« -Giada et moi-même ne sommes pas en état de faire un discours, donc nous voudrions qu'Ambre le fasse.
-Moi ? je demande, les sourcils froncés, alors que tout le monde se retourne vers moi. »
Giada hoche la tête. Evan me lance un sourire rassurant. Je marche vers l'estrade, tout le monde me regarde, je n'aime pas ça. Je ne comprends pas pourquoi je dois faire ce discours. Sûrement parce qu'Esma m'aimait bien...
Mon cœur tambourine dans ma poitrine. En plus de ça, je dois improviser.
« -Esma était vraiment quelqu'un de bien. Oui, je sais, on dit toujours ça une fois que les gens sont partis. Mais, je vous assure, c'est vrai. C'était une personne incroyablement cultivée, tout comme ses parents. Son père était un historien expert dans l'histoire du monde arabe. Mais il était aussi passionné par l'histoire de notre beau pays, la France. Il organisait souvent des débats avec d'autres passionnés, pour qu'ils en savent plus à propos de l'histoire du monde arabe, et pour lui-même apprendre plus sur l'histoire occidentale. Esma a hérédité de cette grande ouverture d'esprit, et a transmis à son père un intérêt pour la culture italienne. C'était une fille merveilleuse. Admirable, même. Elle voulait toujours aider les gens autour d'elle, et apprendre de nouvelles choses. Mais vous savez ce qui est le plus con dans tout ça ? C'est que son père et elle étaient des musulmans. Ils aimaient leur religion, tout en étant pour le progrès. Son père l'a bien étudiée, Esma aussi. Ils connaissent assurément l'Islam bien mieux que ces abrutis ! Ils savaient très bien qu'être musulman, ce n'est pas une identité, mais une croyance. Ils savaient très bien que leur religion ne prohibe pas les concerts de rock, le fait de sortir le vendredi soir en terrasse, faire la fête de temps en temps, se mélanger avec les autres. Et surtout, ils savaient que leur religion est une religion de paix. Ils le savaient bien. Ils ont été crier avec nous, le onze janvier, qu'ils étaient Charlie et qu'ils n'avaient pas peur. Et pourtant, ils avaient de quoi avoir peur... »
Je marque une pause pour reprendre mon souffle, tout le monde semble captivé par mon discours.
« -En seconde, on est parti à Naples. On avait vu deux ou trois fois des tags islamophobes. Vous savez, des trucs super constructifs et intelligents, genre musulmans=merde. Et bah Esma en avait rit. Elle avait du courage. Il faut du courage pour réussir à rire de ça. Et elle l'a fait. Elle s'est moquée d'eux, pourquoi ? Parce qu'elle savait que la meilleure arme contre la haine, c'est l'humour. Si elle avait été là, aujourd'hui, elle vous aurait dit qu'à plus de violence, on doit répondre avec plus d'amour, qu'à plus d'ignorance on doit répondre avec plus d'éducation, et qu'on doit continuer à rire. C'est le seul moyen de garder la tête hors de l'eau. Rire, étudier, aimer. Je pense que dans ce lycée, vous êtes tous ouverts d'esprits et que vous savez bien que les musulmans n'ont rien à voir avec les terroristes. Mais il est important de voir où sont vraiment les ennemis. Nos ennemis sont ceux qui prônent la haine et la violence, ceux qui prétendent sauver la France et la République en pointant un coupable du doigt. Nous devons être tous unis. Nos différences doivent constituer notre force. Allez visiter des églises, des mosquées et des synagogues, renseignez-vous sur les cultures et histoires des autres pays, ouvrez-vous aux autres ! C'est ce qui aurait plu à Esma, car c'est ce qu'elle faisait. Elle s'ouvrait a tant de cultures différentes, et croyez-moi, beaucoup de musulmans en France sont comme elle ! J'en suis convaincue. C'est une personne incroyable que nous avons perdue, même si vous ne la connaissiez pas, sachez-le. Alors continuons son combat, ne restons pas les bras ballants à attendre que les choses s'améliorent toutes seules. Esma avait récemment partagé une citation sur Facebook qui m'a marquée, elle est de Malala Yousafzai : « avec des armes, on peut tuer des terroristes. Avec de l'éducation, on peut tuer le terrorisme. »... Voilà ce que je tenais à dire. Esma, repose en paix. Même si nous ne nous parlions pas beaucoup, j'ai toujours eu beaucoup d'estime pour toi. Merci de m'avoir enseigné un peu de ta culture, un peu de ta religion. »
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"Même les méchants rêvent d'amour."
Teen FictionVoici l'histoire d'Ambre Bourgeois-Ferricelli, seize ans, première scientifique dans un bon lycée parisien, résidant dans le centre de Paris au sein d'une famille riche. Elle excelle en cours, en sport et a même un petit ami. Rien ne semble l'attei...