais fermer le portail, fermer la porte , mettre des caméras, trouver une société de sécurité… N’ouvrir à personne en attendant de tout mettre dans un coffre, on va trouver un expert… On a tous convenu de ne pas en parler.
Je délire là ? Je commence à sortir et elle me conseille de m’ enfermer ?  Toussaint va mal, et elle me parle d’expertise ! Mes amies viennent de partir !
– Joshua, tu m’ écoutes ! c’est pour ton bien.
La vitre va exploser.
- Dégage, dégage tout de suite, fout le camp, dégaaageee.
Putain de vitre. Je frappe violemment du pied le pneu de sa voiture.

Je racle la neige autour du portail, malgré les gants, le métal est froid, un peu d’huile sur les gonds, sur la serrure et le tour est joué, plus personne n’ entrera chez moi.

Je découvre les clés dans le salon, bien présentées sur un napperon de dentelle.
Selim a calligraphie de superbes étiquettes. Il doit attendre avec impatience ma réaction.  Ce cadeau m’ apaise.
Je lui envoie une photo de son œuvre avec un grand smiley souriant.

Je profite du silence, de la solitude en traduisant le manuscrit sur l’ horloge coréenne, passionnant. J’imagine déjà la fabrication des multitudes de pièces, je regarde des tutos de menuiseries, la plupart des assemblages sont en bois, je ne connais que le métal. Quelqu'un  agite la cloche du portail. Plusieurs fois, plusieurs soirs ou matins, peu importe. Chaque fois, je me fige, le cœur battant, coupable de ne pas pouvoir ouvrir, imcapable de recevoir qui que ce soit.

– Joshua, tu ne vas pas nous laisser mourir de froid ! Je garde mon frère, ouvre nous s’il te plait.
Anisha secoue le portail en hurlant dans un porte-voix. Elle ne va pas céder.
–Arrête de ronchonner, j’ ai besoin de toi. Oups, qu’est ce que tu fais ?
Mes grandes feuilles de papier tapissent les murs, le sol, remplies de croquis, de schémas . Les meubles sont encombrés de bout de bois, de gouges, j'en suis à comprendre comment de petits godets de bois remplis d’eau font fonctionner une horloge céleste. Sur le papier, cela semble évident, la pratique l’ est moins.
Le garçonnet m’ attire vers la berceuse,s’il entend très bien,  il ne parle pas. Ses pères lui apprennent la langue des signes. Il soulève mon pull, colle l’oreille contre mon cœur, sa petite main bas la mesure sur mon épaule.
– Il ne fait ça qu’ avec toi et Simon. J’ avais besoin de te voir. Depuis le départ de Guilhem, ça ne va pas trop à la maison.
– Tu veux en parler ?
– Plus tard. Tu me racontes ce que tu fais ?
Je lui explique, un voyageur au treizième siècle est revenu d’asie avec des techniques étranges. Il a terminé sa vie ici. Il reste deux livres de médecine, un sur les feux d’artifices, deux autres sur le taoïsme. Et celui sur cette horloge à eau. Elle voudrait bien voir les livres de médecine.
Elle a du temps devant elle , je pourrais lui apprendre le latin ?
– Toussaint est passé plusieurs fois, il voudrait récupérer ses affaires avant de partir.
Aucune critique, nul reproche.

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