Chapitre 6

187 10 0
                                    

-Mais je vais vomir après, ça sert à rien ! »
Pourquoi j'ai dit ça ?! Evan me regarde d'une façon indéchiffrable. Effectivement, si je mange un peu trop mon corps ne peut pas garder la nourriture et je vomis... J'espère qu'il n'a pas compris, mais vu sa tête il a du comprendre.
-Quoi ? dit il d'une toute petite voix.
-Nan rien laisse tomber ! »
Il ouvre le frigo et cherche, pour en sortir des petits suisses. Il en met deux dans une assiette avec un peu de sucre et me les tend.
« -Tiens, c'est facile à manger ça !
-C'est trop gentil mais...
-Nan ! Mange-les ! »
Je les mange sous ses yeux, et c'est vrai que ça passe bien. On va ensuite se poser dans le canapé devant la télé. Soudain Evan me regarde et passe sa main sur mon œil.
-T'as l'œil bien amoché quand même... dit-il.
-Mais c'est pas grave.
-Tu t'es fait ça comment en fait ?
-Mais lâche moi avec tes questions, je n'ai jamais rien de grave j'ai juste la peau qui marque très facilement, c'est tout. »
Evan ne répond pas, je sais qu'il ne me croit pas mais je le connais à peine, il est hors de question que j'en parle avec lui ni avec qui que ce soit d'ailleurs. C'est mon problème, et ce n'est pas si grave, Jared n'a pas vraiment fait exprès.
Samedi matin, départ pour Rennes chez Romain. J'ai arrêté d'espérer que Romain et moi nous nous réconcilions, je me suis faite à l'idée que c'est fini pour toujours. Il pourra me dire ce qu'il veut, ça ne m'atteindra pas.
Je sors du train et retrouve Ophélie, sa mère donc ma tante. On prend la voiture.
« -Bon, notre appartement à Rennes est en travaux donc tu devras dormir dans la chambre de Romain, mais ne t'en fais pas elle est grande, dit-elle.
-ça ne dérange pas Romain ? je demande.
-Romain a beaucoup changé, tu verras. Et toi, ça va mieux ?
-Ben oui ça va très bien.
-Effectivement, tu as l'air en meilleure santé que la dernière fois, ça me fait plaisir. »
Je lui souris.
On arrive chez eux, Romain ne vient pas me dire bonjour, comme d'habitude. Mais il n'est pas dans sa chambre, je le vois sur le balcon en train de fumer. Ophélie installe mes affaires dans sa chambre, je dors sur un autre lit. Je lis un peu, on déjeune puis comme toujours Romain ne me calcule pas. Je passe l'après-midi sur mon portable ou à lire, puis vers vingt heures, Romain vient me voir.
« -Viens, on va dîner, mets un pull il fait froid, dit-il.
-Comment ça ?
-On va dans un restau sympa dans le quartier. »
Je suis un peu surprise, mais je mets un gros sweat et on sort, juste nous deux. Personne ne parle sur le trajet, on arrive au restaurant, on s'assied, on mange, et Romain prend finalement la parole. Il a l'air gêné, il regarde ses mains.
« -Il serait temps qu'on parle, non ? dit-il.
-Oui, bien sur.
-Je... j'ai... j'ai vraiment déconné avec toi, j'ai été le plus gros des connards... Cette dépendance aux jeux vidéo m'a pourri, je crois que j'en souffrais mais je ne m'en rendais pas compte et j'ai commencé à détester tout le monde. Plus j'aimais les personnes, plus je les haïssais sans même comprendre pourquoi... »
Il marque une pause. Il a du mal à s'exprimer, je le connais par cœur ; Romain n'a jamais été capable de s'excuser et de dire ce qu'il ressent. Moi, je suis incapable de prononcer un mot, tant ses paroles me surprennent, mon cœur bât très rapidement.
-Tu sais moi aussi j'ai souffert de te voir aussi malade, aussi maigre ! J'y pensais tout le temps, et j'avais l'impression de trouver encore du réconfort dans ces putain de jeux ! Je t'ai tellement pourrie, critiquée, j'ai du te faire tellement de mal et... je m'en veux... Mais c'est fini tout ça. »
Il me regarde, avec son petit sourire gêné que je n'ai vu que rarement, tant il est fier et sarcastique.
« -J'aimerais que tout redevienne comme avant, je comprends si tu veux pas, après tout c'est moi qui ai tout détruit. T'es... t'es un peu comme ma sœur tu sais... »
Je n'arrive pas à prononcer un mot, je le regarde, je n'arrive pas à comprendre, à réaliser ce qu'il vient de me dire. En voyant que je ne réponds pas, il mange du pain, il mange quatre morceaux de pain, il doit y avoir dix minutes qui s'écoulent. Il me regarde à nouveau dans les yeux, mais cette fois, il a les larmes aux yeux, ce qui me choque encore plus. Jamais je n'ai vu Romain les larmes aux yeux.
-Me laisse pas toi aussi... dit-il.
Il a du arriver quelque chose de grave. Je lui fais un petit sourire.
-C'est tout oublié, lui dis-je. »
Romain paye le restaurant car il ne veut pas que je le fasse, puis on sort. On s'assied dans un petit parc fréquenté par beaucoup de jeunes. Il fait nuit, mais pas trop froid. Romain me prend dans ses bras et me serre fort.
« -Je sais que t'aimes pas trop les câlins, tout ça, mais on a perdu trop de temps ensemble ! dit-il.
Je rigole. On s'assied et il me regarde sérieusement.
« -Tu sais ce qui m'a aidé ? ça va te faire rire... En seconde, j'ai rencontré une fille qui s'appelle Elena, et je sais pas pourquoi, juste avec elle je m'entendais bien. Alors on s'est rapprochés, et à force de passer du temps avec elle, j'ai été de moins en moins sur les écrans. Elle a vite repéré mon addiction, et a tout fait pour m'aider. Elle m'a partagé sa passion du volley ; maintenant j'en fais cinq heures par semaine. Mais tu n'as pas pu voir ça ; la dernière fois qu'on s'est vus, je l'avais à peine rencontrée. Puis en avril, on s'est mis ensemble ! Et tout allait pour le mieux, on partageait la passion du volley. Et puis en mars de mon année de première, alors qu'on avait à peine fêté un an de relation, elle est allée à une soirée, j'aurais voulu l'accompagner mais j'étais malade comme un chien, mais bon je l'ai laissée y aller... Un de ses potes a proposé de la raccompagner, mais il avait trop bu et voilà... elle est morte, et lui il est paralysé. Je vais pas te mentir, je l'ai très mal vécu et je me suis mis à fumer.
-C'est terrible... dis-je. »
Je ne sais jamais quoi dire dans ce genre de situation.
« -Et toi alors ? dit Romain.
-Moi quoi ?
-T'as un bel œil au bord noir et la lèvre bien gonflée.
-Oh ça, c'est pas grand-chose, je me suis cognée contre quelqu'un en EPS.
-Bah t'es forte quand même. Parce qu'on dirait plutôt que tu t'es pris un bon coup...
-Ah non pas du tout ! Personne ne m'a frappée ! »
Il ne faut surtout pas qu'il voit les bleus sur mes poignets.
« -En tous cas je suis content, t'as l'air d'être sur la bonne voie pour guérir. Dit-il.
-Oui ! Je vais très bien maintenant, le médecin dit que je dois encore prendre quelques kilos, mais je sens que je suis presque revenue à un poids normal. »
On continue à discuter pendant longtemps, on rigole, on retrouve cette ancienne complicité.
Je passe une semaine géniale avec Romain, on sort beaucoup, je découvre la ville de Rennes. On a des liens plus forts qu'avant, bien que je ne lui ai pas parlé de Jared, de mon malaise et que je lui ai dit que je pouvais tenir sans compléments mais que je les prenais pour être sure. Dimanche, il me ramène à la gare.
« -Si t'as le moindre problème, n'hésite jamais à m'appeler, d'accord ? Et viens à Rennes quand tu veux ! dit Romain. »
Il me prend dans ses bras et me fait un bisou sur le front. Romain est très affectif, et il n'y a qu'avec lui que ça ne me dérange pas.
J'arrive chez moi dimanche soir et m'endors.
Lundi, il est trois heures du matin et je me réveille avec un mal de ventre insoutenable. Depuis que j'ai à nouveau mes règles, c'est-à-dire un peu plus de cinq mois, la douleur est presque insupportable. Je me lève et marche, courbée en me tenant le ventre, vers la salle de bain. Je prends un antidouleur, malheureusement pas très fort car mon poids m'en empêche. Je prends une douche et me rallonge, mais rien n'y fait, j'ai toujours aussi mal. Je mets ma musique à fond dans les oreilles, ferme les yeux et me concentre au maximum sur la chanson. Au bout d'une heure et demie, je commence à avoir moins mal, et je sens que je me rendors.
Je me réveille à dix heures. L'effet du médicament est déjà fini. Je n'ai vraiment pas faim mais je me force à boire un verre de jus d'orange. Je reste allongée devant la télé, puis Jared m'appelle.
« -Allô ?
-Ouais t'es plus à Rennes là nan ? demande-t-il.
-Non, je suis chez moi.
-Viens chez moi. »
Il raccroche. Je soupire et reprends une douche, m'habille lentement et pars. Je marche très lentement, et j'arrive finalement chez lui.
« -T'en as mis du temps ! dit-il.
-Désolée, je suis fatiguée, je réponds. »
Il m'embrasse, on va dans sa chambre. Il m'embrasse en commençant à mettre ses mains sous mon tee-shirt.
« -Nan Jared, je peux pas là, lui dis-je.
-Ok. »
Il s'assied sur son canapé et moi sur son lit, je sais qu'il est vexé mais après tout, je n'y peux rien. Je m'allonge sur le côté en repliant mes jambes sur moi et en regardant dans le vide. Jared joue à la play, et au bout de vingt minutes il vient s'asseoir à côté de moi.
« -Qu'est-ce que t'as ? demande-t-il.
-Rien.
-ça fait mal au ventre ?
-Mmh.
-Euh tu veux un médicament ?
-J'en ai déjà pris. »
Il se lève, part et revient dix minutes plus tard.
« -T'as mangé ? demande-t-il.
-Nan.
-Euh tiens j'ai... je t'ai fait un croque monsieur... »

"Même les méchants rêvent d'amour."Où les histoires vivent. Découvrez maintenant