Mépris

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Dans le quotidien vibrant, l'atelier devient le théâtre de notre activité commune, une bulle où les idées fleurissent et prennent forme. Je sens jaillir en moi un renouveau créatif. Mes doigts manient le tissu avec précision quasi-automatique, je sens un regain d'inspiration. Je laisse libre cours à ma créativité, explorant de nouvelles idées, expérimentant des techniques inédites. La mélodie régulière de ma machine à coudre semble accompagner mes pensées, créant une symphonie harmonieuse dans l'atelier.

Stephan, de son côté, esquisse des croquis, griffonne des notes, explorant sans relâche de nouvelles variations pour ses prochaines créations. Son regard se pose parfois sur mes avancées, offrant des conseils empreints d'un sourire bienveillant, renforçant ainsi notre collaboration, transformant notre travail en danse créative où nos efforts s'unissent dans une symbiose parfaite.

Les créations prennent vie sous nos mains habiles. Cependant, une part de moi reste préoccupée par la situation avec Marlon. Il semble quant à lui, s'être replié sur lui-même. Ses passages à l'atelier sont rares quand, je suis présente. Lorsque nous nous retrouvons tous les deux, l'énergie qui émane est palpable.

Un après-midi, alors que je suis plongée dans la création d'une robe de soirée complexe, Marlon fait une brève apparition. Son regard évite soigneusement le mien, mais il s'arrête quelques instants, observant silencieusement mon travail avant de tourner les talons et dire :

- C'est moche

- Je ne l'ai pas encore fini dis-je en tentant de rationalisé.

Marlon persiste, exprimant son mépris de manière tranchante.

- Ben justement, je ne sais pas pour qui c'est mais, je vais plaindre la personne qui va la porter. J'espère qu'elle va même refuser cette horreur sa réputation serait remise en question.

- Marlon, laisse-là travailler. Elle vient à peine de commencer !

- Quoi, je n'ai pas le droit de dire ce que je pense ? Même si ce n'est que le début, c'est moche. Cela ne ressemble à rien, qui voudrait de cela.

Marlon lance ses paroles acerbes sans même chercher à dissimuler son mépris. Mon regard croise celui de Stephan, mais il semble aussi surpris que moi.

Je prends une profonde inspiration pour rester calme, bien que ses mots habituels aient éveillé une fois de plus une émotion mêlée de surprise et de contrariété.

- Chacun a le droit d'avoir son opinion certes, Marlon, mais, il y a une manière de l'exprimer qui pourrait-être plus gentille. Je sais que tu ne m'aimes pas et que tu n'aimes pas mon travail. Mais, tu pourrais au moins le respecter comme je respecte le tien. Si tu as des suggestions ou des critiques constructives, je suis ouverte à l'écoute. Chaque conseil est bon à prendre qu'ils soient bon ou mauvais.

Il hoche la tête d'un air dédaigneux.

- Je ne suis pas ici pour t'enseigner quoi que ce soit, je ne suis pas ton prof, je constate juste la réalité que cela n'est pas fait pour toi. Tu devrais le savoir depuis le temps que je te le dis.

Stephan soucieux d'apaiser la tension croissante intervient :

- Marlon, ce n'est ni le moment ni le lieu pour ce genre de commentaires surtout ceux-là, chacun son métier. Toi, tu fais le tien et elle le sien. Si tu n'as rien de constructif à dire, et la rabaisser il vaudrait mieux que tu partes avant que ce soit-moi qui devienne désagréable. Je ne veux pas me fâcher avec toi.

Il lance un dernier regard chargé de mépris à mon collègue et quitte l'atelier.

Je pousse un soupir, une boule d'insatisfaction et de contrariété s'installe au creux de mon estomac. Je retourne à ma création sans dire un mot et en retenant mes larmes, perturbant ma concentration.

- Abrutit maugréai-je en murmurant.

Stephan toujours attentif, essaie d'apaiser cette atmosphère pesante, assurant que ses paroles ne reflètent pas la valeur de mon travail.

- Ne te laisse pas affecter par ses paroles, il te répète toujours la même chose. Ce qu'il dit n'a aucune valeur constructive, sans intérêt. Tu as ton propre style, ta créativité parle pour elle-même, c'est ta façon de te reconnaitre chacun son métier et ce n'est pas le sien.

Je hoche la tête en signe de compréhension, mais l'impact de ses mots reste là, brûlant comme une brume de colère et d'injustice. Stephan, remarquant ma détresse, vient s'assoir à côté de moi.

- Tu es talentueuse, et ça personne ne peut te l'enlever. Tu as pleins de bonnes idées en tête qu'il faut que tu fasses vivre. Lui, il n'est là que pour les mettre en valeur. Personne d'autre que lui ne se plaint de ton travail bien au contraire. Certaines personnes seraient même prête à t'avoir en exclusivité. Ton aide m'est précieuse et diversifie.

Sa présence apaisante me rassure un peu même si au fond de moi, j'ai mal. Cette douleur est persistante. Je m'efforce de reprendre le contrôle de mes émotions, de canaliser cette colère grandissante pour la transformer en carburant pour mon art. 

Tu es ma haineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant