Chapitre 4

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C'est le grand jour, celui de ma mort certaine. Je suis euphorique et à la fois mortifiée de me dire que tout s'arrête ici. En tout cas mes derniers jours sur cette terre auront été les plus excitants de toute ma vie. Trente années à engranger des connaissances sur la vie animale ne valent pas ce que j'ai découvert ces derniers jours en sa présence. Il a eu sa dernière dose de sédatif cette nuit et ce n'est plus qu'une question de minutes jusqu'à ce qu'il se réveille. Je suis là, immobile devant cet alien qui est une créature mortelle et sanguinaire. Pourquoi je ne cours pas pour me cacher ? Pourquoi je ne lutte pas pour ma vie comme une personne normale ? Pourquoi je reste émerveillée par ce que les autres considèrent comme un monstre ? Je suis probablement plus dérangée que je ne le pensais mais ça ne fait rien, je n'ai qu'une hâte, le voir se lever et vérifier que les opérations de sa queue et de son bras sont un succès. Je glisse ma petite main dans la sienne et un de ses longs doigts réagit, il retrouve les sensations lentement. Après presque une semaine à dormir, il va être désorienté, probablement agressif et de mauvaise humeur. Je vois le bout de sa queue remuer, c'est bon signe et après ce qu'il me semble être une éternité, il papillonne des paupières. Au moins j'aurais pu revoir ces prunelles carmin incroyables surmontées par ses piercings à l'arcade en métal noir. Mon cœur bat une course folle dans ma poitrine, il anticipe les prochains instants. Je me penche légèrement et d'un coup ses prunelles sont sur moi, écarquillées. 

_ Je suis le docteur Callysta Blake, vous avez subi une lourde opération reconstructrice, vous devriez rester tranquille...

En une demi-seconde, la situation bascule. Il est debout devant moi, se tient parfaitement droit, il a visiblement récupéré toute sa motricité. Je dois me dévisser le cou, il dépasse les deux mètres. Et avant que j'aie le temps de faire quoi que ce soit, je prends un violent coup de queue dans l'abdomen qui me fait recracher tout mon air. Je vole pendant un instant puis je m'écrase violemment contre le mur, mes côtes me font un mal de chien mais je n'ai pas le temps de récupérer. Le bout de sa queue vient s'enrouler autour de mon cou et me soulève, privée d'air. 

Bravo Docteur Cally, tu as encore fait des miracles, ironisé-je. 

Je suis soulevée à sa hauteur, yeux dans les yeux mais mon regard se pose sur sa cicatrice à son flanc gauche et il me suit du regard, ses yeux expriment la surprise. Il observe ses bandages avec curiosité et un sifflement strident ramène son attention vers moi. Morty vient de sortir de mon décolleté, montrant ses crocs menaçants vers l'alien qui doit faire cent fois sa taille. D'un coup, il l'attrape et le sert dans sa poigne. 

_ Pitié ! Ne lui fais pas de mal ! Tue-moi si ça te chante mais laisse-le, articulé-je malgré ma gorge enserrée par sa queue. 

Les larmes dévalent mes joues et le Venimus balance négligemment Morty au sol, ce dernier s'enroule sur lui-même par instinct défensif. Sa prise sur ma gorge s'intensifie, l'air ne passe plus et j'agonise. J'avais espéré une mort rapide mais c'était trop demandé visiblement, cependant je ne me débats pas. Je lève la main et mes doigts effleurent les écailles noires qui ont un reflet écarlate à la lumière, même encore maintenant alors que la vie quitte mon corps, je veux sentir la douceur de sa peau reptilienne sur la mienne. Je plante mes yeux dans les siens, j'y mets tout mon courage et je lui montre que je n'ai pas peur de mourir, pour partir avec dignité. Puis sa prise se desserre et je m'écrase au sol tout près de Morty qui vient immédiatement se réfugier dans mes vêtements. La brûlure dans ma gorge et dans mes côtes est lancinante, je peine à reprendre mon souffle et je m'enroule en position fœtale, ma vue est trouble mais je distingue une forme imposante disparaître par la porte de la clinique. Je suis soudainement seule et étonnement vivante. Je me demande ce qui est le plus douloureux. Je finis par m'éteindre et lorsque je reviens à moi, la nuit est installée dehors. Je tente de me redresser, un gémissement m'échappe alors que je m'appuie contre le mur derrière moi. Je soulève délicatement mon débardeur et y découvre un bel hématome violacé. Pourtant je ne pense pas que mes côtes soient cassées. J'inspire avec précaution puis je sors Morty de sa cachette, je vérifie qu'il n'ait rien et je le pose sur mes genoux pour le caresser, mon meilleur ami est indemne et c'est tout ce qui compte. J'ignore combien de temps je reste assise dans la clinique, le jour commence à réapparaître et je somnole alors qu'un bruit me fait sursauter, réveillant mes douleurs au passage. Une forme rampante passe à nouveau la porte restée ouverte, je sers Morty plus fort contre moi alors qu'une paire d'yeux rouges incandescents se posent à nouveau sur moi. 

Il est probablement venu terminer le boulot. 

Il observe avec curiosité le serpent que je serre contre moi, puis ses yeux remontent jusqu'aux miens.

_ Pourquoi m'avoir soigné, humaine ? Tonne sa voix grave et profonde. 

Je me dévisse le cou pour plonger dans son regard écarlate. 

_ Parce que c'est mon métier, rétorqué-je platement. Aucune vie ne vaut plus qu'une autre, un être vivant qui agonise mérite mes soins. Qu'il soit un alien gigantesque n'y change rien. Si tu comptes en finir, fais-le vite s'il te plaît. 

_ J'ai massacré un bon nombre d'humains mais aucun ne m'avait dit que ma vie valait quelque chose à ses yeux. 

_ Je ne suis pas vraiment comme mes semblables, si tu veux tout savoir, j'en ai même développé une aversion, annoncé-je avec un demi-sourire malgré la douleur. 

_ Tu m'as sauvé la vie, femelle. Les lois des guerriers de ma race exigent que je doive te rendre la pareille pour payer ma dette. Je ne peux donc pas retourner auprès des miens tout de suite.

_ Tu peux y aller, je ne te retiens pas, dis-je en un souffle. 

_ Si je fais ça, ce sera le déshonneur sur ma lignée et je ne pourrais vraiment pas le tolérer. 

_ Bien, quel est ton nom, guerrier ? Demandé-je avec curiosité. 

_ Je suis Noxxorren du clan des Écailles Noires. 

_ Enchanté, je m'appelle Callysta Blake, me présenté-je avec un sourire forcé à cause de la douleur lancinante dans mon corps. 

Son nom n'est pas simple à prononcer mais il s'imprègne en moi comme une évidence. Finalement, le plus improbable des scénarios vient de se produire. Je suis vivante. 

Venimus : an alien romanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant